Le culte de l’icône

Et pourquoi pas une rentrée futile ? Après tout, le monde est assez grave comme ça… et les Pokemons n’ont pas le monopole de la tendance conso. Cette année, ça va bouger grave dans le monde des sacs. Pas dans celui des it-bags, déjà un peu oubliés. Mais dans celui des sacs d’emballage. Les temps changent. Car Ikea a osé toucher à son iconique sac en plastique bleu. Celui qui sert à aller au lavomatic, à déménager, à partir en week-end ou en pique-nique. Ou encore de bâche pour le barbecue. A chacun d’inventer la vie qui va avec. Un sac qui totalise à lui seul plus de vies que tous les Dieux réunis.

Frakta (c’est son nom que presque tout le monde ignore) fut, à l’origine, imaginé pour accueillir tous les produits pas chers et attractifs disposés le long de la dernière ligne droite avant l’arrivée en caisse. C’est Hay, la marque danoise de design trendy qui, à l’occasion d’une collaboration éphémère avec Ikea, s’est collée à la lourde tâche de le repenser . Résultat ? Adieu le bleu électrique. Place à un vert sapin finement strié de blanc et même dénué de l’habituel logo jaune de la marque, disponible dès 2017 en édition limitée. Collector en vue. Le propre du produit iconique est de pouvoir être réinterprété au fil du temps par des créateurs de différents horizons sans pour autant perdre de son attractivité. Frakta le prouve.

Frakta constitue aussi, pour ceux qui savent le voir, une véritable petite leçon de marketing. Il est d’abord l’illustration d’une manière de faire vivre sa marque sans faire référence à un seul des produits de son offre. Il vient aussi prouver que ce qui peut sembler marginal, un sac de transport, peut devenir central et même être porteur de ses valeurs (au point de ne plus rendre obligatoire la présence de logo) : pas cher, malin, pratique, respectueux de l’environnement. Les produits iconiques ne sont ni toujours glamour, ni toujours griffés, ni toujours là où on les imagine…

A l’autre bout du mapping, Vuitton a récemment présenté ses nouveaux sacs d’emballage et ses nouveaux packagings. Fini le marron chocolat, place au « safran impérial » inspiré des archives de la Maison et évoquant le cuir naturel. Tout aussi iconique que le sac Ikea, celui de Vuitton est resté, lui, dans son territoire fonctionnel d’origine. A peine est-il présenté comme pliable, signe d’un engagement de la marque en faveur du développement durable.

On ne peut, soudain, s’empêcher d’imaginer ce à quoi aurait ressemblé un sac Vuitton inspiré par celui d’Ikea…

Rue de la graine

Il y a environ un an, le tout Paris branché Fooding salivait à l’idée du projet dit de « La jeune rue » qui consistait à investir une rue entière de la capitale pour y installer des commerces de bouche pointus, chacun dans un cadre pensé par un designer tout aussi pointu. Un fantasme de bobos urbains qui a depuis fait un flop aussi retentissant que le fut son effet d’annonce. La Jeune rue ne grandira jamais, mais marqua sans doute les esprits par la possibilité qu’elle laissait entrevoir de « conceptualiser » un quartier. Après les concept stores, pourquoi pas les « concept streets », des rues positionnées comme des produits avec une promesse d’offres, une cible prioritaire bien précise, un bénéfice psychologique et un univers esthétique affirmé ?

L’idée a germé puisque l’on pouvait récemment lire dans la presse que Paris disposait désormais de sa « Veggietown », « un village vert » dans la ville, ainsi baptisé par l’Association Végétarienne de France et incarné par le regroupement de trois rues du Xème arrondissement où s’accumulent les restaurants végétariens. Un quartier où les écolos seraient par ailleurs sur-représentés si l’on en croit l’analyse des urnes. Après les « rues de la soif » très présentes dans les villes bretonnes, voici donc « les rues de la graine », leur déclinaison bobo-hipster responsable pour la santé et pour l’environnement. Deux visions du monde.

Si l’approche de Veggietown est sans aucun doute plus pragmatique et moins radicale que celle de la Jeune rue, le principe reste le même : attirer l’attention sur un lieu particulier envisagé comme une « mini-république » animée par une communauté de convertis mue par une énergie et une idéologie qui lui donnent le sentiment de participer à l’élaboration d’un nouvel art de vivre. Conséquence ? Une nouvelle géographie de la ville se dessine, marquée non plus par des quartiers de «métiers»  (l’ébénisterie à La Bastille, le textile dans le Sentier, le cristal et la fourrure dans le Xème arrondissement…) ou par des styles de vie (les conservateurs à l’ouest, les bobos dans le centre, les intellos à l’est), mais par une typologie de commerces attractifs où l’état d’esprit, l’esthétique et le militantisme affichés ont autant d’importance que l’offre elle-même.

Les quartiers de Paris redéfinis par le beau et le bon : l’esthétisation progressive du monde est bien à l’œuvre.

