Babkamania

Le ciel du fooding est régulièrement traversé par des comètes. On les voit quelques mois, puis elles disparaissent pour laisser la place à d’autres. La comète du moment s’appelle babka. Comment, vous ne connaissez pas ? La babka est une brioche issue des traditions culinaires ashkénazes, que l’on retrouve désormais dans toutes les boulangeries hype des quartiers cool. La première a avoir accueilli cette migrante est Mamiche qui, après le 9èmearrondissement, a récemment ouvert un second établissement rue du Château d’eau. Soit dit en passant, la nouvelle rue fooding qui est en train de détrôner la rue des Martyrs, trop bourgeoise, qui avait elle-même, en son temps, détrônée la rue Montorgueil, trop touristique, obligeant les amateurs de fooding à se réfugier rue du Nil… Vous suivez ? Pour que rien ne bouge, il faut que tout bouge.

La babka, donc, est vendue parfumée à la fleur d’oranger et tigrée au chocolat chez Mamiche, mais aussi déclinée à la cannelle, au praliné, aux fruits rouges et autres parfums chez Mami, les French Bastards, Adar et, depuis quelques semaines, chez Babka Zana, à deux pas de la rue des Martyrs (encore et toujours). Inutile d’insister sur sa sur-présence sur les réseaux sociaux, Instagram en tête. Mais pourquoi un succès si soudain ? D’abord parce que la babka est un nom qui sonne bien. Il fait référence à la Babouchka, la grand mère russe : un nom ludique, très bisounours, facile à mémoriser et à prononcer. Un bon point.

Comme toutes les nouveautés, la babka fait aussi parler et donne un statut particulier à ceux qui la connaissent avant les autres. Non négligeable. Elle est évidemment hautement instagrammable, par sa forme, sa couleur, ses ingrédients visibles qui donnent instantanément envie d’y goûter. Elle vient enfin s’inscrire dans le courant porteur de la cuisine du Levant, entre mezzés et houmous, porteuse d’un imaginaire de générosité et de convivialité très dans l’air du temps. Comment, avec tant d’avantages, ne pourrait-elle pas être naturellement « tendance » ?

Une autre explication peut aussi être invoquée : l’envie d’une génération de consommateurs de réinventer son quotidien, histoire de bien souligner qu’elle ne veut pas consommer comme ses parents. Et ce n’est pas Greta qui viendra dire le contraire…

Food sharing

Si le fooding a largement contribué à modifier notre façon d’envisager notre assiette, désormais élevée au rang de signe de reconnaissance et d’appartenance communautaire, il semblerait qu’un tournant soit en train d’être pris par ce mouvement qui vient tout de même de fêter ses vingt ans. Il faut dire que trop de conceptualisation et de déstructuration ont pu finir par lasser. Ce fooding là a ainsi conduit à une surenchère des égos chez les cuistots, qui se sont soudain senti pousser des toques sur la tête, mais aussi chez les consos, dans le jeu du « qui sera le premier à découvrir le dernier concept en vogue ».

Lassitude ou désir générationnel d’inventer de nouveaux codes, place à un nouveau chapitre fooding, à un fooding redescendu sur terre. Nos tables ont d’abord retrouvé le chemin des bistrots et des bouillons. Les voilà aujourd’hui animées par l’esprit de partage. Bienvenue dans le monde du Food sharing. Le menu traditionnel « entrée-plat-dessert » fait de moins en moins recette au profit de plats à partager servis en même temps que l’on picore entre amis. Le phénomène, qui vient du sud, entre tapas espagnoles, mezzés orientaux et apéritivo à l’italienne, est idéal pour les gourmands qui aiment goûter à tout… Légumes grillés sur plaque, planches de charcuterie et de fromages, scamorza au four dans laquelle on trempe son pain… Ces plats font fureur et promettent une tablée bien plus conviviale et décomplexée. Jamais l’envie de partager n’a été aussi présente dans les esprits. Pourquoi la table y échapperait-elle ?

