Seuls les sourds et les aveugles peuvent encore l’ignorer. Après l’ouverture largement buzzée de la Samaritaine, voici maintenant celle de Cheval Blanc, l’hôtel 5 étoiles qui lui est associé avec vue sur Seine pour peu que l’on soit prêt à débourser 1200 euros pour une nuit, prix plancher. Pas forcément le meilleur timing, mais l’expérience n’en est que plus intéressante à suivre. Pour peu que l’on décide de dépasser la simple observation de ses dorures, Cheval Blanc pourrait même venir nous aider à définir ce qu’est un hôtel de luxe en 2021 tant il incarne un nouveau modèle.
Pas de nom en façade, tout d’abord. Une discrétion affichée. Bon, d’accord, tout le monde est au courant, mais quand même. Un emplacement inédit, ensuite. Un entre-deux. Ni déjà rive gauche, ni encore rive droite. Un territoire en invention, né dans un interstice comme tous les nouveaux lieux urbains (les friches, les parkings, les toîts…). Une dimension maîtrisée, aussi, puisque l’établissement ne propose que 72 suites et chambres contre largement plus pour les autres acteurs de cet univers exclusif (142 au Ritz, 240 au Georges V, 200 au Peninsula…). Pas une « boutique hôtel » mais quand même un sentiment d’entre-soi appréciable pour les clients et une facilité de gestion pour les gérants qui n’ont plus forcément besoin de « brader » (les guillemets comptent ici beaucoup) leurs chambres pour remplir leur établissement. Ajoutez à cela la présence d’un spa (Dior, of course) et de divers lieux de bouche, oscillant entre assiettes étoilées, pâtisseries haute-couture, brasserie H24 et bar à cocktails avec vue sur la Seine, soit assez pour démoder l’équation hôtel = un lieu où l’on dort, à l’origine de tous les hôtels du Lion d’Or qui peuplent notre beau pays…
Enfin, et là réside la proposition la plus originale : la présence de 600 marques en accès direct dans l’enceinte de la Samaritaine comme autant d’opportunités de nouvelles expériences clients. Plus besoin de sortir, c’est la marque qui vient à votre rencontre et le grand magasin qui se privatise pour vous. Pouvoir établir une relation individualisée avec les clients (fortunés) d’un hôtel à n’importe quel moment de la journée et surtout hors des horaires d’ouverture, quel plus beau rêve pour une marque et pour ceux à qui elle s’adresse ? Petit-déjeuner chez Tiffany est devenu une réalité.
Il y a peu, Paco Rabanne lançait sa dernière eau de toilette pour hommes dont le nom, Phantom, pourrait laisser croire à une intention de discrétion, voire d’invisibilité. Il n’en est rien. Par son flacon en forme de robot argenté, tout d’abord, plutôt disruptif pour le secteur, capable de se connecter directement à un smartphone via une puce NFC pour jouer en réalité augmentée. Mais aussi par son jus. Pour l’occasion, la marque a eu l’idée de recourir à l’intelligence artificielle afin de lui associer des effets. Une première. Et un sacrilège dans le monde des senteurs dirigé par des nez créatifs guidés par l’intuition et l’inspiration.
A en croire le dossier de presse, l’algorithme ne se serait d’ailleurs pas substitué aux nez mais les aurait poussés à aller plus loin que ce que leur cerveau peut appréhender. On parle ainsi de « créativité augmentée » puisque l’ordinateur vient en soutien du créateur. Un peu comme une application qui nous suggère un chemin, une recette ou une sélection musicale… Résultat : un jus dont la promesse est de booster la confiance en soi ainsi que l’énergie et la « sexiness » de celui qui le porte. Assez loin de la discrétion, en effet.
