Pop culture

Depuis le succès des T-shirts DHL rouge et jaune criard, mais détournés par le label Vetements, il est devenu plus que branché de porter des tenues signées de marques situées hors du champ de la mode. Plus elles en sont éloignées, plus l’effet est garanti. Les sneakers et les pulls Lidl peuvent venir témoigner (cf. Le Billet du lundi du 10 janvier dernier) mais aussi, les maillots de bain Mc Donald’s, les sweats Ikea (en référence à sa bibliothèque Billy) ou Pizza Hut et les Crocs KFC (aux États-Unis seulement, certes).

Voilà que l’on découvre aujourd’hui que les Jardineries Truffaut s’y sont aussi mises avec une collection capsule composée d’un T-shirt XXL (en coton bio, of course), d’une casquette, d’une banane, d’un sac et des divers gadgets habituels (pin’s, mugs, magnets…), le tout aux couleurs d’un vieux logo maison si délicieusement 70 et légèrement revisité pour l’occasion. Une manière de toucher la mémoire de ceux qui, enfants, passaient des dimanches après-midi entiers dans les rayons de plantes avec leurs parents. Toujours mieux que devant la télé.

On savait Truffaut accroc aux branches, on découvre l’enseigne tentée par la branchitude alors même que le nombre de mains vertes étant en pleine expansion depuis le début de la crise sanitaire, son image est au mieux de sa forme. Pourquoi donc ? Parce que les Jardineries fêteront leur bicentenaire explique-t-on au siège de l’enseigne (Wikipédia situe sa céation en 1824). Est-ce vraiment la seule raison ? L’idée de vouloir toucher de nouvelles populations en jouant avec son image est aussi avancée par l’enseigne qui, pour la circonstance, s’est adjoint les services de deux influenceurs dont un est lié à l’univers de la jardinerie.

Mais la véritable motivation ne réside-t-elle pas dans l’envie actuelle de toutes les enseignes de dépasser leur statut marchand pour accéder à celui de « style de vie » ? Quand certaines se lancent dans des missions sociétales orientées vers l’environnement ou la solidarité, d’autres, plus rares, s’orientent vers la mode. Les premières aimeraient contribuer au changement du monde, les secondes plus modestement, s’inviter dans notre intimité jusqu’à faire oublier leur métier d’origine.  A quand des T-shirts Axa ou Crédit Mutuel ?

Cuisine sous influence

Les livres de cuisine nous lisent autant que nous les lisons. Il suffit de parcourir leurs titres sur la table d’une librairie pour comprendre notre époque. Au commencement étaient les chefs, les vrais, ceux que l’on reconnait à leurs toques plutôt qu’à leur nombre de followers. Leur mission encyclopédique était de divulguer leurs savoir-faire et de donner ainsi à chacun le sentiment qu’avec un peu (beaucoup) d’application, et de patience, il pourrait, lui aussi, y arriver. Intimidant.

Puis vint le temps des néo-chefs, décontractés et porteurs d’une «nouvelle» cuisine, adjectif sans lequel personne n’est vraiment certain de s’être débarrassé de ce qui l’encombrait. Vapeur, allégé, sous vide, légumes verts et huile d’olive vierge firent ainsi leur entrée triomphale en cuisine. Jusqu’à la vague fooding qui, pour la première fois, portait un regard générationnel et fusionnel sur nos assiettes. Nouvelle cuisine ou pas, la question n’importait plus. Seule la modernité de l’air du temps compterait à partir de cet instant. Une modernité qui pouvait d’ailleurs autant passer par le retour des plats de toujours, que par les rencontres les plus inattendues entre les cuisines du monde entier. La porte à tous les possibles venait ainsi de s’ouvrir. Comment s’étonner, ensuite, de voir débarquer des livres imaginés par des chefs cathodiques, puis des chefs instagrammeurs, puis des chefs Tiktokeurs ? La technologie au service de l’égo. La conformité comme certificat de style. Le nombre d‘abonnés comme gage de reconnaissance.