Difficile de ne pas relier cette nouvelle attitude au sentiment que nos ressources sont limitées et au constat qu’il nous est parfois devenu difficile de préserver notre qualité de vie. Changer nos façons de faire ne serait-elle pas l’ultime voie à prendre pour assurer notre avenir ? Partager n’est cependant pas toujours synonyme d’appauvrissement, de restriction ou de moindre plaisir. Partager, c’est vivre une expérience. C’est rencontrer, échanger, apprendre, s’enrichir, se construire des souvenirs communs. Chacun de nos actes peut ainsi, à la rencontre de l’autre, prendre une nouvelle dimension.

Si l’idéologie de la consommation a longtemps été « je consomme, donc je suis », la voici qui s’oriente de plus en plus vers « je consomme, donc nous sommes ». Et pourquoi pas, aussi, vers « je partage, donc je suis » ?

Marque tremplin

Le phénomène devient de plus en plus fréquent et donc visible : pas une marque ne résiste aujourd’hui à la tentation d’une collaboration avec d’autres marques (souvent éloignées d’elle) ou avec un influenceur quelconque (instagrammeur, artiste, comédien, top chef….) pour gagner en désirabilité, en réputation et en modernité. Une manière pour l’ancien monde de tendre la main au nouveau monde. Et pour ce dernier de se doter de la respectabilité et de la crédibilité qui peut, parfois, lui manquer. Gagnant-gagnant.

Le phénomène touche surtout les secteurs de la mode, de la restauration, des alcools et de la distribution qui trouvent là une manière de s’assurer une présence enviable sur les réseaux sociaux. Le secteur de la grande consommation semble, une fois de plus, le plus réticent à ce genre de rapprochement. On peut se demander pourquoi… Et combien de temps cela pourra encore durer… Et puisque la raison d’être du marketing est d’en faire toujours plus et, surtout, différemment, imaginer des partenariats improbables devient un nouveau défi pour les marques.

On apprenait ainsi que Ikea venait de se rapprocher… du théâtre du Point Virgule pour lancer un concours de stand-up sur le thème du manque d’espace dans la vie quotidienne. Il fallait y penser. L’idée est on ne peut plus maline et pertinente. Parce que les problématiques de rangement dans les petits espaces sont souvent un casse-tête, le spécialiste de l’aménagement fait le choix d’en rire. Intitulée «La petite pièce Ikea», cette initiative permettra à des humoristes en herbe de tenter leur chance. Les plus talentueux se verront ouvrir les portes de la mythique salle du Point Virgule pour trois dates début mars, avant de partir en tournée. Les candidats avaient jusqu’au 14 février pour poster, sur une plate-forme dédiée, un sketch de maximum trois minutes mettant en scène le manque d’espace et ses tracas. Un jury en a sélectionné vingt et les huit candidats les plus plébiscités par le public seront révélés le 24 février…

Ikea ouvre ainsi une nouvelle voie aux marques en quête de collaboration : il ne s’agit plus pour elles de solliciter des talents pour produire une nouvelle offre à leur nom, mais d’aider des talents à se révéler. On connaissait la figure de la marque « apprenante » (apprendre à mieux manger, à bricoler, à cuisiner…), voici à présent la marque «tremplin» qui aide chacun à se révéler, à soi et aux autres, à partir de son univers. Bien plus malin qu’une énième fondation ou un soutien financier sous forme de sponsoring. Et une manière originale de mettre sa marque en vie…

Pop marketing

En 2019, elle a détrôné Johnny en France. Il fallait bien que ça arrive. Mais qui donc ? Angèle bien sûr. Angèle est belge (comme Johnny, la comparaison s’arrête là), mais elle pourrait tout aussi bien être la fille sympa qui vient d’arriver dans notre immeuble. Plus de 500 000 ventes, tous canaux confondus, pour son album Brol. Elle est aussi une des chanteuses les plus suivies sur les réseaux (2,5 millions d’abonnés) où elle est, bien sûr, très active. Son premier morceau, La loi de Murphy, est sorti il y deux ans. Seulement. En moins d’un an, Angèle est devenue un phénomène qu’il devient difficile d’ignorer. Impossible même de ne pas tirer de leçons d’un tel plébiscite.