Cet été, on découvrait dans la presse féminine l’existence de petites marques de parfums (CnR Create, Maison Douze) construites autour des vertus associées aux signes du zodiaque. De quoi séduire tous ceux qui avaient déjà opté pour des cosmétiques élaborés à partir de pierres précieuses… Selon une récente enquête Ifop, 69% des jeunes de 18 à 24 ans déclarent croire en au moins une des « para-sciences« contre 54% des 50-64 ans. Les marques l’ont bien compris…
Si les (belles) promesses ont toujours été le carburant du marketing, force est de reconnaître que celles-ci sont désormais de plus en plus sophistiquées et éloignées de la réalité objective des produits, jusqu’à frôler l’irrationnel. Une évolution qui ne doit rien au hasard. Face à un monde perçu comme incertain et dont on aurait égaré le mode d’emploi, l’irrationnel n’incarne-t-il pas une réponse séduisante ? Une sorte de feel good total très appréciable en ces temps chahutés. N’est-il pas aussi le signe d’une envie de croire en « autre chose » ? Surtout quand les promesses rationnelles n’ont pas toujours fait leurs preuves… Monde d’après ou pas, nous voilà bien à un moment charnière.
Comme il semble préhistorique le temps de la cuisine moléculaire qui confondait paillasse et plan de travail, fumet et fumée, sauce et précipité. Après une période dédiée aux cuisines de rues, surtout asiatiques ou levantines, voici le grand retour des plats de toujours, de l’authenticité, de la tradition et du terroir, du roboratif et du généreux. Une valeur refuge en ces temps de crise sanitaire et d’incertitudes en tous genres. Nos assiettes viennent toujours nous raconter quelque chose de nous-mêmes, de nos préoccupations et de notre état d’esprit.
Après les plats de grand-mères, familiaux et conviviaux, les sandwichs sont aujourd’hui célébrés dans toute la presse et rebaptisés au passage « dwichs », histoire de séduire la Gen Z toujours avide de signes de reconnaissance. Les esprits chagrins ne manqueront pas de relever que les sandwichs n’avaient jamais vraiment disparu et qu’il suffit d’arpenter les gares pour s’en convaincre. Le jambon beurre est, en effet, toujours là et la seule révolution qu’il ait connu depuis sa naissance est de, parfois, adopter ce format triangulaire venu d’outre-Manche. Certes. Mais il a quand même acquis ses lettres de noblesse puisque de nombreux chefs se sont penchés sur son sort pour lui proposer, qui du jambon Prince de Paris (tout est dit), qui du pain de compétition ou des fromages AOP.
Le voilà à présent parti à la rencontre d’autres cultures, parmi lesquelles celle du Japon (forcément) sous la forme du Katsu sando, le sandwich icônique du pays du soleil levant, à base de hokkaido, sorte de pain de mie en grosses tranches entre lesquelles se glissent bœuf de Kobé, échine de porc panée ou thon à la chair fondante. On pourrait aussi citer le Triple decker (très haut comme son nom l’indique) ou le Lobster roll, tous deux nés, cette fois, outre Atlantique. Le sandwich est en pleine réinvention, c’est tant mieux et ce n’est pas près de s’arrêter tant l’envie de manger dehors ou « ailleurs » est dans l’air du temps.
Toujours le même et toujours différent, toujours identifiable et toujours renouvelé, un pied dans le familier et un autre dans la surprise, comment s’étonner que le sandwich ait toujours du succès ? La nouveauté n’est-elle pas d’autant plus acceptée qu’elle se construit sur ce qui est déjà connu et apprécié ?
Impossible pour les visiteurs du magasin Citadium de la rue Caumartin de ne pas remarquer son nouvel espace événementiel installé au premier étage et destiné à accueillir (sitôt la crise sanitaire éloignée…) talks, émissions diverses, mini concerts et séances de dédicaces, retransmis en direct sur les écrans du magasin ainsi que sur le site marchand de l’enseigne. Soixante mètres carrés imaginés en collaboration avec divers partenaires médias ultra ciblés « Gen Z » qui abriteront aussi, au passage, un espace de vente réunissant des t-shirts et des vinyles de divers groupes ainsi que du matériel hi-fi…
Les enseignes ont toujours rêvé leurs magasins en lieux de vie. Certaines ont choisi d’y installer une librairie ou un café, facile à mettre en place et toujours porteur de sa petite dose d’étonnement. D’autres ont imaginé ce qu’elles appellent un peu pompeusement « une place du village » (comme au Monoprix Montparnasse), sorte de lieu à vocations multiples installé au cœur de l’espace de vente, entre point de rencontre et espace évènementiel conçu pour accueillir petits producteurs, dédicaces et autres découvertes du moment. La formule plait autant aux clients qu’aux marques partenaires…
On a aussi vu apparaître des restaurants dans les magasins, une option toujours un peu délicate à installer mais dont l’avenir semble assuré tant l’assiette a pris aujourd’hui la place traditionnellement occupée par la mode dans nos préoccupations et nos arbitrages budgétaires. Le futur flagship Dior de l’avenue Montaigne ne possédera-t-il pas un restaurant de 80 couverts qui devrait être piloté par le très médiatique chef Jean Imbert ? Avec son studio implanté au cœur de son magasin, Citadium vient de son côté confirmer que le commerce de demain ne pourra pas, non plus, s’envisager sans une bonne dose de musique, à la fois capable de féderer des sous-communautés aux codes vestimentaires bien identifiables et de conférer à son offre une coolitude désormais synonyme de modernité. Citadium ne souhaite pas être perçu comme un lieu qui « passe de la musique » (trop banal), mais comme un lieu « dédié à la culture musicale ». D’où son studio pour recevoir des artistes et donner vie à des rencontres de toutes sortes. La plus sûre manière d’attraper la Gen Z, c’est par les oreilles.
