Quelle ville ne possède pas aujourd’hui son bouillon ? Et tant pis s’il ne porte aucune vérité historique. Parfois, un bouillon pousse sur un parking périphérique, parfois, sa surface ne dépasse pas celle d’un restaurant classique, mais qu’importe car un bouillon, c’est un imaginaire.
Un imaginaire bon enfant et généreux, fait de plats de ménage (ceux que l’on reconnaît car on les a connus chez soi) et d’ambiance chaleureuse dans de grandes salles où les tables sont à touche-touche. Le tout à des prix accessibles qui évitent d’avoir à se poser des questions. Très important. Œuf mayo, purée-saucisse, crème caramel : le combo gagnant. Dire qu’il y a vingt ans, la cuisine moléculaire était dans tous les esprits.
Le mot bistrot, surexploité par les chaines de restauration en quête d’authenticité, ne fait plus fantasmer que les Américains qui prennent encore St Germain des Prés pour le quartier du jazz et de la littérature. Les bars à vins, un temps sur le devant de la scène, trop élitistes, ont fini par faire le vide autour d’eux. Les steakhouses ont tiré leur révérence et les derniers Flunch encore vivants tentent de se réinventer pour retarder leur disparition. Récemment, c’étaient les food trucks puis les food courts, qui tenaient la vedette mais il semblerait que le vent tourne. Combien d’entre eux ont été appelés à la rescousse pour réenchanter des centres commerciaux en voie d’extinction ? La promesse d’expérience et de convivialité n’était pas toujours au rendez-vous alors qu’elle est devenue la principale attente des consommateurs. Voici venu le temps du bouillon.
Ici, comme chez Mc Do, on vient comme on est. Familles, jeunes couples, mamies, cadres, ouvriers, commerçants, c’est le monde entier qui déboule. Le bouillon, c’est le triomphe de la diversité et de l’intergénérationnel, les deux plus puissants moteurs actuels du marketing. Trois générations autour d’une même table et voilà le fantasme de la famille réunifiée qui devient une réalité.
Le bouillon, c’est aussi une organisation, une efficacité en mouvement permanent, puisqu’ici, côté salle ou côté cuisine, tout est rationnalisé, calculé, planifié, calibré, chronométré sans jamais nuire à la promesse d’ambiance. Car le bouillon n’est pas seulement une forme de restauration, c’est d’abord un spectacle. Et comme pour tous les spectacles, tout ce qui se passe en coulisse doit rester invisible et être mis au service du plaisir du client. Une leçon pour nombre d’enseignes.
So What ?
Promesse d’expérience conviviale et accessible à tous, le bouillon devrait servir de modèle à l’ensemble du commerce. A l’opposé des approches zen et muséales trop souvent présentes…