Le temps comme ingrédient

Connaissez vous le batch cooking ? En Français « cuisine par lots ». Ca sonne tout de suite moins bien. C’est une façon de gagner du temps en cuisine en découpant, cuisant et conditionnant légumes, viandes et fruits à l’avance pour ne plus rien avoir à faire (ou presque) lorsque l’on décide « d’entrer en cuisine ». Une manière de gagner en sérénité en redécouvrant le plaisir de cuisiner calmement. Un minimum d’organisation est évidemment requis mais il suffit, aux dires de ses chantres, de deux heures de préparation par week-end pour finaliser cinq ou six repas par semaine. Il faut bien prévoir ses boites (plutôt en verre qu’en plastique), élaborer ses menus à l’avance et, ensuite, se contenter de se conformer à son planning….

L’apparition d’une telle approche (assortie de son lot de publications opportunes aux éditions Hachette, Marabout ou Larousse) vient d’abord nous rappeler qu’en matière de cuisine, il en va comme de la gym. Il faut sans cesse trouver de nouvelles variations pour entretenir l’envie de s’y mettre et faire oublier la dimension contraignante de la chose. Un exercice sans fin. La batch cooking est ainsi à la cuisine ce que furent en leur temps l’aérobic ou le pump et, aujourd’hui le cross-fit, le gyrotonic ou le wunder barre, au sport en salle. Une façon de transcender le réel et de maximiser le plaisir. Changer les règles de l’accès, c’est modifier la perception d’une réalité.

Le batch cooking incarne aussi une nouvelle approche de la cuisine à destination de ceux et celles qui se sentent nul(les), mais qui, sous la contrainte de la doxa médiatique, ressentent confusément qu’un apprentissage culinaire est désormais nécessaire à leur santé. Cuisiner soi-même, c’est répondre à l’injonction du mieux-manger qui traverse actuellement tous les discours de marques et d’enseignes.

Le batch cooking vient enfin illustrer, à sa façon, la théorie du nudge, ce petit coup de pouce censé aider à transformer les envies en actions. Préparer à l’avance les ingrédients d’une recette, c’est faciliter sa réalisation. Tout d’un coup, la montagne semble moins haute à gravir. Toutes les entreprises de livraison de paniers recettes (Quitoque, Simple et bon…) l’ont bien compris : l’ingrédient qui coûte le plus cher dans une recette, c’est toujours le temps… 

Le consommateur cueilleur

Les marques alimentaires ont pour habitude de vendre leurs produits prêts à consommer. Un principe de service rendu qui justifie leur valeur. Moins le consommateur en fait, plus il accepte de payer cher. Logique. Oui, mais ça, c’était avant. Maintenant qu’il émet des doutes sur les origines de ce qui lui est proposé et qu’il attend de l’engagement de la part des marques, certaines d’entre elles se sont dits qu’elles pourraient bien lui demander de mettre la main à la pâte. Et pourquoi pas ? Après tout, on trouve bien sur les linéaires des kits de pizzas à réaliser soi-même qui ne semblent pas nuire aux ventes de pizzas touts prêtes.

C’est le raisonnement qu’a du suivre Le Jardin d’Orante qui, à côté de son offre habituelle de cornichons en bocaux, propose (pour la seconde fois) des kits pour faire pousser soi-même ses cornichons. Une manière maline de souligner que son offre est tellement naturelle que chacun peut la reproduire chez lui « artisanalement ». Une manière aussi, de faire parler d’elle sur les réseaux et de promouvoir subtilement le made in local. Faire, c’est comprendre.

A partir de début mai, Le Jardin d’Orante mettra ainsi en vente sur son site 3500 kits de Mon Cornichon Maison au prix symbolique de 3 euros permettant de faire pousser les cucurbitacées chez soi. Les recettes des ventes seront intégralement reversées à l’association des Cornicheurs français, histoire d’alerter les esprits sur les enjeux de la relance du cornichon français et de soutenir les agriculteurs mobilisés aux côtés de la marque pour l’occasion. De quoi séduire tous les habitants de Boboland toujours excités par l’idée d’avoir un peu d’eux planté dans le terroir.

Et voilà les consommateurs devenus à la fois acteurs du projet de relance de la filière du cornichon français, sensibilisés à sa culture et auteurs de leur propre consommation à travers une activité ludique et pédagogique à mener en famille, sur son balcon ou dans son jardin. Un consommateur cueilleur en quelque sorte. Pas mal. Car manger est autant partager un moment autour d’une table que de la connaissance et des savoir-faire associés à ce que l’on mange.