Il est sur toutes les cartes et sur toutes les tables. Il serait même devenu le remplaçant de l’incontournable « grande salade » ou « salade repas » imaginée astucieusement par les restaurateurs pour convertir une entrée en plat sans résistance. Son nom sonne bizarre aux oreilles des plus de 50 ans mais est très familier des moins de 30. Poke pour les origines hawaïennes (qui signifie morceaux), promesse de voyage, et Bowl, histoire de renouveler l’assiette de papa et maman et les verrines de la cousine d’Orléans. Ok, Boomer ?
Moins facile à prononcer que salade parisienne ou auvergnate, certes, mais tellement plus dans l’air du temps : avocats en tranches (on oublie le bilan carbone), poisson cru (origines ?), riz cuit, légumineuses et fruits rouges, le tout nimbé de graines de sésame et nappé d’une sauce inspirée par l’Asie. Le Poke Bowl résume à lui seul notre époque. Pas seulement pour l’imaginaire exotique qui lui est associé, car celui-ci est finalement aussi vieux que les pizzas à l’ananas. Pas seulement pour ses promesses de santé et d’équilibre, partition archi jouée par tous les acteurs alimentaires en quête de bonne conscience. Mais aussi et surtout parce qu’il incarne une solution pour le secteur de restauration sévèrement touché par la crise sanitaire. Avec ses ingrédients non transformés, peu ou pas cuisinés, qui ne nécessitent, ni matériel spécifique, ni personnel qualifié, le Poke Bowl n’a-t-il pas tout pour séduire les restaurateurs amateurs de dark kitchen et d’économies de personnel ?
Et, en plus, il vient se loger dans des contenants faciles à empiler et à transporter (les plateformes de livraison lui disent merci) déclinables dans une infinité de motifs et de matières : fresques hawaïennes, décor boisé ou palmé, bois, rotin, paille, carton… Voilà de quoi les rendre, au passage, hautement instagrammables. Simple, sain et très visuel, déclinable sous toutes les formes, toutes les couleurs, toutes les saveurs et pour tous les régimes alimentaires, le Poke Bowl a tout bon. Il est la preuve que la « décodification » de la table est bien le meilleur moyen de toucher les jeunes générations.
Porté par la crise sanitaire et l’explosion des livraisons à domicile et de la vente à emporter, son succès n’est pas près de s’arrêter. Parions même, qu’un jour, nous le retrouverons en dessert imaginé par un apprenti chef cathodique.
On croyait avoir tout vu et tout entendu sur l’eau tant le marketing excelle dans les domaines qui paraissent les plus anodins. Au fil du temps, notre attention fut ainsi dirigée sur la taille des bulles (il fallait y penser), les origines (E que s’apelerio Quezac), la couleur des bouteilles (rouge, c’était osé) et leur format, histoire d’en avoir toujours une à portée de main. Plus récemment, ce sont les arguments eco-responsables qui furent mis en avant, manière pour les marques de nous dire que si leurs produits venaient à finir dans la nature, elles avaient tout fait pour qu’ils ne s’y éternisent pas.
