Marqueurs

Traditionnellement, le marketing est affaire de ciblage et de promesses. Pas forcément besoin d’une « unique selling proposition », mais au moins d’une promesse par groupe d’individus ciblés. Le problème est que ces promesses, souvent trop abstraites, ne suffisent pas toujours à assurer l’adhésion, voire à attirer l’attention. Surtout lorsqu’elles ne permettent pas de nourrir les réseaux sociaux. Comprenez : lorsqu’elles ne sont pas instagramables.

Alors, pour se faire remarquer et rejoindre la conversation globale, chaque enseigne tente d’imaginer le petit quelque chose en plus, le «marqueur» comme disent les experts du marketing, qui va lui permettre de se différencier. Essentiel. Au moment où tout se mondialise, c’est une fois de plus à la marge que tout se passe.

Un marqueur, cela peut être une attention (« êtes vous satisfait de votre expérience d’achat ? »), un cadeau (« pour vous remercier »), une phrase (« que puis-je faire pour vous faire plaisir ? »), mais tout cela a comme limite d’être facilement imitable. Non, le vrai marqueur va au-delà de la relation. Il est visible, tangible. Mais discret. Il y a peu, on pouvait ainsi lire dans la presse que le groupe hôtelier Louvre Hôtels avait pour ambition de développer son enseigne Kyriad à l’international. Pour y parvenir, l’enseigne comptait proposer du yaourt glacé au petit-déjeuner, un bar à bières internationales ou encore un oreiller à mémoire de forme. A Paris, pour repérer les lieux « cool chic bobo », il suffit de se rendre aux toilettes : la présence d’un flacon de savon liquide de la marque Aesop au bord du lavabo fait office de certificat de conformité. Ailleurs, ce sera une bougie parfumée spécialement conçue pour une enseigne ou un hôtel et discrètement vendue près des caisses ou encore des miniatures de produits cosmétiques bio ou éco-responsables mises à disposition dans les salles de bain. Et pourquoi pas un mot écrit à la main pour accompagner ses livraisons comme le fait Frichti ?

Bref, chacun y va de sa petite idée pour marquer les esprits par un signe distinctif discret que les habitués apprécieront toujours de retrouver. Car le marqueur est davantage là pour être reconnu que pour être arboré. Bien loin d’une cup Starbuck, d’un sac en kraft Mac Do ou d’un tote bag Sézane…

Luxe Millennial

Toutes les marques de luxe ont la même idée en tête jusqu’à l’obsession : comment réussir à séduire les Millennials qu’elles envisagent comme l’ultime bouée de sauvetage pour ne pas périr dans les eaux du vieux monde ? Leur recette est à chaque fois la même : une louche de pop culture, une pincée de références arty, deux cuillerées de valeurs écologiques ou éthiques (selon disponibilité), quelques logos bien visibles, un peu de sirop de coolitude et voilà, il n’y a plus qu’à laisser cuire dans les réseaux sociaux quelques semaines. Si la recette semble facile, elle ne l’est pas autant que celle du gâteau au yaourt…

Que nous dit cette soudaine préoccupation ? Tout d’abord, que nous avons bien changé d’époque. En marketing comme en politique, il y a bien un monde d’avant et un monde actuel. Les Millennials, et sans doute la Gen Z et les Alpha (encore trop jeunes, encore que…) ne regardent pas le luxe comme leurs aînés. Il suffit de se balader vers la rue de Rivoli pour se rendre compte que ceux qui arborent fièrement les logos Gucci, Vuitton, Chanel et Kenzo ne vivent pas tous dans l’ouest parisien. Mieux encore, grâce à leur maîtrise extrême des codes, le vrai et le faux se mixent sur fond de marques sportives au point de brouiller toutes tentatives de décodage hâtif. Il semble loin le temps où des mots comme CSP +, BCBG ou Bobo suffisaient aux marques de luxe pour évoquer leurs cibles. Les codes ont changé. Le story-telling parfait qui permettait aux marques d’évoquer leurs origines et leur savoir-faire unique a laissé place à un autre type de story : celle de leurs acheteurs. Le luxe n’est plus (seulement) affaire d’origine, mais aussi, désormais, de destination.

