La presse à l’affût ne parle que de cela sur un ton mi-c’est nouveau, mi-c’est pas bien. Le full face, comprenez avoir son visage entièrement maquillé, semble être l’ultime tendance du moment parmi les (très) jeunes consommatrices. Le mouvement Nude, installé à l’opposé, n’était pourtant pas bien vieux.
Le full face est né sur les réseaux, et surtout sur TikTok, on s’en serait douté. Les dermatologues s’en inquiètent, soulignant les effets délétères du maquillage sur des peaux jeunes mais leur voix pèse peu face à la tentation générée par des linéaires (réels et virtuels) débordant de promesses de sensations et d’effets. Le phénomène est bien sûr révélateur de notre époque. De ses attentes et de ses imaginaires.
D’abord parce qu’il touche les plus jeunes d’entre nous qui peuvent toujours être vus comme porteurs d’un morceau de futur. Un futur où la consommation serait une source de culture et l’apparence le nouvel opium du peuple. Ces accrocs au full face sont aussi appelés « Sephora kids », ce qui en dit long sur la capacité des enseignes à façonner les cerveaux et à engendrer un sentiment d‘appartenance générationnel. Comme l’école.
Le phénomène vient aussi souligner l’importance prise par le visage. Conséquence de l’explosion des images sur réseaux, le visage est le nouveau corps. L’objet de toutes les attentions et de toutes les espérances portées par une routine appliquée consciencieusement sur chaque micro zone. Il est vrai qu’il est plus facile de corriger l’apparence de son visage que de son corps…
Conséquences : une ado de 16 ans maîtrise aujourd’hui l’art du maquillage infiniment mieux que sa mère, bousculant au passage la hiérarchie de la transmission, et les nouvelles marques ne cessent se multiplier. Huda beauty (née en 2013), Charlotte Tillbury (née en 2013), Rare Beauty (née en 2019), Avril (née 2015). Bientôt, elles auront l’âge de leurs acheteuses. Rarement utilisées de façon exclusive, elles trouvent leur place à côté des marques premium de toujours (celles des mères) comme des marques low-cost et inconnues que l’on trouve chez Action ou sur Ali Express. Leur caractéristique est d’être des « marques de parole » davantage que des « marques de discours » puisqu’ici, le témoignage des influenceuses vaut mieux que tout argument.
Voilà comment l’adolescence, période de l’invention de soi, devient celle de la construction de soi. Il ne s’agit plus pour les ados de se révéler au monde, mais de se présenter comme le monde du moment l’exige.