Peut-on encore faire du marketing sa profession en restant le nez dans ses chiffres de ventes ? L’inspiration n’est plus à chercher du côté des marchés, mais des consommateurs. Et le succès d’Angèle est riche d’enseignements. Trois traits de son « positionnement » semblent particulièrement intéressants à relever. Tout d’abord, sa proximité. Angèle n’est, ni star, ni hype. Juste normale. Et cette proximité fait assurément partie des raisons de son succès auprès des ados. Surtout des filles. Angèle permet l’identification, qu’il s’agisse de son physique ou de sa manière de s’habiller. Un autre élément explicatif réside dans son engagement. Dans un contexte post #metoo, son titre « Balance ton quoi »   apporte sa pierre au combat féministe par son message autant que par son ton : léger, décalé tout en étant clair et soutenu. Le troisième trait de son succès tient à son univers esthétique, non négligeable. Une esthétique très particulière dont la modernité réside dans la capacité des images à s’inspirer de la banalité du quotidien tout en le transcendant pour créer des images pop. Dans son dernier clip, « Oui ou non », la publicité (tiens, tiens) est au cœur de l’inspiration. Pas celle des constructeurs autos qui délivrent des leçons de philosophie (deviens toi même, ose, exprime tes envies, ne renonce à rien…), mais celle de l’ancien monde qui nous vante les mérites des petits déjeuners en famille, des nettoyants miracle, des fauteuils inclinables électriquement, des serviettes hygiéniques, des crédits directs et des pare-brises sans éclats de verre…

Proximité pour favoriser l’identification, engagement pour animer une communauté, univers esthétique fort et singulier : ne seraient-ce pas les trois cases que toute marque en quête de succès doit désormais cocher ?

Hiver-Eté

C’est souvent au détour d’une page de magazine féminin que se cachent les meilleures sources d’inspiration marketing. On pouvait ainsi récemment y lire que la marque française de doudounes (ah ! qu’il semble loin le temps où ces vêtements s’appelaient encore des anoraks…) Pyrenex s’était installée pour l’hiver (d’octobre à début mars) dans les deux magasins de tongs brésiliennes Havaianas situés à Paris et Cagnes-sur-mer… Hiver contre été, voilà une synergie pas banale qui permet aux deux marques de s’adapter au marché en fonction des saisons et de s’assurer une optimisation de leurs ventes. Si le partenariat suit son cours, certains magasins Pyrenex devraient certainement, à leur tour, accueillir les tongs de la marque brésilienne en milieu d’année prochaine…

On connaissait le 86 Champs-Elysées qui rassemble Pierre Hermé, faiseur de macarons, et L’Occitane en Provence, faiseur de beauté. Certains observateurs aguerris ont pu dénicher, à Biarritz, une agence immobilière présentant en son sein les chaussures de marche Le Soulor, récemment relancée et made in Sud-Ouest. Les Parisiens peuvent, eux, découvrir ses modèles dans une librairie du 19ième arrondissement car l’entreprise n’a pas (encore) les moyens d’avoir ses propres magasins. Quant à ceux qui fréquentent la Fnac de la rue de Rennes, ils sont désormais habitués à y trouver Uniqlo au sous-sol… On a tous en tête un pop-up store installé dans un lieu improbable, ou pu observer des rapprochements géographiques inattendus, preuve du désir actuel de toutes les marques de surprendre leurs clients. C’est peu dire que les magasins sont aujourd’hui traversés d’une fièvre de bougeotte. La dernière innovation en date serait donc, pour une enseigne, d’aller s’installer chez une autre, le temps d’une saison. Le bénéfice de l’opération dépasse la seule logique économique. En apparaissant là où elle n’est pas attendue, la marque étonne, déroute et apparaît ainsi plus fortement. 