Il y a peu, le groupe Richemont, troisième groupe mondial du luxe après LVMH et Kering, lançait Baume, une nouvelle marque d’horlogerie reprenant tous les codes appréciés par les « digital natives » : une distribution en ligne, pas de print, beaucoup de RP, un discours éthique et social avec des matériaux souvent recyclés, 2000 configurations possibles, un ton direct, un prix de vente démarrant à 490 euros et même un « hub culturel » à Venice Beach, le temps du lancement, histoire de faire connaître la marque et ses valeurs. Toutes les cases ont été consciencieusement cochées. N’est-ce pas justement un peu trop « scolaire » ? A moins que la principale vertu de ces lancements soit d’infuser une nouvelle culture au sein des « maisons » élevées dans les convenances marketing…

La vie d’étudiant

Pour aider les étudiants à manger sainement durant leur période d’examens, la chaîne de supermarchés Lidl a ouvert, à Gand, un restaurant pop-up accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, du 23 mai au 23 juin, période dite de Blocus en Belgique correspondant aux congés qui précèdent les sessions de contrôle des connaissances dans l’enseignement supérieur et universitaire. Baptisé « Straffe Kost » (Coût Raisonnable) et installé sur la Woodrow Wilsonplein, le lieu, doté de quarante places, offrait un repas simple et sain aux étudiants… ainsi qu’à tous ceux qui passaient par là… Deux euros pour un petit-déjeuner, six pour un repas complet…

Cette opération fait suite à une étude réalisée à la demande de Lidl sur les habitudes alimentaires des étudiants durant la période des examens, étude qui révélait que quatre étudiants sur dix trouvaient difficile de manger sain à ce moment parce qu’ils n’avaient pas le temps ou l’énergie de s’en préoccuper. Plus de la moitié d’entre eux déclarait vouloir mieux manger. Six répondants sur dix pensaient être plus productifs s’ils mangeaient sainement et près de la moitié estimait même que cela augmentait leurs chances de réussite aux examens.

S’adresser aux étudiants quand on est une chaîne de supermarchés, qui plus est « low-cost », n’est pas si fréquent. L’initiative mérite donc d’être soulignée pour sa pertinence. Elle pourrait même inspirer d’autres enseignes. Après tout, les étudiants ne sont-ils pas, d’abord, les consommateurs de demain ? Ne sont-ils pas, aussi, ceux qui portent les nouvelles valeurs, celles que veulent s’approprier toutes les marques ? Par leurs préoccupations des questions environnementales, du bien être animal, de la traçabilité ne leur offrent-ils pas ainsi l’opportunité d’afficher leur engagement et de communiquer leur empathie ?

Enfin, les étudiants ne sont-ils pas ceux qui, par leur parfaite maîtrise des réseaux sociaux, peuvent être à l’origine de buzz positifs ou négatifs ? C’est à se demander pourquoi les marques et les enseignes ne s’intéressent à eux qu’au mois de septembre ou lorsqu’elles veulent leur vendre des boissons pétillantes trop sucrées…

Sous le soleil de Capri

L’art du marketing, c’est l’art du ciblage. Si les promesses ne sont pas toujours convaincantes, trouver le bon ton (la bonne image, le bon message) est déterminant. Et le bon ton, c’est surtout une affaire de cible. Jusqu’à peu, il n’y en avait que pour les Millennials. Voilà que s’annonce maintenant le temps de la génération Z. Après le rose Gen Y, place au jaune Gen Z, ce qui en dit long sur l’importance prise par l’esthétique pour aborder une cible. Personne n’a jamais associé de couleur à la génération X et encore moins aux seniors, pour qui le silver avait davantage à voir avec un état capillaire qu’avec une manière d’envisager la vie…