Micro moments

L’info n’a pas fait la Une des journaux, plus occupés par les difficultés de fin de mois des gilets jaunes que par les habitudes alimentaires des autres. Et pourtant, fin février, on apprenait qu’en 2018, pour la première fois, les Français ont moins déjeuné hors de chez eux (au restaurant, au café, en entreprise, à la boulangerie…) au profit d’une « pause snacking » plus copieuse (étude The NPD Group). Voilà qui vient mettre à mal notre réputation de discipline face au respect des trois sacro-saints repas de la journée. Et ce ne sont, ni les biscuits qu’est en train de lancer Nutella pour contrer Prince, ni la pâte à tartiner qu’est en train de nous concocter Milka qui vont nous aider à réfréner ce nouveau penchant.

Certains verront là le signe de difficultés économiques et donc la quête de solutions moins coûteuses pour se nourrir. D’autres y liront la généralisation du télétravail qui a naturellement tendance à déstructurer les habitudes, en particulier celles du petit-déjeuner et du déjeuner en s’affranchissant de l’horloge, de la table et de ses convives. Le développement des livraisons à domicile via des applications et les nouvelles offres imaginées par les enseignes de distribution (Franprix Darwin, Bon App Carrefour et bientôt Picard) pour nous suggérer de nouveaux micro-moments de restauration ne sont bien sûr pas étrangères à la désaffection de la restauration hors foyer traditionnelle au moment du déjeuner. La prise de conscience croissante de la relation existant entre santé et assiette, non plus. Elle conduit de plus en plus de Français à réaliser eux-mêmes, chez eux, des lunch-box qu’ils mangeront sans passer par la case restauration et au moment où ils le souhaitent. Cette pratique, très répandue dans le nord de l’Europe, et encore peu chez nous pour des raisons culturelles, pourrait bien se développer dans les années à venir sous la pression de l’attention croissante portée aux origines des produits, voire de la méfiance vis à vis des discours de marque et de l’adoption de pratiques alimentaires radicales conduisant à ne plus consommer certains types de produits.

Pour le moment, nous apprend la même étude, ceux qui profitent le plus du développement du snacking sont les brownies, donuts, muffins et autres cookies. Espérons qu’il ne s’agisse là que d’un moment d’égarement.

Culture bière

A Paris, dans le quartier de Pigalle s’est récemment ouvert un bar à bières baptisé Le Bar Fondamental (preuve de la volonté de ses propriétaires de proposer un « concept »…), dont l’offre pourrait bien inspirer de nombreux commerces. Le Bar Fondamental se veut artisanal, ludique et participatif. L’ambition est annoncée.

Avec sa végétation au plafond et ses fûts en guise de support au zinc, ce lieu intègre quatre types d’activités. Un bar, bien sûr, proposant des bières « historiques », des bières artisanales éphémères et même une bière « surprise ». Mais également une micro-brasserie dans laquelle cette dernière est confectionnée et qui, chaque mardi soir et samedi après-midi, sert de cadre à des ateliers conçus pour initier les clients du lieu à l’art de la brasserie. L’occasion pour ses participants de repartir avec leurs quinze litres homemade. Pendant que les uns sont en train de consommer de la bière, d’autres en fabriquent juste à coté. Une cave à bières offrant une grande variété de bouteilles et de canettes à l’achat vient, enfin, judicieusement compléter l’offre. Habituellement, lorsqu’un bar ouvre, la convivialité est sa seule préoccupation car elle doit assurer sa réputation et donc son succès. En y ajoutant un espace de vente et un espace pédagogique lui permettant de mettre en scène son savoir-faire, Le Bar Fondamental change de catégorie et affiche une nouvelle ambition : être perçu comme un système.

La convivialité du bar se met ainsi au service du partage et de la diffusion d’une culture qui viendra ensuite alimenter et soutenir l’envie d’acheter. Ce n’est plus seulement l’idée de passer un moment agréable dans un lieu qui prime, mais de ressentir une forme d’appartenance à une communauté. Voilà qui pourrait concerner de nombreux commerces encore trop bloqués sur la seule promesse transactionnelle alors que leurs clients sont en attente de culture et de reconnaissance. Pas tant d’une reconnaissance en tant qu’individu comme l’affirment tous les prophètes de la data qui rêvent d’échanges hyper personnalisés, mais d’une reconnaissance en tant que membre d’une communauté construite autour d’une passion.

