Une main tendue

A Hambourg, H&M a récemment inauguré son dernier concept de magasin, baptisé Take Care, qui doit lui permettre d’affirmer sa conscience verte et de mettre en œuvre son ambition de n’utiliser que des matériaux recyclés ou durables d’ici 2030. Pour y parvenir, l’enseigne suédoise a décidé de solliciter ses acheteurs… Pourquoi serait-elle la seule à faire un effort ? Là réside la première originalité du concept.

La seconde vient de la nature de son offre. Ici, pas d’énième ligne de vêtements habilement ciblée par attentes ou catégories d’âge. Take Care ne propose que des produits d’entretien, des ateliers (animés par des influenceurs…) et des conseils en ligne pour inciter ses clients à prolonger la vie de leurs articles de mode en leur donnant des clés pour mieux les protéger. H&M développe ici sa première ligne de détergents incluant des lessives spécifiques (labellisées « Good Environmental Choice» et fabriquées en Suède), un spray détachant et des lingettes pour sneakers. Elle propose également des nécessaires de couture, des patchs à appliquer sur les vêtements usés et même un sac de lavage censé empêcher la fuite dans l’eau de microscopiques particules de plastique émanant des vêtements synthétiques. Il est également possible de faire réparer sur place ses vêtements par des professionnels, quelle qu’en soit la marque. Une manière d’attirer de nouvelles populations… Enfin, une application spécifique délivre des vidéos ludiques présentant des astuces pour effacer une trace de rouge à lèvres ou bien recoudre un bouton.

Ce projet, qui n’est pour le moment qu’en phase de test, a pour vocation d’être déployé dans l’ensemble du réseau de l’enseigne… il est aussi, pour ceux qui savent le regarder, sans doute annonciateur d’un des futurs du commerce. Après le commerce qui vend des produits, puis celui qui propose des services pour mieux profiter des produits vendus, voilà venir le temps des enseignes qui incitent leurs clients à limiter la fréquence de leurs achats en prolongeant la vie de ce qu’ils possèdent déjà. Pourquoi les enseignes textile ne multiplieraient-elles pas, elles aussi, les ateliers en magasin comme le font déjà les enseignes de bricolage ?

Sous les pavés, la nature

Quoi de neuf ? Les fleuristes. Il fallait bien que cela arrive. Les boulangers, les pâtissiers, les bouchers, les droguistes, les marchands de fruits et légumes se sont bien tous réinventés, les uns après les autres. Voilà le fleuriste devenu à son tour un peu arty, un peu créateur, un peu conceptuel. Assez pour paraître branché. Assez pour séduire tous les trentenaires créatifs en quête d’activités « qui ont du sens ». Voici les nouveaux « artisans-artistes ». Fleurs exotiques, fleurs rares, fleurs oubliées et même fleurs séchées constituent leur palette.

Comme tout acteur de son temps, le fleuriste d’aujourd’hui est aussi un peu slasheur. A côté de ses fleurs, on peut trouver des cafés sourcés ou des boissons infusées, de la déco responsable ou de l’alimentation éthique. Et les bouquets sont, bien sûr, livrés en vélo… Comme autant de signes émis de contemporanéité cool et responsable. Les noms des échoppes ont bien sûr été l’objet d’intenses séances de brainstorming : Racine, Marguerite, Bergamotte, Odorantes, Peonies, Moor, Castor, Nue, Portefoin, Désirée… L’important est de donner à ses clients le sentiment de pénétrer, non pas dans un magasin, mais dans un univers poétique et décalé.

Car les fleuristes d’aujourd’hui n’ont pas suivi les mêmes formations que leurs aînés et ne maîtrisent pas, comme eux, l’art du bouquet. Au contraire. Leur ambition est même de le désacraliser pour le rapprocher de la vie quotidienne et le sortir des seuls rendez-vous de la Toussaint, la Saint Valentin et la fête des mères. On ne parle d’ailleurs plus de bouquets, mais d’arrangements. Quant aux sites les plus pointus, ils évoquent, eux, des « bouquets de rien », faits de trois tiges et d’une feuille rigoureusement choisies. Disposer plusieurs mini-bouteilles (quand ce ne sont pas des tubes à essais…) contenant chacune une fleur est rapidement devenu un cliché du moment sur les réseaux.