La Gen Z est bien sûr formidable de créativité, elle twiste, détourne, réinvente, reboote tout ce qu’elle trouve. Elle porte taille haute quand ses aînés portaient taille basse. Aime par dessus tout jouer avec le mauvais goût et les signes de la pop-culture. Bref, la Gen Z séduit et fascine tous ceux qui pensent trouver en elle les codes de la porte du futur. Jusqu’à la prochaine génération… La Gen Alpha est déjà annoncée…

Question food, la gen Z est branchée tacos, et non plus kebab ou burgers, comme nous l’évoquions déjà ici. Voilà que depuis quelques semaines, on la découvre, aussi, addict au Capri Sun. Au Capri Sun ? Oui, ce sachet en aluminium contenant une boisson orangée que l’on boit à la paille (ses ventes ont augmenté de 25% en 2016 et la marque revendique un chiffe d’affaires de 75 millions en France pour le plus grand bonheur de son propriétaire, la maison Coca-Cola). So 90’s. Et parfaitement raccord avec un sweat Fila, une marque que tout le monde pensait morte, ressuscitée depuis, au grand étonnement de son propriétaire… Encore un coup de la Gen Z. Capri-Sun séduit car il est « coming from nowhere » et surtout de l’enfance. Comme le Roi Lion. La nostalgie courte est un atout pour séduire cette génération qui n’est pas près de devenir amnésique.

C’est aussi une gestuelle ou, à défaut, un geste à montrer sur les réseaux… Tant qu’à se différencier, autant que cela se voit… « Vas y plante la paille dans l’Capri-Sun » suggère le rappeur bien intentionné Boy Bandit sur fond de musique lascive un peu provoc’… Encore un bon point. Et puis à cinquante centimes le sachet, Capri-Sun est moins cher que n’importe quelle canette. Il contient aussi plus de sucre…

Fun actions

Notre époque est friande de mots concepts. Des mots qui expriment des intentions, une manière d’envisager la vie. Il ne suffit plus de vouloir faire quelque chose ou de privilégier telle ou telle valeur, encore faut-il que ce comportement soit encapsulé dans une tendance conçue pour, à la fois séduire,  fédérer un maximum de gens et se décliner en « univers produits ». Les préoccupations marchandes ne sont jamais très loin des aspirations généreuses du moment.

Cet hiver, il était ainsi devenu difficile d’échapper au Hygge, mot-concept aux contours flous importé du nord de l’Europe, décrivant une sorte de paresse autorisée, oscillant entre un penchant affirmé pour les peaux de bête, un désir de pantoufles comme signe de résistance et un goût immodéré pour les bougies parfumées et les éclairages tamisés. L’occasion pour nombre d’enseignes de proposer une table thématique à l’entrée de leurs magasins…

Cet été, on risque d’entendre parler de « plogging », encore un mot venu de là haut, néologisme issu de la contraction de plocka upp (« ramasser », en suédois) et de « jogging », bien de chez nous. Ce terme désigne une activité consistant à parcourir un lieu en petites foulées et en profiter pour le débarrasser de ses détritus. Il fallait y penser… Attention à ne pas partir sans ses gants en caoutchouc et à bien penser à plier les genoux pour ramasser afin de ne pas se blesser… Un corps sain dans un décor sain ou l’émergence d’un « running écolo » parfaitement dans l’air du temps, mix de fun et de responsabilité environnementale indispensable à toute action collective contemporaine. Une manière d’aborder un sujet par la face de la légèreté. S’impliquer sans militer de façon affirmée.