Si certains imaginaient la fin du magasin face au développement du e-commerce, force est de constater qu’il est toujours là. Et même de plus en plus là…

Pierres précieuses

Dans le monde de la cosmétique, le temps des hommes en blanc et de leur quête de l’ingrédient miracle porteur d’une promesse de jeunesse éternelle (et de marges élevées…) s’efface progressivement au profit des hommes verts qui, forts de connaissances millénaires élaborées par les premiers druides, fouillent la nature pour en extraire le meilleur. Après les plantes aux innombrables vertus, voici les pierres, non moins vertueuses, dont la puissance imaginaire est portée dans la presse grand public sous le vocable fantasmatique de « lithothérapie », voire (encore plus fort) de « crystal therapy ». On se sent tout de suite un peu sorcier, un peu vaudou, même si l’efficacité des pierres n’est pas encore scientifiquement prouvée… ce qui n’est d’ailleurs pas un problème.

Au contraire, car le fantasme compte ici davantage que la réalité. L’année dernière, Birchbox, leader des coffrets beauté sur abonnement, et jamais en retard d’une tendance, détaillait les vertus des pierres à ses 200 000 abonnés français(es). Une manière de préparer le terrain. On peut aussi citer Gemology, marque de soin fondée sur les principes actifs des pierres ou encore The New Cool, jeune marque française distribuée au sein des boutiques de studios de yoga et qui propose des eaux parfumées infusées aux cristaux (quartz rose, jade et améthyste)… en attendant une offre de voyages new-age. Pourquoi pas. Les marques Carita et Galénic vendent depuis longtemps des crèmes aux pierres précieuses : la première, à base de poudre de diamant, pour donner de l’éclat et la seconde, à base de rubis, pour favoriser la régularisation du sébum. Le phénomène n’est donc pas totalement nouveau, mais il est en train de s’élargir, preuve de sa concordance avec l’air du temps. Rien de surprenant.

Les pierres, ce sont tout d’abord des morceaux de nature. Un bon point. Elles portent aussi une part de mystère, voire d’ésotérisme, ce qui est en ce moment, assez apprécié (Garancia, je te vois). L’esprit new-age n’est pas loin non plus car les pierres vibrent, émettent des ondes et promettent ainsi de réconcilier le corps et l’esprit. La grande attente du moment comme le prouve le succès actuel du yoga ou de la méditation… Demain, l’ensemble de la consommation sera au service du bien-être. Autant s’y préparer dès maintenant…

Prêt à manger

Difficile d’ignorer l’existence des repas livrés en boites. D’un côté, des boites destinées à tous ceux qui sont préoccupés par leur poids. Elles s’appellent Comme j’aime, Mon panier Minceur, KItchendiet, Regime Box ou encore DietBon, et leur cible n’exclut personne. De l’autre, celles qui visent ceux qui ne veulent pas cuisiner comme leurs parents. Elles se nomment Foodette, Quitoque, Les Commis, Rutabago (qui a signé un partenariat avec Biocoop…) ou Hellofresh et l’on comprend, à leur seul énoncé, qu’elles s’adressent à un public urbain aisé, parfois hâtivement qualifié de bobos. Eux ne souhaitent pas se délester de leurs kilos, mais de la corvée des courses. Ils veulent bien cependant assembler les ingrédients nécessaires à leur plat, pour se laisser l’illusion que c’est  eux qui l’ont « fait ». Des Top chef express en quelque sorte…

Quelle que soit la cible visée, l’objectif de ces nouveaux acteurs (tous en quête du modèle économique gagnant…) est d’installer de nouvelles habitudes dans notre quotidien. D’où leur mode de fonctionnement sous forme d’abonnements agrémentés, pour les uns, de diététiciennes toujours à portée de smartphone ou, pour les autres, de petits livrets de trucs et astuces pour cuisiner tout en apprenant quelque chose… Livrées en pièces détachées à assembler comme des commodes suédoises, ces propositions ne manquent pas d’attraits. Promesses de gain de temps et de bien manger sans effort,produits (parfois) sourcés et ultra-frais, voire bios, livrés dans les proportions idoines, donc sans gâchis et compatibles avec une bonne conscience, sentiment hédoniste d’avoir réussi quelque chose, elles cochent toutes les cases de la modernité. Qui trouverait à y redire ?