Un ultime genre d’édition culinaire est en train de voir le jour, d’inspiration lifestyle, où les savoir-faire sont incarnés et les récits contextualisés. Ici, chaque recette est prétexte à des anecdotes, historiques ou locales, choisie parce qu’elle capte une préoccupation du moment (végan, mieux-manger, bien-être, zéro déchet…) ou inspirée par une enfance marquée par l’ombre d’une mère ou une grand-mère. Derrière ces livres, des journalistes, des écrivains, des blogueurs, des influenceurs… dont le succès tient à leur capacité à emmener leurs lecteurs au-delà des recettes pour leur faire éprouver le sentiment de partager quelque chose avec eux. Un sentiment d’appartenance collective ressenti à travers des parcours de vie, des préoccupations ou des récits individuels. Cette fois-ci, le livre de cuisine n’est plus obligé de rester en cuisine.

Bien plus qu’un job

Bien décidé à ne pas se laisser enfermer dans la case des prix bas, le hard discount multiplie les initiatives et les prises de parole pour affirmer sa différence. Ici, il fait place aux nouveaux consommateurs, manière de laisser les anciens aux autres enseignes. Là, c’est une offre de pulls et de chaussettes moches mais qui rêvent de devenir ultra désirables. Cette envie de surprendre et d’étonner peut aussi se traduire par une attention portée à l’incontournable figure du petit producteur, très sollicité, mais tout de suite plus rare dès qu’il s’agit d’écraser les prix…

Récemment, Lidl a décidé de s’aventurer sur un terrain inédit en donnant la parole à la famille de ses employés. Quand la marque employeur s’invite chez les Français, dans les écrans de 20h30. Original et inattendu. Dans un des spots conçus pour l’occasion, papa et maman, installés à Metz, nous parlent de leurs six enfants, un garçon et cinq filles, et, plus particulièrement, d’Adeline, qui s’est lancée très tôt dans le commerce. Elle travaille beaucoup et s’est battue pour devenir chef de magasin tout de suite nous raconte le père, pas peu fier, bien qu’au début pas très chaud pour que sa fille parte chez Lidl qui n’avait pas bonne presse. Mais Aline s’y est sentie bien. Bon, elle travaille énormément, mais je voyais bien que cela lui plaisait bien… et la société a su la remercier comme il fallait… souligne le papa, sans omettre de préciser, à la fin, que sa fille est à la fois une mère de famille heureuse et une responsable de supermarché reconnue. Dans un autre spot, ce sont deux sœurs qui viennent témoigner de l’épanouissement de leur cadette depuis qu’elle est devenue équipière polyvalente chez Lidl. Une expérience présentée comme aussi efficace qu’une thérapie. Car Lidl, c’est bien plus qu’un job. En effet. 

Quand McDo communique sur sa marque employeur, c’est en s’adressant aux jeunes qui n’ont pas fait d’études à qui l’enseigne propose un ascenseur social qui leur permettra de franchir les différentes étapes d’un parcours professionnel. Lidl joue une partition un peu différente. Elle ne promet pas une formation qualifiante, mais un épanouissement personnel à ceux qui souhaitent s’y investir. Chaque métier devient ainsi le prolongement d’une personnalité. L’épanouissement personnel au service de la satisfaction client : quelle plus belle alchimie ?

Iconique

De quoi iconique est-il donc le nom ? Depuis quelque temps, le mot circule à la vitesse d’un virus sur tous les marchés. Chaque marque rêve désormais de posséder son produit iconique. Pour y parvenir, certaines se plongent dans leurs placards pour chercher celui ou ceux qui pourraient y prétendre, d’autres n’hésitent pas à en inventer un de toute pièce. Moins bonne idée.