Faut-il lire là un des effets de la France d’aujourd’hui portée par un « en même temps » présidentiel ? A moins que cette envie de fun dans toutes les activités de la vie ne soit la conséquence de la légèreté relationnelle infusée par les réseaux sociaux à coups de LOL, d’émoticons et de second degré permanent…

Moments-circonstances

Né il y a quatre ans à New York (où ailleurs ?), le mouvement Day Breaker commence à faire son apparition chez nous (le temps de traverser l’Atlantique). Day Breaker ? Un concept comme l’époque les apprécie, qui consiste à se retrouver tôt le matin un vendredi (plus facile pour s’en remettre), afin de partager un moment autour de différentes activités.

De 6h à 7h, c’est plutôt « bien-être » et physique (yoga, aérobic, danse afro…) puis, de 7h à 9h, c’est la fête, ponctuée de performances entre acrobates, danseurs et fanfares. Ces événements ont lieu toutes les six semaines et s’adressent, évidemment aux 25-35 ans, curieux, créatifs, enthousiastes, très actifs et toujours en quête d’un peu de networking au passage. Une génération pour qui le « before work » est une manière de prendre le pouvoir sur leur journée, autant que de signifier leur différence (comprenez « pendant que les autres dorment, nous, on bouge…. »). Jus bios et petit-déjeuners énergétiques à volonté… Tout le contraire d’une soirée où chacun compte sur l’alcool pour faire l’agent de liaison…

L’initiative pourrait (à juste titre) étonner les plus de 40 ans. Elle n’en est pas moins parfaitement révélatrice de l’air du temps par sa combinaison de convivialité festive et de thématiques new-age, imaginées pour satisfaire un fort désir communautaire. N’y aurait-il pas, là, de quoi imaginer des pistes pour inventer la consommation de demain ? Une consommation envisagée comme une succession de moments-circonstances marquée par l’entre-soi. Une consommation comme une expérience à vivre et à partager. Une consommation émotionnelle et festive. Une manière de lui redonner de l’attractivité et une nouvelle raison d’être au moment où les nouvelles générations (et pas qu’elles) s’interrogent sur son sens.

Le brunch, les apéros, mais aussi le Black Friday sont déjà de parfaites illustrations de ces rendez-vous hybrides. Reste aux enseignes à imaginer comment elles pourraient utiliser leurs magasins et leurs datas clients pour concevoir des rendez-vous inédits… Et à quel moment de la journée…

Génération Tacos

Qui dit tacos, dit cactus, chapeaux mexicains et bières à étiquettes orangées. Une image à la fois exacte et réductrice quand on apprend qu’ils sont en train de devenir le plat emblématique de la génération Z. Merci les réseaux sociaux. Au centre commercial Les Sentiers de Claye-Souilly, à dix-sept kilomètres de Meaux, s’est récemment ouvert TacoShake, un restaurant de tacos imaginé par le rappeur Mokobé. 3000 personnes ont fait le déplacement le jour de l’inauguration. Place au french tacos, né à Vaulx-en-Velin, dans la banlieue lyonnaise, très présent dans le sud de la France, mais totalement ignoré du reste du pays et, en particulier, des Parisiens. Qui connaît la chaîne de restaurants Tacos Avenue qui comprend pourtant une quinzaine d’établissements ? O’Tacos semble avoir saisi l’engouement puisque ses enseignes sont, elles, entrées dans la capitale où l’on peut aussi goûter au double Tacos imaginé en série limitée par KFC…

Le principe du french tacos est simple : viande, sauce fromagère, frites, re-viande et re-sauce, le tout entouré d’une galette façon burritos carrée et passée au grill. Autant dire que la tendance du moment, « saine et gourmande », est restée sur le palier. Comment s’en étonner ? L’important à cet âge là est d’abord de remplir son corps. Notons au passage que le french tacos s’affiche halal, manière de n’exclure personne… A la génération X, Facebook et les burgers. Aux Millennials, Instagram et les kebabs. A la génération Z, les tacos et Snapchat.