Les fleurs viennent ainsi à leur tour nous parler de nous. De notre envie de nous reconnecter à une nature vivante, d’arranger le monde à notre convenance, d’exprimer notre différence de manière créative. Voilà les poètes de retour. Sous les pavés, la nature. Les marques ne s’y sont pas trompées : après Princesse Tam-Tam et le fleuriste Bergamotte, Armor Lux vient d’imaginer une collection capsule avec la chaîne de jardineries Truffaut…

Pop Culture

L’année dernière s’ouvrait, à Los Angeles, le musée de la crème glacée (plus de deux millions de visiteurs à ce jour…). Le 7 avril dernier, on inaugurait à New-York le musée de l’œuf. Et demain ? Un musée de la pizza ? Du bonbon ? Du milkshake ?

En France, tout le monde a entendu parler, au moins une fois, d’un musée du chocolat. Notre pays en compte plusieurs et leur intention est à chaque fois la même : faire découvrir ses origines, sa transformation, les savoir-faire qui lui sont associés, ses « secrets »… Un objectif pédagogique qui correspond bien à la relation que nous entretenons avec notre assiette, souvent envisagée comme un objet culturel. Nous avons même, nous aussi, notre musée de l’oeuf. Situé dans la Drôme, à Soyans, il propose aux petits et aux grands de découvrir les œufs sous toutes leurs coutures, de l’œuf d’autruche à celui de dinosaure en passant, bien sûr, par celui de la poule, décoré ou à la coque. L’intention est louable, mais on peut craindre qu’elle peine à séduire la génération des Millennials. Et sans doute encore davantage celle des Z… Dans ce domaine comme dans d’autres, voilà le fossé générationnel qui s’installe.

Les musées de la crème glacée ou de l’œuf made in America n’ont, eux, jamais eu l’intention de transmettre une connaissance quelconque à leurs visiteurs. Leur seul objectif est le fun : interactivité à gogo, jeux avec les échelles de taille pour mieux surprendre. Et aussi, bien sûr, dégustation à tous les étages et magasin des tentations avant de sortir. L’important est ici de donner à vivre une expérience, de créer du souvenir, d’alimenter les réseaux sociaux. D’ou le caractère fortement instagrammable de ces lieux. Prendre la pose à côté d’un esquimau géant, marcher sur des oursons en gélatine, plonger dans une piscine à boules en forme d’œufs. Waouh ! Voir, c’est bien. Se faire voir, c’est encore mieux… Et peu importe si aucun « secret » d’œufs ou de glace n’est mis à jour… Car ce n’est pas toujours le désir d’apprendre qui anime les consommateurs, mais aussi, parfois, celui de voir ce qui est familier sous un jour nouveau, sans aucun autre alibi que le fun. Une nouvelle facette de leur désir de réenchantement de leur quotidien.

Et dire que pendant ce temps, les marques s’évertuent, à coups de story-tellings et de brand content, à chercher des anecdotes ou des exploits pour tenter d’attirer l’attention sur leurs produits autrement que par les prix ou l’innovation…

Koh-Lanta marketing

De façon assez confidentielle, s’est tenu à Paris, les 23 et 25 mars derniers, le Salon du survivalisme. Du survivalisme ? La guerre n’est pourtant pas (encore) déclarée… A en croire ses organisateurs, il ne s’agirait pas tant de faire face à une catastrophe atomique ou à une pandémie quelconque que d’apprendre à vivre en respectant l’environnement. Autonomie et développement durable en était le sous-titre. Pourquoi pas. Parmi les ateliers proposés, on pouvait noter « Combat et survie en montagne » ou encore « Place de l’individu dans un groupe en situation dégradée », entre diverses propositions de stages de survie. Normal. Et dans les allées, coffres forts à taille humaine et gilets pare-balles rivalisaient avec les fabricants de couteaux les plus improbables.