Chez Cartier, on sélectionne une poignée de produits, bracelets, montres, bagues, que l’on jette dans le feu des médias et des réseaux, assortis de people et de belles histoires profilées pour atteindre le statut d’icônes le plus rapidement possible. Quand Chanel veut prouver au monde sa légitimité dans le secteur de la haute joaillerie, elle taille un diamant à la forme iconique de son flacon de N°5 qu’elle incruste à une parure. La version joaillère de la femme sandwich. Adidas nous storytelle sa Stan Smith, Nike, sa Air Force 1, Aigle, ses bottes en caoutchouc, Longchamp, son sac Pliage, Lacoste, son polo renommé « L.12 ».12 pour induire une technicité différenciante. Weston vient nous rappeler son mocassin, Burberry, son imper et chaque marque de luxe a, bien sûr, son, voire ses sacs iconiques, que l’on appelle toujours par son petit nom. Saddle, Baguette, Birkin, 2.55… les connaisseurs reconnaitront.

Un marché peut-il encore exister sans produit iconique ? Hier, on parlait de produits intemporels, de produits « vedettes », de références, voire, plus trivialement, de « best-sellers» ou, tout simplement, de succès. Aujourd’hui, il n’est plus question que de produits iconiques, de produits signature et de produits mythiques. Mais pourquoi donc ? Parce que, face au déluge de propositions qui s’abat sur les consommateurs, des points de repères faciles sont nécessaires et rassurants. Parce que les consommateurs sont parfois davantage tentés d’acheter un produit, qu’ils seront fiers de montrer, qu’une marque, dont ils ignorent souvent tout, qu’il s’agisse de son origine ou de la vision de son créateur. Parce que les marques, de plus en plus tentaculaires et sous pression d’une concurrence accrue, préfèrent se concentrer sur une poignée de produits pour se raconter efficacement.

Véritables marques dans la marque, certains produits iconiques sont même capables de donner vie à des gammes à leur tour. Ce n’est pas la moindre de leurs vertus. Et c’est aussi pour ça qu’ils sont tant recherchés.

Phénomène ou tendance ?

Il fut un temps, pas si lointain, où l’on ne parlait que de la vente en vrac qui grignotait jour après jour de nouveaux territoires. Alimentation, certes, mais aussi beauté-cosmétique, entretien de la maison, huiles, vins… La grande distribution lui ouvrait ses rayons, des enseignes se créaient (Day by Day), le marché des bocaux explosait. S’en était fini des emballages, de nouveaux gestes s’installaient dans nos habitudes et cela faisait un bien fou à la planète. Une nouvelle possibilité de vendre et d’acheter, personne ne veut passer à côté. Le monde d’après était déjà visible.

Voilà que l’on apprend aujourd’hui, qu’après des années de croissance à 40%, le marché du vrac s’est retrouvé atone en 2021 avec un chiffre d’affaires tout juste stabilisé. Les explications abondent. Tout d’abord, la crise sanitaire (inévitable). Il suffit aujourd’hui de toucher un peu trop longtemps les fruits et les légumes que l’on souhaite acheter pour s’attirer des regards réprobateurs. Même si la vente en vrac est associée à un dispositif évitant d’avoir à toucher les produits, force est de reconnaître que le contact physique est fréquent. Et quid de la propreté et du plastique des distributeurs ?

Autre explication possible : la crise a eu pour effet de réduire le nombre d’enseignes fréquentées. Un moment difficile pour toutes celles qui ne couvrent qu’une partie des besoins quotidiens et qui demandent d’adopter de nouvelles habitudes. Le ralentissement du vrac peut aussi être corrélé au reflux du fait maison, amplifié par le confinement et que beaucoup ont cru être devenu une réalité… Les salariés ont retrouvé le chemin du bureau et sont désormais occupés à passer à la pharmacie. Plus vraiment le moment de faire du pain et des gâteaux. Bonjour les repas livrés à domicile.

Quels enseignements tirer de ce recul du vrac ? Qu’une tendance n’existe que si elle engendre un marché. Que l’on se hâte de nommer tendance ce qui n’est souvent qu’un (épi)-phénomène. Et qu’une tendance, pour devenir une réalité et non un sujet pour les médias, ne peut s’installer que si elle vient simplifier (fluidifier, améliorer) la vie quotidienne des consommateurs. Demander à ces derniers de modifier leurs comportements est un objectif ambitieux. Car si le militantisme se porte bien en façade, il résiste faiblement à la contrainte. 