Chaque génération d’ados veut son mode de communication et sa nourriture identitaire, manière pour elle de se construire et d’affirmer sa différence avec ses parents. Leur quête numéro une est l’entre-soi. Sans légumes et sans bonne conscience, mais à base de produits industriels connus et appréciés, qui jouent ici le rôle de marques/marqueurs générationnels. Boursin, La Vache qui Rit pour les « sauces fromagères » des tacos, Nutella pour les crêpes. Un peu comme Nike et Lacoste dans le monde de la mode…

Le succès rencontré par les tacos n’auraient, bien sûr, pas pu être le même sans les réseaux sociaux. Certains Youtubers en sont devenus les porte-paroles, des rappeurs se produisent dans ces enseignes ou mentionnent ce plat dans une de leurs chansons quand ils ne sont pas invités aux inaugurations… Pour les Z, musique, mode et alimentation sont devenus inséparables…

Consomm’auteur

Pour stimuler son attractivité auprès des consommateurs, La Halle, actuellement en plein redressement et fermeture de magasins, a récemment initié un événement participatif sur Facebook afin d’épauler ses équipes dans la conception de sa collection de l’automne 2018. Concrètement, les internautes étaient invités à détailler leurs préférences en termes de tendances et de design des modèles. Un dispositif pensé pour « créer de l’engagement, de la préférence de marque, puis générer du trafic en magasin et sur le site », précise la chaîne, qui, dans un premier temps a réservé cette consultation à ses seuls membres VIP avant de l’ouvrir à l’ensemble de ses clients présents sur Facebook, soit plus de 400.000 abonnés.

A partir de cinq patrons, postés chaque week-end, les clients vont s’exprimer sur leurs coupes, coloris, matières et imprimés favoris afin de donner vie aux pièces qu’ils ont envie de porter. Une sélection d’avis et d’idées sera effectuée et remontée aux stylistes maison, et chaque modèle retenu portera le nom d’un des membres de la communauté. La collection ainsi créée, appelée simplement « vous et nous », se composera de 15 pièces (vêtements et chaussures) et sera dévoilée en juillet prochain, en ligne et en magasins.

Depuis une dizaine d’années, les experts marketing ne cessent d’évoquer le consomm’expert, celui dont on recueille l’avis. Place, désormais, au consomm’auteur, nouvelle figure qui intervient au moment de la conception d’un produit. Cette évolution reflète parfaitement l’évolution de notre société et la place croissante prise aujourd’hui par les réseaux sociaux, à la fois vecteurs de créativité et d’avis. Elle dessine aussi, à chaque étape, un nouveau rôle pour les marques. Si elles demeurent plus que jamais au service de leurs clients, il ne leur suffit plus de se montrer à l’écoute ou empathique, elles doivent aussi se présenter comme des lieux d’inspiration et de conception. Il ne s’agit plus seulement pour elles de deviner les attentes de leurs clients pour mieux y répondre, mais de leur permettre de donner leur point de vue créatif pour, ensuite, le rendre concret.

La marque comme un laboratoire de création. On n’a pas fini d’explorer les multiples facettes de la relation marque-consommateurs.

Lieux de vie

On connaissait la propension actuelle des marques du web à vouloir ouvrir des lieux physiques pour, à la fois présenter leurs produits « en vrai » et rencontrer leurs acheteurs. Cette volonté touche aussi (étonnamment), les marques du monde réel. Celles que nous connaissons depuis toujours. A la différence des premières, elles ne cherchent pas un lieu de commercialisation (elles sont déjà largement présentes dans les grandes enseignes), mais un lieu de démonstrations et de rencontres.

Leur motivation n’est pas de vendre mais de nourrir leur relation avec leurs clients, preuve que celle-ci est devenue au moins aussi stratégique que l’offre elle-même. Elles ont commencé à s’affranchir des rayons en ouvrant un Pop-up store, un Bar, un Lab ou une Factory dans un lieu un peu trendy et sous une forme éphémère, puis ont décidé de franchir le pas en s’installant définitivement quelque part.

