Le marketing n’a jamais eu bonne réputation. Pour les uns, il crée des besoins ou, à défaut, des désirs que nous n’aurions pas spontanément et passe ainsi pour un « pousse à la consommation ». Pour les autres, il ne s’agit que d’une science appliquée qui, bien utilisée, permettrait de conquérir de nouveaux consommateurs et de s’assurer d’avantageux positionnements capables de laisser la concurrence derrière soi. Dans les deux cas, la manipulation des esprits et le sentiment de s’être fait avoir n’est jamais très loin.
70 ans après la naissance du marketing (que l’on attribue généralement aux lessiviers, au sortir de la seconde guerre mondiale lorsque ceux-ci devaient apprendre aux consommateurs de tous les pays à préférer une lessive en poudre plutôt qu’une autre), voici qu’une nouvelle ère s’annonce : celle de la désinfluence et du démarketing. Il fallait bien que cela arrive. Sur TikTok, les vidéos incitant les consommateurs à bien réfléchir avant d’acheter un produit recommandé par un influenceur se multiplient. Ras le bol des influenceurs qui abusent, profitent de tout et vendent leurs avis aux annonceurs, vive le hashtag « deinfluencing » !
Dans la vraie vie, certaines villes font tout pour que l’on ne vienne plus chez elles. Venise interdit les paquebots dans sa lagune et limite le nombre de touristes entrants en imposant une taxe. Marseille vient de lancer une campagne pour protéger ses calanques du tourisme de masse en réduisant leur accès, en incitant ses visiteurs à faire demi-tour ou en interdisant le mouillage des bateaux dans certaines criques. Et sur l’île d’Aix (230 habitants l’hiver, 8000 visiteurs par jour l’été), le démarketing est inscrit à l’ordre du jour de la mairie.
Les temps changent. Mais rien ne dit que la désinfluence et le démarketing ne soient pas les ultimes facettes du marketing, tant tout ce qui est à contre-courant ou difficile d’accès peut devenir ultra-désirable. La rareté est sans doute promise à un grand avenir au moment où chacun a le sentiment qu’il peut accéder à tout et que le monde est à sa disposition. Et tant pis si ses ressources ne sont pas infinies.
Du côté des marques aussi le démarketing est à l’œuvre. Les fabricants d’alcools et de cigarettes vendent leurs produits avec des mentions qui suggèrent que l’on devrait plutôt s’abstenir et tous les produits alimentaires portent des évaluations qui pourraient freiner nos envies. Mais, à la fin, c’est toujours le plaisir individuel qui gagne.