Il en va de notre rapport à la nature comme de notre consommation et, de façon plus générale, de toutes les représentations qui habitent aujourd’hui nos têtes : les deux extrêmes y sont représentés. Les épiceries fines jouxtent les enseignes low-cost, l’industriel et le naturel convolent en justes noces, la féminité affirmée des blogueuses beauté rencontre les revendications « agender », et l’homme « trumpien » côtoie son cadet façon Eddy de Preto. Ainsi va notre société. Pourquoi la nature y échapperait-elle ?

D’un côté, la nature bienveillante, mi-pollen, mi-gentilles abeilles, entre pots de lait et paysans de proximité. De l’autre, la nature rebelle (à force de recevoir trop de coups ?) qui veut nous régler notre compte et nous contraint à nous placer dans une posture de survie… Une facette de la nature encore sous-représentée, sa face noire, mais non moins prometteuse… Ne pourrait-elle pas pourtant nous conduire vers de nouvelles formes de consommation, associées à moins de gâchis et à plus de responsabilité ? Des appareils pour conserver les produits frais plus longtemps, des filtres à eaux, des éoliennes à construire soi-même et même des pierre à feu, comme autant de nouvelles propositions pour notre quotidien. Aquaponie, permaculture, fermes urbaines autonomes, nourriture lyophilisée sont déjà des réalités. Les gestes de premiers secours nous sont plus familiers qu’hier. L’esprit survivalisme est déjà là sans que nous n’en soyons conscients..

Et si nous regardions notre quotidien en nous disant que tout ce qui nous entoure pouvait disparaître ou se réduire ? Place au Koh-Lanta marketing…

Changement de cap

L’enseigne s’était fait connaitre avec ses piscines remplies de balles en plastique dans lesquelles les enfants pouvaient plonger, pendant que leurs parents parcouraient un labyrinthe qui les conduisait de pièces en pièces, toutes conçues pour susciter le rêve et la projection. Et quand toute la famille se retrouvait pour déjeuner, chacun se réjouissait à l’idée de partager un plat de boulettes. Mais, ça, c’était avant. Car Ikea a récemment décidé d’entrer dans les villes sous un format plus ramassé : finis les labyrinthes et les boulettes, difficiles à faire tenir dans 9.000 mètres carrés au lieu des 25.000 habituels. Voilà qui devrait venir renouveler les sorties en familles. Dans ce nouveau format, presque rien de ce qui sera présenté ne pourra s’emporter, mais tout pourra se commander depuis les nombreux écrans mis à disposition. Il sera même possible de demander de l’aide pour le montage, grâce un partenariat imaginé avec un site spécialisé… Il y a environ un an, on apprenait que l’enseigne textile masculine Abercrombie et Fitch avait, elle, décidé de remiser ses Ken aux torses musclés, son obscurité, sa musique et son parfum entêtant pour proposer un nouvel univers commercial, plus lumineux, plus cool, plus naturel et presque new-age.

Alors que les voix des gardiens du temple marketing ne cessent de rappeler combien il est important pour une marque de respecter et de décliner son ADN, les changements de cap de ces enseignes ont de quoi surprendre. Ne sont-elles pas en train de piétiner ce qui a fait leur succès ? Non, répondront les esprits les plus fins. Car aujourd’hui, l’important est de surprendre le consommateur. L’étonnement comme nouveau carburant du marketing. Non, car aujourd’hui, une marque doit faire la preuve de son empathie et de son aptitude à saisir les nouvelles attentes et les lassitudes des consommateurs. Ont-ils encore envie de prendre leur voiture pour passer une après-midi dans un supermarché, aussi ludique soit-il ? L’apologie des corps parfaits est-elle encore attractive dans une société qui prône la diversité ?