C’est le cas de Kellogg’s à New York qui, après une première expérience événementielle réussie à Time Square inaugurait il y a quelques mois son lieu d’expérience, de rencontres et de buzz à Union Square. C’est aussi le cas de Barilla qui, toujours dans la grosse pomme, dispose déjà de trois restaurants à son nom… L’objectif poursuivi par ces marques est à chaque fois le même : se présenter sous un jour nouveau, disposer d’assez d’espace et de temps pour scénariser les différentes facettes de leur offre. De quoi s’extraire des griffes de la grande distribution. Quoi de mieux que Union Square pour séduire une population jeune, urbaine et internationale ? Plus de vingt sortes de céréales, sept variétés de lait, des barres introuvables ailleurs y sont proposées. De quoi permettre à chacun de découvrir de nouvelles saveurs signées Kellogg’s. Plusieurs espaces cosy, du wifi, des tables de travail, des jeux sont là pour inciter à prolonger l’expérience. Tout comme des ateliers de cuisine pour s’initier à de nouveaux usages des céréales et apprendre des recettes. Le tout à grand renfort d’accessoires, de plateaux, de vaisselle et de réédition de packagings hautement instagrammables et destinés à asseoir la dimension transgénérationnelle de la marque. Entre nostalgie et régression.

Hier, les marques vendaient du savoir-faire, les voilà aujourd’hui amenées à devoir prouver leur capacité à produire de l’être-ensemble.

Le beau manger

L’air du temps est décidément aux OMNI, ces Objets Marketing Non Identifiés qui ne cessent de faire leur apparition sur les marchés pour mieux étonner, faire tourner les têtes et, finalement, créer du buzz un peu partout. Ici, c’est la marque de cosmétiques M.A.C qui s’est récemment rapprochée de Puma pour proposer un trio de sneakers aux couleurs de trois de ses teintes. Là, c’est, sur les Champs-Elysées, Pierre Hermé et L’Occitane qui, depuis décembre dernier, font magasin commun pour célébrer la rencontre des macarons et de la beauté. Aujourd’hui, c’est la maison Clarins qui a imaginé un « food truck healthy » éphémère en collaboration avec le médiatique chef pâtissier Michalak.

Un food-truck qui s’est baladé durant quelques semaines entre Neuilly et le 17ème arrondissement avec, à son bord, un menu à 14 euros comprenant un superbowl vegan, une boisson inspirée par Clarins et un dessert à consonance créative imaginé par la star du petit écran toujours prêt à bousculer les codes (Kosmik coco-mangue…). Tous les ingrédients superfood furent mobilisés pour l’occasion : quinoa, riz, avocat, grenade… Combiner nourriture gourmande et heathy pour bénéficier d’une belle peau, qui pourrait résister ?

Soudain, le souvenir d’Essensis, le yaourt cosméto imaginé par Danone en 2007 resurgit de nos mémoires… Il y a un temps pour chaque idée. Inutile d’arriver en avance. Aujourd’hui, les jus pressés à froid sont passés par là, beauté et alimentation partagent des intérêts communs (vegan, bio, detox…) et l’idée d’une interaction entre alimentation et peau est prouvée scientifiquement ou, du moins, largement répandue dans les médias. Elle plaît à tous les citadins pour qui bien-être et anti-âge sont devenus les nouvelles obsessions. Elle vient aussi confirmer que l’ensemble de notre société est désormais régi par la nourriture. Hier, les intellectuels soulignaient la prégnance du système de la mode, c’est celle de l’assiette qui lui succède.

On a vu la nourriture changer de statut lorsqu’elle est devenue fooding et donc, à ce titre, style de vie comme le design ou la mode. Elle aborde aujourd’hui le continent de la beauté. Avoir une belle peau, se sentir mieux, plus lumineux en mangeant : une manière de renouveler la tant recherchée « expérience beauté » qui, un peu coincée entre les massages et le maquillage, avaient bien besoin de nouvelles promesses pour renouveler sa désirabilité… Le Beau manger serait-il appelé à se substituer au Bien manger ?