Comme il semble préhistorique le temps de la cuisine moléculaire qui confondait paillasse et plan de travail, fumet et fumée, sauce et précipité. Après une période dédiée aux cuisines de rues, surtout asiatiques ou levantines, voici le grand retour des plats de toujours, de l’authenticité, de la tradition et du terroir, du roboratif et du généreux. Une valeur refuge en ces temps de crise sanitaire et d’incertitudes en tous genres. Nos assiettes viennent toujours nous raconter quelque chose de nous-mêmes, de nos préoccupations et de notre état d’esprit.
Après les plats de grand-mères, familiaux et conviviaux, les sandwichs sont aujourd’hui célébrés dans toute la presse et rebaptisés au passage « dwichs », histoire de séduire la Gen Z toujours avide de signes de reconnaissance. Les esprits chagrins ne manqueront pas de relever que les sandwichs n’avaient jamais vraiment disparu et qu’il suffit d’arpenter les gares pour s’en convaincre. Le jambon beurre est, en effet, toujours là et la seule révolution qu’il ait connu depuis sa naissance est de, parfois, adopter ce format triangulaire venu d’outre-Manche. Certes. Mais il a quand même acquis ses lettres de noblesse puisque de nombreux chefs se sont penchés sur son sort pour lui proposer, qui du jambon Prince de Paris (tout est dit), qui du pain de compétition ou des fromages AOP.
Le voilà à présent parti à la rencontre d’autres cultures, parmi lesquelles celle du Japon (forcément) sous la forme du Katsu sando, le sandwich icônique du pays du soleil levant, à base de hokkaido, sorte de pain de mie en grosses tranches entre lesquelles se glissent bœuf de Kobé, échine de porc panée ou thon à la chair fondante. On pourrait aussi citer le Triple decker (très haut comme son nom l’indique) ou le Lobster roll, tous deux nés, cette fois, outre Atlantique. Le sandwich est en pleine réinvention, c’est tant mieux et ce n’est pas près de s’arrêter tant l’envie de manger dehors ou « ailleurs » est dans l’air du temps.
Toujours le même et toujours différent, toujours identifiable et toujours renouvelé, un pied dans le familier et un autre dans la surprise, comment s’étonner que le sandwich ait toujours du succès ? La nouveauté n’est-elle pas d’autant plus acceptée qu’elle se construit sur ce qui est déjà connu et apprécié ?