Pas toujours besoin de prendre l’avion pour vivre des décalages horaires. Les déjeuners et les dîners s’en chargent. Au siècle dernier, les ouvriers et les employés déjeunaient à midi quand les cadres se donnaient rendez-vous « vers 13h ». Idem pour le départ du bureau. Quand les premiers ne pouvaient pas partir tard, obligés d’affronter des responsabilités familiales ou de se plier aux horaires des transports en commun, les seconds faisaient de leur détachement de ces contraintes un signe ostentatoire de leur position hiérarchique. Tard était alors synonyme de responsabilité. Oui, mais ça, c’était avant la crise sanitaire.
Il suffit aujourd’hui d’être dans la rue vers 12h15 pour constater des files d’attente devant les nombreuses échoppes de street food qui se sont substituées aux restaurants d’entreprises. Car, conséquence de la généralisation du télétravail, arriver aujourd’hui « vers 13h » devant un menu, c’est prendre le risque de se retrouver face à un moindre choix… Le moment du départ pour le déjeuner glisse ainsi peu à peu vers midi. Ce phénomène d’avancement progressif se retrouve aussi le soir, provoqué par l’ambition des restaurateurs de « faire tourner leurs tables » deux fois. Pour y parvenir, ils installent un premier service à 19h30 et un second à 21h, les bénéficiaires du premier étant invités à ne pas s’éterniser. Premiers servis, premiers partis.
Si dîner tôt, « ça fait touriste », parler de « early dinner », c’est autrement plus chic… A bien y regarder, pour inédite qu’elle soit, la situation n’a pas que des inconvénients. Sortir de table tôt peut donner le sentiment d’être en vacances dans un pays étranger, de rompre avec ses habitudes (ça fait du bien) à ou encore d’échapper au « coup de feu » en salle et à son chapelet de stress. Dîner tôt, c’est aussi une manière d’allonger le temps et de s’offrir une seconde soirée. Dans un autre lieu ou chez soi, devant une série.
Chaque marque doit, désormais, réfléchir à la manière d’occuper ce « new after-hours » qui pourraient se révéler être une juteuse opportunité de marché. Puisque le goûter est regardé depuis quelques temps par les professionnels de la restauration comme un nouveau relai de croissance, pourquoi ne pas aller jusqu’à hybrider brunch et goûter ? Demain, la journée de travail pourrait ainsi commencer plus tôt (réchauffement climatique oblige), s’interrompre par un « mini finger lunch » et se finir par un « brûncher » vers 17h… Dans l’assiette, le changement, c’est tout le temps.