Chaque marque s’est aussi attribué une promesse : ici, la préservation de sa jeunesse ou l’aide à l’efficacité des régimes amincissants ; là, l’amélioration de la digestion ou la lutte contre la fatigue, le stress et autres vicissitudes de la vie quotidienne. Ne manquait plus que les eaux pour favoriser l’endormissement ou donner de l’énergie. C’est chose faite avec les eaux fonctionnelles (des eaux enrichies en vitamines, en sels minéraux et en oligoéléments) nouvelle oasis de croissance pour ce marché, victime colatérale du travail à distance. Une bouteille sur chaque bureau, ce n’est pas négligeable…
Portées par un climat anxiogène, voilà ces eaux pleines de promesses au cœur de toutes les espérances. Parmi elles, des eaux au CBD (l’incontournable), à l’hydrogène (très répandues au Japon où elles sont considérées comme des boissons thérapeutiques) ou enrichies en magnésium, zinc ou potassium comme Pure Life+ de Nestlé. Driftwell (PepsiCo) affirme favoriser la qualité du sommeil (grosse attente), Drink Water se décline en trois versions qui annoncent ses ambitions (Beauty, Energy, Recovery) alors que Healsi (jeux de mot) affirme pouvoir augmenter la quantité de collagène et renforcer les tissus musculaires. C’est peu dire que le marché de l’eau est en pleine ébullition.
Les eaux fonctionnelles viennent opportunément profiter du moindre attrait des consommateurs pour les boissons sucrées et les eaux aromatisées, non exemptes d’édulcorants et d’arômes artificiels. Elles traduisent une quête de pureté et de santé qui vient autant décrire nos aspirations que confirmer l’idée que nous sommes ce que nous consommons. Boire de l’eau, c’est surtout boire un imaginaire.
Sans alcool, la fête est plus folle. Ce qui n’était à l’origine que l’habile slogan d’une boisson prêchant pour sa paroisse est en train de devenir une réalité. Le plus inattendu est que cette tendance vient d’Angleterre, longtemps terre naturelle du binge drinking qui, depuis, semble avoir laissé sa place au Danemark, si l’on veut bien croire aux propos du réalisateur du film Drunk. Voilà donc désormais l’Angleterre assagie, entre Dry January pour démarrer l’année et NoLo pour la terminer. NoLo pour No alcohol et Lo pour Low, soit un appel à la modération : low alcohol by volume. Moins mais mieux.
Plus qu’une orientation de marché, une évolution sociologique qui vient révéler de nouvelles attentes de la part des consommateurs. Et pas seulement de ceux qui vivent outre-Manche. Certains y verront un signe supplémentaire de la vague de bien-être qui, depuis des années, déferle sur l’ensemble de la société et nous pousse vers ce que nous pensons être bon pour notre santé. La crise sanitaire n’a pas ralenti le phénomère. D’autres y liront une montée d’exigence de la part de consommateurs, désormais moins mus par l’idée de se mettre la tête à l’envers que par la perspective de vivre une expérience singulière qu’ils sauront raconter jusqu’à épuisement à leur communauté. Comme une premiumisation des attentes à laquelle il va être difficile d’échapper. Un comportement qui n’est finalement que la conséquence d’une expertise acquise au fil du temps à travers les échanges entre passionnés et professionnels sur les réseaux sociaux.
Le succès des boissons NoLo décrit ainsi le délicat nouvel équilibre que toute marque doit trouver pour séduire, entre promesse attractive de sensations et bonne conscience portée par une consommation saine. Boire un cocktail sans alcool a longtemps été perçu comme une punition, que ce soit en termes d’image de soi ou de goût. C’est devenu l’enjeu de toutes les expérimentations et de tous les défis. L’ultime concept du moment se nomme Spirit-free et consiste à reproduire les sensations des spiritueux à partir de plantes, épices et écorces de fruits. Le phénomène arrive en France et vient nous rappeler l’omniprésence de la nature dans nos préoccupations. Quand la nature nous permet de nous enivrer sans danger pour notre santé, ne mérite-t-elle pas le nom de Mère nature ?
Dans le monde de la mode, c’est peu dire que la question de la représentation est stratégique. Si certaines marques font le choix de ne montrer que leurs produits, la majorité d’entre elles fabrique des images qui mettent en scène leur idéal de cible dans des situations autant imaginées pour valoriser leurs créations que pour se différencier de leurs concurrents. Le résultat n’est pas toujours là, tant les vêtements finissent tous par se ressembler. D’où la tentation de remonter un cran plus haut, comprenez au niveau sociétal, car quoi de plus révélateur de notre époque que la manière dont nous sommes habillés ? Et puis c’est l’occasion de communiquer des valeurs, ce qui n’est jamais perdu par les temps qui courent.