Ce sentiment d’appartenance communautaire n’est à négliger par aucune enseigne car il cumule les avantages : il fidélise, nourrit la curiosité, donne envie de revenir et soutient l’envie d’acheter. La réponse aux difficultés éprouvées actuellement par le commerce du monde réel…

Instinct de reproduction

On savait le penchant (naturel) de l’être humain pour le narcissisme. Miroir, miroir, dis-moi que je suis la plus belle. Qui serait hostile à l’idée ? Nous voilà à présent à l’ère de l’instagrammabilité, une forme de post-narcissisme, soit le narcissisme appliqué à son environnement. Car il ne suffit pas d’être content de soi ou de se trouver beau, encore faut-il que ce constat se fasse dans un « beau cadre ».

Aux dires des experts, près d’un tiers des voyageurs privilégierait des hébergements instagrammables. Le Club Med dispose ainsi, au sein de ses villages, de lieux habilement logotypés où chacun peut se photographier et partager sur les réseaux sociaux… pour que d’autres reproduisent le cliché à leur venue. Le plus important n’est pas d’être allé quelque part, mais de pouvoir prouver qu’on y était. L’entreprise demande même à ses architectes de « penser instagram ». C’est dire. Si Haussman avait dû se plier à cet exercice, son travail aurait-il été différent ? Ses façades sont naturellement instagrammables si l’on en juge par leur présence dans des pubs pour parfums ou voitures.

L’instagrammabilité n’a rien à voir avec l’originalité, mais avec la conformité. C’est comme ça que tous les intérieurs se ressemblent au-delà de leur différence de prix. C’est comme ça que les restaurants récents ont tous des carreaux de ciment au sol, des ampoules à filaments apparents, des tables en bois clair, des chaises en velours et des accessoires en cuivre. C’est comme ça que tous les packagings de crèmes de soin se la jouent pharmacie et que l’on ne croise finalement sur les trottoirs que deux ou trois types de Millennials, habillés des pieds à la tête à la manière de clones. Le phénomène concerne même les produits alimentaires puisque Häagen Dazs a revu ses packagings pour les rendre, eux aussi, plus instragrammables. Décidément…

Au siècle dernier, on aurait dit de produits qu’ils étaient plus désirables, plus modernes, plus séduisants ou encore, plus «appétents », mais ça, c’était avant. Avant que la technologie ne nous aient inféodés. Toutes les marques ont les Millennials dans le viseur. Certaines investissent beaucoup pour les comprendre. Mais en observer les codes est presque aussi essentiel.

Nouveau cycle

Il n’y a pas que la planète qui chauffe. Les esprits aussi. C’est fou le nombre d’initiatives issues du monde de la mode qui sont destinées à installer chez les consommateurs de nouveaux réflexes d’achats. Ici, c’est Camaïeu qui lance un site de vide-dressing où les particuliers sont mis en relation via un outil de géolocalisation pour leur permettre de se rendre dans l’un des magasins pour effectuer leurs échanges. Là, c’est Bocage qui propose, moyennant un abonnement mensuel, de porter une paire de chaussures deux mois avant de l’échanger contre une autre et de la remettre en vente une fois reconditionnée. On pourrait aussi citer la plateforme d’upcycling Takecare imaginée par H&M ou encore tous les tutos du net qui expliquent par le menu comment réparer, transformer, upgrader son vestiaire.

Certes, les enseignes de prêt-à-porter, dérèglement climatique oblige, ont du mal à vendre et doivent trouver des idées pour attirer l’attention. Certes, elles cherchent toutes actuellement à valoriser leur engagement en faveur de l’environnement. La mode n’est-elle pas, d’ailleurs, la seconde industrie la plus polluante du monde ? Mais ces deux (bonnes) raisons n’expliquent pas tout. C’est aussi de notre rapport aux vêtements, et plus généralement aux objets, dont il est ici question.

Ces initiatives sont la réponse à notre envie actuelle d’une consommation ralentie, moins marquée par l’accumulation, mais aussi, plus personnelle, moins copiée-collée avec les offres et les silhouettes du moment, où l’histoire du vêtement, sa charge affective, serait particulièrement valorisée. D’où le succès actuel du vintage et de l’upcycling. La consommation a toujours permis de s’affirmer en se différenciant. Elle devient au fil du temps un moyen de prouver sa maîtrise d’une culture et de ses codes ainsi que sa capacité à en créer de nouveaux.