Invités de marque

Depuis quelques temps déjà, Moncler, la marque de doudounes (mot si symptomatique de notre époque « coucou-bisou ») s’exprime en dehors de ses modèles habituels, via un label connexe baptisé Genius qui permet à un créateur extérieur de venir, chaque saison, porter son propre regard sur l’offre de la marque. Un fonctionnement tournant plutôt inédit dans un secteur qui a pour habitude de posséder son propre talent, considéré comme un démiurge tout puissant. Un fonctionnement qui suppose, aussi, une très bonne organisation, puisque, parallèlement à ce ballet de capsules, les lignes permanentes continuent leur vie comme si de rien n’était. Résultat, depuis la mise en place de Genius, la marque a touché de nouveaux publics, gagné en modernité et en agilité et fait le buzz. Cela fait quand même beaucoup…

La démarche mérite attention car elle pourrait incarner l’étape d’après des collab’ qui fleurissent désormais sur tous les marchés. Quand la collab’ n’est finalement qu’un rapprochement de signatures incarné par un produit emblématique (la marque invitée se plie à la réalité de la marque invitante), la logique de Genius réside dans sa radicalité puisque le concept est ouvert aux expérimentations et au dépassement des limites. Tailles extravagantes, allures réinventées, matières outrées. L’objectif affiché est d’étonner, de surprendre, de sortir du cadre des codes de la marque pour engager des réactions et créer quelque chose d’inédit.

Aujourd’hui, une marque qui ne provoque pas un débat est une marque qui perd des points… Dans le monde de la mode, cette tentation de laisser le volant à quelqu’un d’extérieur se multiplie. Après avoir collaboré le temps d’une collection avec Versace, Fendi vient ainsi de s’associer à la marque de Kim Kardashian SKIM, quand Aigle a demandé à l’ultra pointu studio de création Etudes de lui imaginer une offre. Début janvier, ce fut Gap qui se rapprochait de Yeezy (créée par Kanye West) en vue de produire des drops, puis Burberry avec sa « série créative » baptisée Friends and Family construite sur l’idée d’une collaboration avec des créateurs venus d’horizons inattendus. Une célébration de l’amitié, du style et de la famille, selon le dossier de presse.

L’émergence d’une démarche marketing nouvelle se confirme. Elle consiste pour une marque à avancer en faisant un pas de côté pour se rapprocher d’un autre univers. Le « crabe marketing » est né.

La multiplication des pains

En France, quand on ne défend pas nos spécialités gastronomiques ou la diversité de nos fromages, c’est le pain qui vient nourrir les débats. Début janvier, la perspective d’une hausse de son prix, engendrée par celles des matières premières, n’a pas manqué de réveiller les chevaliers blancs toujours prêts à partir en croisade médiatique pour défendre notre pouvoir d’achat. La baguette à 29 centimes était lancée par Leclerc, manière de nous rappeler que celle que nous achetons dans nos centres-villes tutoie plutôt les 1,10 ou 1,20 euros. Chaque centime de gagné a valeur de trophée.

Le paysage de la boulangerie se recompose ainsi sous nos yeux. Il faut désormais compter avec trois figures. D’une part, les boulangeries de toujours, celles où le nom du boulanger qui confectionne et de sa femme qui tient la caisse est affiché sur la devanture, non loin de la mention « artisan » qui vient leur donner leurs lettres de noblesse. Les néo-boulangeries, ensuite, où l’on ne vend pas de baguettes, mais du pain dont le prix est affiché au poids. Compter 3,50 euros en moyenne pour 250 g, le poids d’une baguette. Ici, le boulanger est un créateur passionné, il réinvente les codes et les formes, raconte de belles histoires. Il est aussi un défenseur (au choix : d’une filière, d’une recette, d’une variété de farine) qui mène des combats. Sa boutique est brutaliste (murs nus, éclairage blanc, carrelage de toujours) et son nom conceptuel : L’Atelier du pain, P’1, Panade, Kopain, Urban Bakery, Mamiche… Il en a fallu des brainstormings pour trouver le bon nom qui circulera bien sur les réseaux. Enfin, la boulangerie de rond-point, installée à proximité des zones d’activités commerciales. C’est la nouvelle figure de la boulangerie industrielle franchisée (La Pétrie, Marie Blachère, Boulangerie Louise…). Les codes de l’artisanalité y sont surjoués, les prix sont contenus et elle rend bien service à tous ceux qui font leurs courses en voiture car leur centre-ville à eux est déserté ou inaccessible.