Parmi les marques masculines qui ont fait ce choix, deux émergent particulièrement. Jules, pour qui, depuis la rentrée dernière, les hommes seraient des men in progress, habile manière de jouer avec un air du temps qui rebat les cartes des comportements de séduction, suggère de nouveaux archétypes et fait évoluer les rôles. Celio, ensuite, désormais bardée d’un Be normal revendicatif qui n’est pas sans rappeler son plus fameux slogan dont seuls les plus de quarante ans peuvent se souvenir : La mode, j’m’en fous.
D’un côté, un homme in progress qui souhaite se transformer pour devenir « meilleur » : plus respectueux, plus conscient, plus ouvert… De l’autre, un homme qui dit stop et revendique son droit à ne pas bouger et à rester lui-même. Mais que peut bien signifier être normal dans l’univers de la mode, par nature marqué par l’idée de séduction, étymologiquement détourner du droit chemin ? Peut-on être normal dans un monde sous influence permanente où les réseaux sociaux ne cessent d’attiser la comparaison ? Et en être fier comme le suggère Celio qui confond avoir une vie « normée » et être « normal » ? On peut douter de la pérennité et de l’attractivité de la promesse, surtout auprès des moins de trente ans…
Si les deux approches décrivent avec justesse un homme désireux de s’affranchir des stéréotypes, les voies empruntées incarnent deux postures de marques opposées : certaines veulent accompagner leurs clients en collant au plus près à leurs modes de vie quand d’autres veulent les transformer en agissant sur leurs attitudes et leurs comportements. Laquelle des deux est la plus ambitieuse ?
On n’a pas fini de parler des effets de la crise sanitaire sur nos vies et nos habitudes. Parmi eux, c’est sûrement notre rapport au temps qui a été le plus impacté. Le temps dédié au travail, en particulier, est devenu si liquide qu’il a envahi toutes les autres sphères. Conséquence : la notion de bureau en tant qu’extérieur à son domicile a totalement disparu. Désormais le travail peut venir rappeler son existence à n’’importe quel moment et n’importe où. Pas étonnant qu’une start-up dénommée Kabin se soit donné pour vocation d’installer des cabines de travail dans des lieux publics.
La première du genre a trouvé sa place au sein du Daily Monop’ des Ternes, à Paris, et a bien fait sa part de buzz. Conçus pour permettre à chacun de s’acheter de quoi déjeuner ou manger sur le pouce, les Daily Monop’ ont été directement touchés par la crise sanitaire et réduits à la seule vente à emporter. L’espace imaginé par Kabin vient à sa rescousse en suscitant l’envie de s’y rendre… pour travailler… « Un véritable petit bureau de quartier » (dixit le dossier de presse) qu’il est possible de réserver, via une application, pour 15 euros de l’heure en attendant un abonnement prévu dans les projets. La cible visée par la start-up va de ceux qui n’en peuvent plus de travailler chez eux et ont besoin d’être ailleurs aux free lance et autres commerciaux qui n’ont pas (ou plus) de bureau et sont en quête d’un point de chute. Ce qui fait pas mal de monde…
Les frontières tombent, c’est le temps des fusions. Le monde de l’hôtellerie ressemblait déjà de plus en plus à celui de la maison qui, lui-même, se rapprochait, par ses choix esthétiques et d’ambiance, de celui du travail. A moins que ce ne soit l’inverse. Le patron du groupe Accor n’a-t-il pas récemment annoncé son ambition de s’adresser à ceux qui ne souhaitent pas passer une nuit dans ses établissements ? Ne voit-on pas se développer le phénomène de la bi-résidentialié, nouvel art de vivre consistant à résider dans un autre lieu que chez soi pendant des temps plus longs qu’un week-end et dans des conditions de confort comparables ? Comment, dès lors, s’étonner de l’apparition de magasins « work friendly », eux qui, depuis longtemps, se rêvent en lieux de vie ?
Prochaine étape : des espaces de travail chez les coiffeurs et, pourquoi pas aussi, des cafés dans les banques et des restaurants dans les concessions automobiles.