On savait bien que, partout où passait Emily, in Paris ou ailleurs, des hordes de fans ne tardaient jamais à rappliquer au détriment des équilibres existants. Voilà que l’on apprend aujourd’hui que le phénomène ne concerne pas que cette série calibrée pour rendre la vie parisienne sexy. Selon une enquête IFOP commandée par le CNC, un Français sur quatre visiterait, durant ses vacances, un lieu ayant servi de décor à une fiction, film ou série. Il fut un temps où un musée, un château, une fabrique de fromages de chèvre ou d’huile d’olive suffisaient pour justifier un détour…
Une nouvelle manne s’offre donc aux territoires qui ne cessent de se plaindre de la disparition des commerces et des activités économiques. L’entertainment est le nouveau patrimoine. Ce phénomène, baptisé ciné-tourisme, a commencé au début du siècle avec Amélie Poulain dont les effets à Montmartre continuent de se faire sentir et n’a, depuis, cessé, d’Étretat, avec Arsène Lupin, jusqu’au large de Marseille, au Château d’If, ultime destination ciné-touristique engendrée par le succès du Comte de Monte Cristo. Dommage que les auteurs d’Un p’tit truc en plus (10 millions de spectateurs) n’aient pas eu l’idée d’associer leur scénario à une ville, elle aussi pas assez reconnue, qui aurait ainsi bénéficié d’un attrait aussi immédiat qu’inespéré. Limoges, Saint-Etienne ou Clermont-Ferrand, par exemple… Le ciné-tourisme n’a d’ailleurs rien d’hexagonal puisque les Bridgeton, Harry Potter, The Crown et Game of Thrones provoquent les mêmes effets en Grande-Bretagne…
Que nous dit ce phénomène ? Pour les plus cyniques, il est la preuve que l’ennui est bien la maladie la plus universellement répandue et que le seul traitement envisageable pour la soigner est de proposer sans cesse de nouvelles raisons de se déplacer. Bouger, c’est toujours bon pour la tête. Les autres souligneront l’envie actuelle des spectateurs de faire grandir le lien émotionnel qui les unit à une œuvre en revivant et en partageant « en vrai » certaines de ses scènes. Comme s’il fallait désormais « checker » le réel pour mieux éprouver les émotions induites par la fiction. Comme si la fiction, originellement éloignée du réel, avait fini par le rejoindre pour y trouver une condition supplémentaire de son attractivité.
On aurait tort de stigmatiser le phénomène car il permet d’éviter que le divertissement ne devienne qu’un passe-temps addictif vide de sens. La fiction au service du réel et le réel au service de la fiction : un aller-retour on ne peut plus vertueux.
So What ?
Si les marques multipliaient la présence de leurs produits dans des séries, ne pourraient-elles pas bénéficier de cette envie d’aller checker dans la réalité ce qui est à l’écran ? Bien que réelles, ne portent-elles pas, elles aussi, une part de fiction ?