La première catégorie appartient au monde d’avant et n’a pas dit son dernier mot. C’est la boulangerie-service en mode proximité familiale. Les deux autres annoncent le monde d’après, avec d’un côté la boulangerie-émotion en mode « bo-bio » et, de l’autre, la boulangerie-parcours, parking assuré et pain chaud toute la journée. Trois modèles de boulangerie, trois réalités sociologiques, trois expériences d’achat.

Cook’n’Rap

On savait que les mondes du fooding et des people étaient devenus de plus en plus poreux au fil du temps. En voici une preuve supplémentaire. Après les chefs consacrés people à trop les fréquenter, place aux people désireux d’être sacrés en cuisine. Peut-être le début d’une nouvelle tendance. Le mois dernier, JoeyStarr, fondateur du célèbre groupe de rap NTM, lançait ainsi son premier magazine de cuisine, preuve de son intérêt pour le piano sous toutes ses formes.

L’ovni se nomme Five Starr et annonce une parution tous les trimestres. Son objectif est de bouleverser la gastronomie en proposant une cuisine vivante, engagée et partagée, traversée par les traits de caractère de son auteur : authentique et passionné. Le magazine est disponible en deux formats, XXL collector ou standard, et ses articles agrémentés de QR codes permettant aux lecteurs d’aller plus loin. Une idée à retenir. Les pages de publicité, elles, sont réservées à des acteurs engagés de l’univers agro-alimentaire et, sur chaque vente du format collector, un euro est reversé au Refugee Food Festival. Voilà pour le volet social. Côté contenu : des rencontres avec des chefs, artisans, producteurs, et des recettes « pas à pas ». Rien de très singulier, hormis une interview du gastro-entérologue de JoeyStarr dans le premier numéro et le fait qu’il n’hésite pas à mettre la main à la pâte.

Après Michel Cymes, Stéphane Plazza, Sophie Davant et quelques autres encore, JoeyStarr vient ainsi rejoindre la troupe des people déclinés en magazines. Mais à la différence des autres, il ne s’agit pas pour lui de prolonger une émission de télévision mais d’exprimer une facette moins éclairée de sa personnalité. Plus intéressant. Pour les fans du rappeur comme pour les marques qui seraient tentées de venir le soutenir. Car si se rapprocher d’un chef est devenu une nouvelle convention marketing, venir révéler au grand public une dimension inédite d’une célébrité et la solliciter pour une collaboration est une manière de renouveler le genre.

En Allemagne, de nombreuses marques de thé glacés sont développées par des rappeurs locaux (BraTee, DirTea, BabaHafTea) et acquièrent ainsi le statut de signes de reconnaissance pour leurs fans qui ne s’identifient pas à Coca. Il n’est pas dit que le le phénomène ne débarque pas un jour chez nous…

Le goût du moche

Tout comme le calendrier de l’Avent, le pull moche de Noël fait partie des nouveaux marronniers de fin d’année de la part d’une presse qui en a sans doute assez des pages dédiées aux tables de fêtes et aux questions du genre « peut-on offrir des cadeaux de seconde main ? ». Le sujet est léger, amusant et parle à tout le monde. L’engouement pour les pulls moches est né aux Etats-Unis, comme tout ce qui est excessif, prétendument décalé et à la frontière de la beaufitude, des Spring Breaks aux Ice Bucket Challenges en passant par les Crocs, les burgers XXL et les Harley Davidson. Plusieurs épisodes de séries télé US en tous genres plus tard, voilà donc les pulls moches chez nous, où ils sont même devenus un rite dans certaines start-ups qui leur consacrent une journée au cours de laquelle leurs salariés sont incités à en porter un.

