Les marques alimentaires ont beau tout faire pour améliorer leurs propositions et les rendre toujours plus saines et équilibrées (la grande attente du moment), l’intérêt des compléments alimentaires subsiste dans les esprits au point de constituer un marché porteur. Aux États-Unis, depuis longtemps. Ici, un peu plus chaque année. Le complément alimentaire séduit car il est d’abord la preuve ultime de la survivance du libre-arbitre dans un monde où tout est pensé pour nous. Aujourd’hui, par les hommes ; demain, par les datas. Les compléments alimentaires nous donnent le sentiment d’avoir encore du pouvoir sur ce que l’on consomme en nous permettant d’infléchir en notre faveur des promesses qui ont été pensées pour le plus grand nombre. Je prends un complément alimentaire, donc je suis encore là.
Y avoir recours est d’autant plus attrayant que chacune de ces gélules est porteuse d’une promesse spécifique. Ici, l’épaisseur des cheveux, là, la qualité de la peau ou le rayonnement du teint, un peu plus loin, la disparition d’un excès de ventre ou de rides. La wishlist d’un idéal de soi. Difficile de résister. Choisir ses compléments alimentaires, c’est un peu comme choisir les options du véhicule que l’on veut acquérir. Depuis peu, les compléments alimentaires prennent leurs distances avec les blouses blanches, dont la parole n’est plus toujours d’évangile, pour aller draguer au rayon chocolat ou confiserie. Beaucoup plus ludique et malin pour recruter ces adultes en quête permanente de douceur. Surtout depuis le début de la crise sanitaire. Un des effets collatéraux du télétravail qui, doublé d’une moindre activité physique, ne devrait pas être sans effets sur les corps…
Sur le site lesmiraculeux.com, vitamines et compléments alimentaires se présentent comme des bonbons et se sont, au passage, rebaptisés gummies. Beauté, énergie, sommeil, les gummies s’occupent de tout et répondent à toutes nos attentes. 100% plaisir. 100% ciblés. La régression au service de l’âge adulte. Le rêve pour tous les bobos anxieux et insatisfaits. Ceux-là mêmes qui, déjà, n’hésitaient pas à plonger de temps en temps dans un sachet de bonbons. L’idée n’est plus ici de régresser, mais de compenser les déficits d’autres produits. Après la société de consommation, place à la société de compensation.