A mi-chemin entre la beauté et le lifestyle, certains savons liquides, aussi nommés dans les magazines chics « soins lavants pour les mains » (bien plus élégant), sont désormais des signes de reconnaissance d’entre-soi et d’appartenance à une même communauté de goûts. Leurs parfums sont devenus des fragrances mises au point par des nez reconnus, leurs promesses sont palpables, entre douceur et exfoliation, et leurs flacons en verre ont une forme étudiée pour signifier le raffinement, traverser le temps avec noblesse et accueillir, le moment venu, le contenu d’une recharge écoresponsable capable d’apaiser la mauvaise conscience générée par leur prix d’achat. Aesop domine assurément ce marché, aussi tangible que symbolique, envié par de plus en plus de marques parmi lesquelles L:A Bruket, Diptyque, Panier des sens, Dior et Fôme, la petite dernière. Entre autres.
L’évolution du statut du savon liquide vient parfaitement illustrer le désir de notre époque de transcender le quotidien en lui attribuant un discours et une attention démesurée. Comme si s’emparer de l’anecdotique permettait de s’éloigner (de se protéger ?) de l’essentiel. A la manière d’un objet design ou d’un bijou iconique, le beau flacon de savon liquide diffuse un élitisme soft nourri par l’assurance de posséder un goût irréprochable alors qu’il ne s’agit que de la énième forme de conformisme social. Une preuve supplémentaire du génie marketing consistant à faire naître des marchés en modifiant le regard qu’on y porte.
Tous les produits peuvent tenter leur chance. Certaines marques aimeraient ainsi faire subir au liquide vaisselle ou à la lessive le même sort que le savon liquide quand d’autres réfléchissent à la manière de s’attaquer au dentifrice, symbole du quotidien s’il en est, bloqué dans ses discours de blancheur et de prévention sans toujours parvenir à renouveler l’apparence de son tube ou la nature de ses promesses.
The Smilist l’a bien compris. La marque, nouvelle, propose de révolutionner le monde bucco-dentaire par son esthétique affirmée et se veut être pionnière du microbiote buccal en « fusionnant le pouvoir des prébiotiques et des ingrédients naturels pour nous offrir un sourire éclatant de vitalité ». Nous voilà prévenus. A sa tête, un « expert de la cosmétique », un chirurgien-dentiste et un directeur artistique : le trio gagnant du marketing du chic pour transformer le quotidien en « beautidien ». Le beau au service du bien. A moins que ce ne soit l’inverse.