Il n’en fallait pas plus pour que le marketing s’en empare et on peut raisonnablement penser que ce n’est qu’un début. C’est Lidl qui a le mieux saisi le phénomène en proposant à la vente, mi-décembre, deux modèles à 9,99 euros, arborant frontalement son logo, qui se sont immédiatement volatilisés. Si Leclerc se veut être le moins cher et si Carrefour « act for good » sans relâche, force est de constater que Lidl est clairement leader en buzz et en « drop » de séries courtes. Une manière ultra pertinente de se détacher du peloton et de peaufiner son image auprès des nouvelles générations.

En conclure que celles-ci ont le goût du moche serait trop rapide. C’est plutôt le goût des bonnes affaires qui les anime puisque chacun espère secrètement revendre son pull moche sous les traits d’un collector. L’affaire n’est pas toujours gagnée. Ce n’est pas parce qu’un jour, en Allemagne, une paire de sneakers Lidl a vu sa côte de revente multipliée par cent que l’on gagne à tous les coups…

Jamais avare d’une explication, certains tendanceurs y voient le signe d’une « tuchisation » de notre époque et d’une forme de compensation à notre « éco-anxiété ». On peut en rire.  La réalité est bien plus triviale. Perfusée par les réseaux sociaux, notre société est devenue avide de décalages, considérés comme des signes ultimes de coolitude et de créativité, au point d’en faire une  nouvelle convention. « L’esprit Canal » a trouvé refuge dans une tête de gondole. La fête est finie.

Générique

Le petit monde des cosmétiques et de la parfumerie prend progressivement conscience qu’il ne peut plus continuer à vivre dans sa bulle enchantée, coupé des réalités qui heurtent notre monde. Le voilà désormais animé par l’idée d’agir, à son tour, en faveur de la préservation de la planète. Une manière pour les entreprises qui le peuplent de reconnaître qu’elles sont comme les autres. Côté cosmétiques, les emballages en cartons recyclés se multiplient au fur et à mesure que la présence des plastiques régresse. Chacun ne peut que s’en réjouir. Côté parfums, ça bouge aussi puisque de nombreuses marques ont déjà opté pour des flacons qu’il est possible de venir remplir dans leurs lieux de vente.

Cartier, elle, innove en créant un contenant unique et générique de 30 ml pouvant recevoir toutes ses créations, féminines comme masculines. Le contrepied de la logique habituelle, « un jus = un flacon » qui lui permettra aussi, au passage, de rééditer d’anciens parfums dont les flacons ne pouvaient pas être réindustrialisés, faute d’une demande assez forte. Une approche nouvelle qui redonne à la marque une position centrale au moment où ses déclinaisons multiples pouvaient avoir tendance à la faire passer au second plan. Car, finalement, qu’achetons-nous : un parfum ou bien une marque ? Notre préférence pour un parfum serait-elle la même sans la marque qui lui est associée ? Pas toujours facile de répondre.

Avec son conditionnement unique fortement identifiable (coque en métal doré habillée d’émail ou d’un décor milleraies qui lui donne des airs des briquet des années 30), Cartier apporte sa réponse et s’affirme comme une marque forte associée à un objet intemporel et même pérenne, capable de se transmettre de génération en génération. L’Occitane suit le même chemin avec sa bouteille Forever en aluminium recyclé, conçue pour accueillir ses shampooings et ses produits de douche, et vendue vide en magasin. Body Shop aussi avec son flacon Refill imaginé selon les mêmes principes.

Des packagings vraiment durables et non pas faussement recyclables. Des packagings qui rassemblent au lieu de segmenter. Des packagings beaux, utiles, transgénérationnels et même dégenrés. Le rêve de toutes les marques en 2021.