Si, en plus, une motivation environnementale vient s’y ajouter, personne ne s’en plaindra car les actions en faveur de la planète manquent bien souvent de légèreté créative …

La vie des autres

Aller au cinéma peut offrir l’opportunité de mieux comprendre nos contemporains et leur manière de vivre. Une immersion en milieu inconnu. Une sorte d’étude ethno pour le prix d’une entrée. Prenez ainsi Doubles vies d’Olivier Assayas, actuellement sur les écrans. L’action se passe dans le milieu littéraire parisien. Comprenez, CSP+ d’obédience rive gauche. On y apprend autant sur son rapport à la modernité (le livre électronique va-t-il emporter le morceau ?) qu’à la table.

Dès les premières scènes, on comprend le pouvoir symbolique de cette dernière. L’éditeur invite un des écrivains de son écurie pour lui annoncer qu’il ne publiera pas son manuscrit. Malaise. Quand le premier commande un steak salade et de l’eau minérale, le second opte pour une « petite entrée », un plat et du vin. Le choc de deux mondes. Ce qui, pour l’un, relève de la seule fonction corporate (le repas comme réunion d’un genre particulier), est pour l’autre (encore) dans le domaine du plaisir et de la convivialité.

L’intuition que les repas étaient en pleine réinvention n’allait pas tarder à se confirmer. Car, dans ce petit monde, on se reçoit volontiers, histoire de se rassurer sur son existence et d’entretenir son cercle relationnel. Et là, que voit-on ? Que plus personne n’est à table, car dîner se résume à être assis près d’une cheminée qui crépite et à grignoter des bricoles achetées chez un traiteur griffé dont les boîtes trônent sur ce que l’on appelait, au siècle dernier, une table de salle à manger. Et lorsque l’on boit du vin, c’est toujours dans de très grands verres que l’on tient par en dessous comme dans les séries américaines. Great. Amazing. Oh my god ! Dans une des dernières scènes du film (chez l’éditeur, à Majorque, avec accès direct à la plage), une des invitées demande d’un air entendu : « les gâteaux, c’est pour aller avec le café ? ». Car bien sûr, chez ces gens là, on ne mange pas de dessert (trop risqué, trop bourgeois), on déguste un café avec des gâteaux. Nuance.

Il y a quinze ans, Thierry Ardisson reconstituait les dîners mondains sur petit écran en recevant chez lui des people de tous poils. Chacun avait sa place désignée, des chandeliers posés sur la table se chargeaient de l’ambiance et des laquais attendaient qu’on leur fasse signe pour servir. Dire que les temps ont changé est un euphémisme…

Les jours sans

Le Dry January (ne pas boire d’alcool au cours du mois) vient à peine de s’achever (il n’est pas interdit de le prolonger…) que s’annonce Février sans supermarché. Comme s’il fallait, à tout prix, commencer l’année par une détox. Avant, il y avait les journées « en faveur » d’une cause ; aujourd’hui, il y a aussi les journées « sans ». Et ce n’est pas le Lundi vert, sans viande et sans poisson, qui viendra dire le contraire…Les premières prônent la prise de conscience, les secondes, l’abstinence comme un défi lancé.

Février sans supermarché est observable en Belgique et en Suisse. En France, il est aussi annoncé, mais il faut admettre qu’il se fait, pour le moment, plus discret… Son principe est pourtant incontestable : éviter de se rendre dans une grande surface afin de privilégier les commerces indépendants, redécouvrir les épiceries de quartier, soutenir les petits producteurs, favoriser la vente en vrac et le commerce local, repeupler les marchés et même réapprendre à n’acheter que l’essentiel. Difficile de ne pas adhérer à un programme d’une telle ampleur dont l’objectif est, finalement, de redonner sa place centrale à la vie locale.

Il ne s’agit toutefois pas d’un boycott affirme ses organisateurs (le collectif suisse « En vert et contre tout »), mais de faire au mieux de ses possibilités et de réapprendre à varier ses sources d’approvisionnement… Pas d’opposition, donc, mais des tentatives de conciliation de différents systèmes. Voilà qui est dit. En 2018, l’opération avait mobilisé près de 20 000 personnes en France et en Suisse. L’essentiel n’est pas tant dans ces chiffres que dans les raisons de l’apparition d’un tel mouvement.

Il vient d’abord témoigner du statut actuel de la consommation. Consommer, ce n’est pas seulement acheter, c’est militer. Consommer, c’est aussi, désormais, innover, inventer de nouvelles manières de faire, modifier ses habitudes. Enfin, consommer, c’est avoir en tête les effets de nos comportements sur notre environnement avec la perspective que nos nouvelles manières de faire deviennent un modèle pour les autres. D’où l’apparition de groupes sur les réseaux sociaux pour que chacun puisse y poster conseils, bons plans et astuces pour changer ses habitudes encourager la volonté d’agir.

