Il y a quelques mois, on évoquait ici le phénomène des dupes, né sur TikTok de l’engouement de la Gen Z pour les copies, moins chères mais pas nécessairement de mauvaise qualité, qui, à défaut des « vrais produits », lui permettaient d’accéder aux mêmes sensations sans avoir besoin de sacrifier ses économies. Une manière pour cette génération de dire qu’elle n’est pas dupe des marges faites par les groupes de luxe sur le dos de ses désirs…
Le phénomène concernait surtout les accessoires de mode et les parfums mais aussi, plus modestement, le monde des cosmétiques. Voilà que l’on découvre à présent les dupes dans le secteur du tourisme. On ne peut plus alors parler d’un phénomène qui ne toucherait que la Gen Z… Les destinations dupes sont des destinations moins prisées car moins connues, donc moins chères. Liverpoool plutôt que Londres, Taipei plutôt que Séoul, Curaçao plutôt que Saint-Martin aux Antilles. Mais également des destinations plus proches, donc bonnes pour la conscience verte (une préoccupation parfois plus importante que le budget…) puisqu’il n’est plus nécessaire de prendre l’avion pour s’y rendre. Les rochers de Kerlouan (Finistère) plutôt que les plages des Seychelles ou la cascade des Tufs (Jura) comparable à celles de Thaïlande.
Dans tous les cas, les dupes avancent avec la même promesse de sensation, de surprise et d’étonnement et la possibilité d’y collecter des souvenirs dignes de figurer sur les réseaux. La vie est affaire de point de vue et l’exotisme, pas toujours une question de distance.
Certains ne manqueront pas d’y voir la confirmation que l’apparence des choses compte désormais (au moins) autant que les choses elles-mêmes. La primauté du signe sur l’objet et de l’effet sur la réalité. Comment s’en étonner lorsque notre vie quotidienne s’évalue désormais derrière les écrans, nous conduisant à vivre de plus en plus dans le regard des autres ?
Les marchés alimentaires semblent encore à l’abri du phénomène puisque les dupes portent ici le nom de marques de distributeurs afin d’être bien identifiées. Mais qui sait si, un jour, nous ne verrons pas débarquer sur les linéaires des marques inconnues, nées « ailleurs », dans des pays dont on ignore tout de la vie quotidienne, dont les codes auront été largement inspirés par nos marques nationales ? Si personne n’est dupe des dupes, aucun marché n’est à l’abri des dupes.
So What ?
La multiplication des dupes est le signe du dédoublement progressif de notre société de consommation : outre le virtuel, né du réel, il faut aussi compter avec les dupes, nés du vrai…