Qu’il s’agisse de perdre du poids ou non, le format boite répond ainsi parfaitement aux attentes des Français qui passent de moins en moins de temps aux fourneaux, mais accordent de plus en plus d’importance à ce qu’ils mangent. Il incarne aussi un nouveau rapport à la cuisine, débarrassée de ses côtés ennuyeux, répétitifs et chronophages ou du devoir de toujours trouver de nouvelles idées pour ne garder que sa dimension conviviale, ludique et créative. Une cuisine assistée qui redonne confiance en soi, distille le sentiment ultra valorisant de progresser et de se transformer. Une cuisine pleine d’avenir…

Coup de crayon

Coïncidence ou non, le crayon est dans l’air du temps. Avec la généralisation des ordinateurs et le développement des réseaux sociaux, on aurait pourtant pu penser qu’on n’allait pas le revoir de sitôt. Il est vrai qu’il ne revient pas à l’identique. Pas en bois et à mine graphite pour nous permettre de prendre des notes dans un carnet, mais pour donner lieu à un nouveau geste. 

Un nouveau geste parfumé, tout d’abord, avec cette innovation rupturiste imaginée par Chanel pour séduire les plus jeunes d’entre ses clientes : un crayon de parfum à la mine rétractable à appliquer directement sur la peau et décliné dans les différentes versions de sa ligne Chance (Chance, Chance Eau Fraîche, Chance Eau Tendre et Chance Eau Vive), plus particulièrement destinée aux Millennials. Ces crayons seront disponibles dans les jours à venir et vendus 75 euros sous forme d’un set de quatreNi cher, ni pas cher. Le crayon est aussi à l’origine d’un nouveau geste gustatif imaginé par le bien nommé OCNI (Objet Comestible Non Identifié) : un crayon alimentaire produit à Alès, dans les Cévennes, sans additifs, composé d’aliments en majorité bio et gélifiés à base d’agar-agar et dont les copeaux, une fois taillé, permettent d’assaisonner des plats à sa guise et en toute discrétion… Citron vert, gingembre, ail noir, piment d’Espelette, safran, cèpes ou échalote…

Ce renouveau du crayon ne doit sans doute rien au hasard et il n’est pas interdit de penser qu’il soit même le reflet de quelque chose de notre temps. Qu’est ce qu’un crayon, finalement, sinon la possibilité qui nous est offerte de nous exprimer spontanément, de donner facilement libre cours à notre imagination et de tenter, ainsi, de rapprocher le monde de nos rêves ? S’exprimer, oui, mais modestement et créativement car il ne s’agit plus, ni de faire la révolution, ni d’avoir de trop hautes ambitions. Seulement de ré-enchanter notre quotidien et notre environnement proche. D’un petit geste, d’un geste inhabituel, d’un geste en rupture. Pour changer le monde, pourquoi ne pas commencer par intervenir sur ce qui est à notre portée pour l’accorder à nos goûts, à notre désir et à notre ambition ? Comme une manière de venir mettre notre grain de sel dans ce qui a été décidé pour nous.

Ludique, pratique, créatif, discret, facile et innovant. Voilà clairement définies les conditions que doivent remplir les innovations qui veulent aujourd’hui séduire.

Le retail du futur

Tous les experts s’accordent pour dire que l’alimentation a pris la place du prêt-à-porter, manière de reconnaitre que vivre un moment est aujourd’hui davantage recherché par les consommateurs que collectionner les vêtements, les sacs et les chaussures. Comme il paraît loin le temps des it-bags. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les groupes de luxe commencent à faire leurs emplettes dans le secteur alimentaire comme ont déjà commencé à le faire LVMH et Prada à Milan.

Le premier a ainsi acquis 80% du capital de la célèbre pâtisserie-confiserie bicentenaire Cova alors que Prada s’emparait de Marchesi, haut lieu de la gourmandise milanaise fondé en 1824. Depuis peu, une autre marotte semble saisir les marques de luxe : l’hôtellerie. En attendant l’ouverture du Cheval Blanc à la place de feu la Samaritaine (ce qui en dit long sur l’évolution de Paris…), on apprend que Zadig & Voltaire s’apprête à ouvrir un hôtel rue Saint-Honoré, que Kitsuné a le même projet, mais à Bali (en 2021) et que le fondateur de la marque Bensimon rêve, lui aussi, d’un établissement capable de porter l’esprit de sa marque éponyme, née dans la mode, mais qui a, depuis, migré vers la décoration.