Consommer n’a jamais été un acte anodin. Encore moins quand il s’agit d’en modifier les règles.

Surprise, surprise

Dans un monde où tout est balisé, calculable et programmable, où l’important n’est plus de découvrir mais de retrouver ce qui a préalablement été repéré sur les réseaux sociaux, comment s’étonner que la surprise tente de s’infiltrer dans nos vies pour venir bouleverser toute cette belle organisation ?

A Noël dernier, les calendriers de l’Avent ont confirmé leur place sur les linéaires, talonnés cette année pour la première fois par les crackers, ces papillotes surprises nées en Angleterre, conçues, à l’origine, pour contenir diverses friandises et petites attentions que l’on découvrait en tirant sur ses deux extrémités. Un geste ludique associé à un esprit bon enfant et convivial… Les crackers accueillent aujourd’hui des produits cosmétiques miniatures. Des produits griffés à prix abordable, doublés d’un effet de surprise : comment résister ?

On pourrait aussi évoquer ces sites de voyage où la destination n’est révélée que le jour du départ, les box-surprises (300 000 français abonnés à l’une des 300 offres disponibles) ou encore la tradition japonaise du Fukubukuro consistant à proposer, chaque début d’année, de grands sacs surprises contenant divers articles, dont on sait seulement que la valeur totale est supérieure au prix payé.

Dans une vie si balisée, quelle est la place accordée à la poésie et à la « sérendipité », cette « errance fructueuse » ? Où sont passées les pochettes surprises, les tirettes à un franc et les cadeaux Bonux du siècle dernier ? Il n’y a pas que la méditation et la détox pour sortir de ses habitudes et se retrouver… Quelques marques de grande consommation l’ont bien compris comme Burger King et ses burgers mystère, servis de façon aléatoire pour un prix unique (une opération promotionnelle transformée en expérience clients) ou Pom’pot Crazy qui masque le parfum de ses gourdes de compote. On pourrait aussi citer les restaurants qui proposent des repas sans carte où les propositions sont guidées par la seule inspiration du chef.

Le marketing de la surprise n’en est qu’à ses débuts. Une de ses vertus est que sa dimension émotionnelle est si forte, qu’elle finit par gommer toute déception ou esprit critique. Pas négligeable…

Le message de la couleur

Il n’y a pas que la presse qui ait droit à ses marronniers. Le monde de la tendance n’échappe pas, lui non plus, à cette habitude qui balise les années comme les platanes, les bords de routes. Quand les uns classent par ordre de mérite les hôpitaux, les lycées et les villes où il fait bon vivre, les autres sortent chaque début janvier la couleur de l’année. Un timing irréprochable. Qui se souvient de celle de l’année dernière ? Vert ? Peut être bien. A moins que ce ne soit rouge bordeaux ? Ou rose poudré ? Il s’agissait du violet… Ce serait exagéré d’affirmer que la couleur de l’année marque les esprits et notre quotidien…

Cette année, selon les experts du Color Institute de Pantone, ce sera saumon. Enfin, pas exactement car le mot rappelle trop les ambiances des restaurants des années 80, mais « Living Coral », soit une teinte oscillant entre corail et teint de pêche. Ca fait tout de suite plus pro. Tout comme il vaut mieux dire « dos de souris » ou « ficelle » que beige si l’on veut passer pour un pro de la déco… Le choix des mots est le premier déclencheur d’imaginaires. Alors pourquoi le corail ? Parce qu’il s’agit d’une couleur « vivifiante et effervescente qui capte le regard, hypnotise l’esprit et évoque le kaléidoscope de couleurs qu’abritent les récifs coralliens ». Pourquoi pas. Il fallait y penser.

Retenons surtout qu’il s’agit d’une couleur douce et apaisante, mais aussi positive, facile à combiner et qui va à tout le monde. Douce et apaisante dans un monde actuellement très jaune fluo, c’est une bonne résolution. Facile à combiner : là réside assurément sa force. Alors que chacun est aujourd’hui tenté de penser qu’un autre veut prendre sa place ou l’a déjà prise, prôner l’union, l’idée de pouvoir faire ami-ami avec chacun est une promesse de paix et de réconciliation. Une couleur située à la croisée de plusieurs coloris (le rose et le jaune), qui flatte celui qui l’adopte est ainsi une incitation à la combinaison, au mélange et à la diversité.

N’oublions pas, au passage, la référence à la planète qui est devenue notre (bonne) conscience universelle, puisque le corail est menacé dans son existence. Quelle que que soit la couleur retenue, le vert n’est, finalement, jamais très loin…