La force d’une marque réside désormais dans sa capacité à apparaître sous des facettes différentes et sans cesse renouvelées. Comme si elles devaient, chaque fois, se réinitialiser pour partir à la conquête de nouvelles cibles.

La France entre deux pains

La nouvelle n’a pas eu le retentissement qu’elle méritait. On apprenait, il y a peu, que pour la première fois, les ventes de burgers avaient supplantées celles de jambon-beurre (après avoir été longtemps au coude à coude) avec plus de 1,4 milliard d’unités vendues. Qui l’eu crût ? Le burger serait ainsi, désormais, sur la carte de 85% des restaurants… Ceci pourrait expliquer cela, car on n’a pas encore vu de jambon-beurre servi à table. Une idée à creuser pour tous les « néo-topchefs » en quête de buzz…

Le jambon-beurre et le burger, ce sont d’abord deux symboles, deux réponses à notre envie de manger vite et la confirmation que les Français n’ont pas renoncé aux calories. Le salad bowl n’est pas près de figurer en tête des plats préférés de nos concitoyens… C’est aussi un résumé de la France et de son évolution. Les deux propositions ont en effet tout de comparable dans leur identité (deux morceaux de pain garnis d’une viande, accompagnée d’une matière grasse pour lier) et dans leur intention (permettre la mobilité), mais chacune reflète à sa manière son époque.

Hier, de la baguette blanche, aujourd’hui, un pain spécial agrémenté de graines : sans doute à peine meilleur pour la santé, mais doté d’un alibi « healthy » et d’une esthétique recherchée. Hier, une tranche de jambon blanc frottée à un morceau de beurre, aujourd’hui, un steak haché accompagné d’une sauce personnalisée, parfois made in terroir : le signe du retour du local et d’un désir d’exprimer ses goûts à travers plus de choix. Anobli par les origines de ses ingrédients et l’étendue des combinaisons possibles, il n’est pas surprenant que le burger ait réussi son passage à table où il vient succéder au non moins symbolique steak-frites. La preuve qu’il fait bien désormais partie de notre culture.

La preuve, aussi, que son succès n’est pas, comme pourraient le penser quelques grincheux, à lire comme le signe du triomphe de l’hégémonie américaine, mais, à l’inverse, comme celui de notre capacité à nous réapproprier des recettes venues d’ailleurs. Le burger made in France n’a rien à voir avec son cousin d’Amérique. Il s’est sophistiqué, civilisé, urbanisé et vient confirmer la richesse de notre culture culinaire. A quoi pourrait ressembler un jambon-beurre réinventé par les Américains ?

Cool Box

Avant, un hôtel c’était une adresse bien placée, une façade classée, des chambres avec vue et un petit déjeuner gargantuesque. Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, tout a changé. Plus personne ne souhaite rester dans sa chambre et encore moins prendre son petit-déjeuner à heures fixes, voire s’en mettre plein la panse. Bio, détox, éthique, végan sont passés par là. Tout se passe désormais dans le lobby qui, après avoir été confondu avec l’entrée pendant de nombreuses années, accède aujourd’hui au statut de lieu le plus désirable de l’hôtel. The place to be.

Un peu comme si le plus important était désormais de se montrer, de participer, de rencontrer, d’échanger plutôt que de rester dans son lit devant la télévision… Mieux encore : il n’est plus nécessaire de « prendre » une chambre pour y avoir accès. Le lobby est ainsi un peu devenu la zone grise de l’hôtel, ni totalement publique, ni totalement privée. Et encore moins un lieu où l’on check-in et check-out, puisque tout se passe désormais en ligne et que le room-service s’effectue via une tablette. Un entre-deux synonyme de changement, finalement très dans l’air du temps…

Voilà donc les lobbies porteurs d’un nouveau fantasme urbain où pourraient se rencontrer dans un même lieu, le touriste avide de souvenirs « extraordinaires » destinés à être immédiatement relayés sur les réseaux, le start-upeur venant travailler « à la cool » et le voisin qui s’y rendrait pour un mini-concert, et trouverait là l’opportunité de ré-enchanter son quotidien dans un quartier qui n’a plus rien à lui donner pour l’étonner.