Il y a 15 ans, la marque espagnole de chaussures Camper étonnait son monde en ouvrant son premier hôtel à Barcelone, suivi d’un autre à Berlin. C’est peu dire qu’elle était précurseur. Si le phénomène existe depuis longtemps en Italie où les hôtels Armani, Bulgari, Ferragamo, Fendi et Benetton sont inscrits dans le paysage, il risque de connaître un nouveau développement dans les années à venir. Rien de surprenant dans un monde dominé par l’image.

Les hôtels offrent aux marques de luxe de nouveaux territoires d’expression (un point de croisement entre les mondes de la mode, de l’art, du vin et de la gastronomie) où elles peuvent venir proposer à leurs clients des expériences épicuriennes inédites qui ne pourront que renforcer chez eux le sentiment d’appartenir à une communauté. L’équation gagnante du moment. Une manière, finalement, de réinventer des codes de l’hôtellerie autant que ceux du retail par davantage de services et d’expériences.

Quand les vêtements décrivent un style de vie, les hôtels de marque viennent suggérer un art de vivre. Ils ne s’adressent pas seulement à un pouvoir d’achat, mais à tous ceux pour qui les marques sont des marqueurs de leurs valeurs comme de leur réussite. Et ils sont de plus en plus nombreux.

Abracadabra

Face à un consommateur blasé qui a le sentiment d’avoir déjà tout vu et de ne plus s’étonner de rien, personne ne peut être vraiment surpris par l’idée que la magie vienne aujourd’hui frapper à la porte du marketing. Toc, toc, qui est là ? L’irrationnel, les croyances, le féérique.

Du côté des rayons cosmétiques, on ne présente plus Garancia, marque pour le moins rupturiste dont l’offre accumule les pschitts magiques, les formules ensorcelantes, les repulpants mystérieux et les eaux de « sourcellerie » quand ses concurrents sont, soit encore en blouses blanches dans leurs labos, soit partis au bout du monde pour trouver une plante aux vertus extraordinaires. Son succès n’a pas échappé au grand méchant loup du capital puisque la marque a été récemment rachetée par Unilever. Tout de suite moins magique.

Les potions magiques ne sont pas pour autant réservées au monde de la beauté. Elles se trouvent aussi, désormais, dans les rayons alimentaires. Ceux qui furètent chez Naturalia n’ont pas manqué de se retrouver face à des packagings étranges signés Supermix poudre instantanée, Avoine divine ou Eveil du Bouddha, trois produits de la marque Iswari. Ceux qui laissent traîner leurs yeux sur les tables des librairies n’ont pu, eux, échapper à Mes secrets de sorcière, cuisine, santé et cosmétique de Lisanna Wallance, à La cuisine Wiccane de Scott Cunningham ou encore au Le Pouvoir magique des aliments de Peter et Beryn Daniel. Voilà donc la magie à la rescousse d’un tiroir caisse grippé par une soudaine moindre envie d’acheter.

Quelle sera l’étape suivante ? Après la recherche frénétique d’une mère Nature, réparatrice autant que consolatrice, censée venir nous guérir de tous nos maux : santé troublée, déséquilibres de l’âme sur fond de banquise qui fond et de couche d’ozone percée… Y arrivera-t-elle ? Nos croyances ont pour limite son efficacité et nous pourrions être tentés de basculer de l’autre côté du miroir. Ne plus manger quelque chose pour ses bienfaits, mais pour en incorporer les « pouvoirs ». L’idée remonte à la nuit des temps. Alors pourquoi continuer à compter les fruits et légumes et le nombre de pas effectués chaque jour, pourquoi encore « yukaiser » nos caddies ou s’abonner à Santé Magazine alors que les druides et les chamans nous tendent leurs mains ?

Le temps de la magie végétale, du bois sacré et de la cueillette du gui n’est pas loin. Nature Saison 2. Bientôt dans tous les linéaires.