A en croire les historiens, le lobby renouerait ainsi avec la tradition puisqu’il a longtemps été, jusqu’à la Belle Epoque, le lieu de rendez-vous de la haute société avec ses boutiques et ses tables d’hôtes. Sauf qu’aujourd’hui, il y flotte plutôt un esprit décontracté, cool et modeux où DJ, start-upeurs et co-workeurs aiment se retrouver autour du baby-foot ou du bar. La preuve que la hype est devenue l’ultime quête de la bourgeoisie urbaine.

Expérience de consommation

S’il y a bien un mot qui compte triple au Scrabble Marketing du moment, c’est « Expérience ». Dix lettres. Tout ce qui était, pendant plus de cinquante ans, envisagé comme un « acte d’achat » est désormais regardé comme une « expérience d’achat ». Derrière ce mot, que chaque marque tente de s’approprier (tout comme Maison ou Factory…), il faut tout d’abord entendre la volonté de sortir du strict champ de la consommation, trop trivial car réduit à la seule idée de transaction, pour accéder à celui du plaisir et du souvenir, associés à l’expérience. C’est aussi le signe d’un désir des marques d’emmener les consommateurs « ailleurs », comme si, aujourd’hui, plus personne ne pouvait (ne devait) rester sur place. Un ailleurs émotionnel permettant d’oublier son quotidien le temps d’un instant. Rester sur place (dans ses habitudes de consommation, dans son offre produit, sur son territoire de communication), c’est prendre le risque de se voir dépasser par les autres, d’engendrer de la lassitude, voire de l’indifférence ou de l’ennui.

Du 5 au 11 mars dernier avait ainsi lieu, à Paris, la première Experience Week. Après la Fashion Week, la design Week et la Cocktail Week, ce nouveau concept, mêlant entertainment et commerce, promettait, durant une semaine, de découvrir seul ou en groupe, des divertissements de toutes natures dans des lieux originaux et surprenants, tous synonymes d’expérience. L’évasion au coin de la rue. S’offrait ainsi l’opportunité de fréquenter un karaoké nouvelle génération (sans restaurant asiatique), de fabriquer sa propre bière (avec des hipsters à bonnets), de déguster des chocolats les yeux fermés (du jamais vu), d’expérimenter un simulateur de vol (une Flight Experience) ou encore de participer à une chasse au trésor en réalité augmentée dans les rues de la capitale. Le tout grâce à un Pass permettant d’aller d’une activité à l’autre de manière fluide et à un tarif négocié. Un Paris éloigné des guides touristiques…

L’idée mérite attention car elle incarne bien la place prise par l’expérience dans notre manière d’éprouver le monde. Mais aussi parce qu’elle pourrait pertinemment inspirer le commerce : et si des enseignes appartenant à un même quartier se regroupaient pour proposer un circuit construit autour d’un thème, rythmé par des promotions et des animations ? Entre parcours guidé et chasse aux bonnes affaires, la promesse de découvrir simultanément un quartier et des offres d’enseignes. Encore une nouvelle expérience.

Résurrection lifestyle

Dans la catégorie Résurrection, après la Mini, puis la Fiat 500, voici à présent l’Alpine A110, preuve que la voiture est aussi un véhicule d’émotions et de souvenirs. La France est de retour comme disent les médias. Pas à l’identique, bien sûr, car il ne s’agit pas de reproduire le passé, mais de s’en inspirer pour réenchanter le présent. Seuls les plus pessimistes peuvent lire le penchant actuel des consommateurs pour le rétro (le Nokia 3310, le Polaroid, le K-way) comme le symptôme d’une peur de l’avenir. Bien au contraire. Le passé est ici entièrement mis au service du présent pour le rendre plus fort et ainsi, permettre à chacun de mieux affronter le futur. L’Alpine l’illustre bien : elle vient redonner de la sportivité à Renault, re-vamper son image, ce qui finira par profiter à l’ensemble de ses modèles. Et encore plus aux modèles de demain.

Sa stratégie de lancement mérite également l’intérêt. Hier, la nouveauté était présentée au Salon de l’Automobile, distillée dans la presse, événementialisée à coups de photos floues et de faux scoops. Aujourd’hui, c’est internet qui est en charge de créer l’envie. Pour faire revivre son célèbre coupé bleu, Renault s’est ainsi d’abord adressée aux aficionados de la marque via une newsletter, qui les a tenus régulièrement informés de l’évolution du projet et leur a permis de précommander leur véhicule, de le customiser ou encore d’acheter des produits dérivés. Les 1955 (date de la création du véhicule) exemplaires du modèle Première Edition ont ainsi été vendus en cinq jours dans le monde. Rien d’étonnant. Pour acquérir un modèle, l’acheteur doit désormais passer par un site dédié, puis se rendre dans une concession pour acheter, soit le modèle Pure, le plus proche de l’ADN de la marque, soit le modèle Légende plus sophistiqué (notons au passage la finesse du choix des mots). Le virtuel au service du réel. Le multi-canal en action. Malin.

Bien avisée, Renault a également tenu compte du goût affiché actuellement par les marques de mode pour l’univers mécanique (Tommy Hilfiger s’inspire de la Formule 1 et Forever 21 vient de signer un partenariat avec Honda), en lançant une ligne de vêtements signée Alpine. La voiture style de vie, c’est aussi la voiture qui sait se décliner dans des univers loin de ses origines.

Patience et humilité

Début février se tenait à Paris le Salon de l’apprentissage. Gros succès. Parmi les métiers qui séduisent le plus en ce moment : la pâtisserie et la maroquinerie. Comment être surpris ? L’attirance pour le premier doit beaucoup à la télé-culinarité et à ses chefs beaux gosses. Celle pour le second vient plutôt refléter une envie d’intervenir dans le champ de la mode, sans pour autant devoir en maîtriser tous les difficiles savoirs. Réaliser des accessoires semble à la fois plus accessible, plus amusant et plus rapidement valorisant.

On peut aussi lire dans la presse que la céramique, longtemps considérée comme une activité gentiment baba-ringarde, rencontre aujourd’hui les faveurs des people et de nombreuses femmes (les hommes y sont encore rares…), qui trouvent là plus qu’un moyen de s’exprimer : un contact avec le réel. Le nouveau Graal et le signe d’un des malaises de notre époque… Presque une thérapie. Sur Instagram, le hashtag #ceramique fédérerait ainsi plus de 4 millions de photos. Réaliser des tasses et des plats pour se réaliser, qui l’eût cru ?

Le point commun de tous ces nouveaux centres d’intérêt est d’être envisagés comme des activités susceptibles d’assurer un revenu (fût-il complémentaire) autant qu’un épanouissement personnel. Une compensation symbolique, un nécessaire rééquilibrage face au développement des réseaux sociaux, de leurs relations virtuelles et de leurs fake news. Faire quelque chose de ses mains, c’est aussi retrouver le plaisir oublié de la transformation. C’est se réapproprier un morceau du monde face à l’uniformisation rampante. Une ode à la différence où chaque réalisation porte son propre caractère. Et une manière de répondre à la question obsédante de la traçabilité. C’est enfin éprouver un nouveau rapport au temps. Le temps de l’apprentissage et de la patience pour progresser. Le temps de séchage et de cuisson pour obtenir le résultat escompté. Le temps de l’histoire, aussi, qui donne le sentiment de renouer avec la tradition, les gestes et les savoir-faire d’hier.

Quant aux plus portés sur les explications psychologisantes, ils ne pourront s’empêcher de lire le succès de ces pratiques comme l’expression d’un désir de vérité : impossible en effet, ici, de tricher, de faire « comme si » tout était bien car la moindre erreur, le mauvais dosage ou le manque de précision finiront toujours par se voir. Patience et humilité sont de retour.