Sites de sites

La semaine dernière, Made.com la marque d’ameublement 100% en ligne annonçait l’ouverture de son premier show-room parisien (après Londres, Milan et Amsterdam) : 840 mètres carrés à deux pas de la Place des Victoires. Un lieu ultra connecté avec un parcours intuitif entre produits réels et virtuels, où il est aussi possible de découvrir le mobilier et les accessoires en situation dans les intérieurs des clients du site.

Il y a presque un an, la e-boutique de prêt-à-porter Sézane ouvrait, elle, son « Appartement » entre Tuileries et Opéra, pour donner à ses acheteuses le sentiment de se rendre chez une de leurs amies. Les vêtements y côtoient quelques meubles et objets « lifestyle ».

Quant au site My Little Paris, le 16 juin dernier, il a carrément ouvert sa « maison de vacances » dans le nord de la capitale, soit 1000 mètres carrés d’une maison privée et de son jardin où furent proposées, pendant deux semaines, diverses activités « estivales » gratuites comme des séances de méditation ou de sport dans le jardin ou encore des cours de dessins auxquels il suffisait de s’être inscrit pour participer. Le tout avec la complicité bienveillante de nombreuses marques…

Cette soudaine irruption du virtuel dans le réel n’a rien de surprenant. Elle est d’abord l’opportunité pour les sites qui décident de mettre un pied dans le « mortar » de s’incarner en marques. Une marque n’est pas une construction mentale. C’est d’abord un contact physique. Elle est aussi la confirmation d’un nouvel imaginaire associé aux marques : devenir des lieux de vie. Des lieux d’échanges, des lieux qui donnent accès à la vie des autres ou encore des lieux où l’on peut passer un moment.

Le commerce ne consiste pas simplement à provoquer la rencontre entre une offre et une demande, mais à créer des liens et à savoir les entretenir. En venant se confronter au réel, les sites de e-commerce nous rappellent ainsi quelques règles de base. De l’intérêt de ne jamais opposer le virtuel au réel, mais de regarder l’un comme une source d’inspiration pour l’autre.

Atout prix

Les soldes viennent de commencer. Comme chaque année, les commentaires vont bon train. Les Français ne se ruent plus sur les bonnes affaires (seraient-ils devenus plus matures ? plus « experts » ?). Ils shoppent sur le net et considèrent les boutiques comme des showrooms. Les soldes sont partout et tout le temps, donc devenus moins attractifs. Le sujet a un goût de marronnier comme le prix de l’immobilier ou le classement des villes « où il fait bon vivre ». Le plus intéressant ne serait-il pas, plutôt, d’observer comment les marques  et les enseignes abordent cette période cruciale pour leur chiffre d’affaires ?

Si certaines n’hésitent pas à « écraser » les prix en annonçant des -70% un peu inquiétants si l’on se questionne sur la valeur des choses, d’autres ont choisi de faire de cette période l’opportunité de « réinventer » leur relation avec leurs clients. C’est le cas de Maison Standards, site de prêt- à-porter « d’essentiels » dont le concept repose sur la transparence des prix. Ou, du moins, sur une pédagogie des prix.

Si le site propose des prix « rayés » comme il se doit à ce moment de l’année, c’est au consommateur de choisir le montant de la réduction dont il souhaite profiter. Et en toute connaissance de cause. Le prix soldé proposé le plus bas (moins 40%) est annoncé comme ne permettant à la marque que de « couvrir ses frais de production ». Un autre, un peu supérieur, couvre, lui, « les frais de production et une partie des salaires ». Enfin, le prix le plus élevé (qui correspond à une remise de 25%) est déterminé pour « permettre de soutenir le développement de l’entreprise ». Les soldes ne durent ici que six jours, ne concernent qu’une partie de l’offre et portent le doux nom de « prix d’ami ».

L’idée est aussi originale que pertinente. Car elle ne s’adresse pas seulement aux consommateurs chasseurs de primes, mais aussi à ceux qui sont dotés d’une conscience… ce qui ne les empêche pas de vouloir faire de bonnes affaires. Un prix attractif peut constituer un déclencheur d’envies. Mais un prix trop bas a pour effet de faire oublier qu’une marque est aussi une réalité économique.

Il fallait déjà compter sur ceux qui privilégient le local, ses emplois et ses « petits producteurs ». Pourquoi pas, demain, aussi, sur ceux qui voient l’entreprise derrière les marques et le futur derrière le présent ?

Pâtisserie sélective

C’est une anecdote dans le paysage « foodo-bobo », une goutte d’eau dans l’histoire du commerce, un nano-fait au regard de ce qui se passe dans le monde. A Paris, vient de s’ouvrir une pâtisserie minuscule, rue Montorgueil, qui ne propose que les « desserts signatures » de chefs pâtissiers, tels Christophe Adam ou Philippe Conticini, vendus au prix unique de 5,90 euros. Tous n’ont pas un nom comme l’Ispahan de Pierre Hermé, mais tous affichent une forme et une recette facilement identifiable et activatrice de désir.

L’idée est tellement simple et évidente que l’on se demande pourquoi elle n’est pas apparue plus tôt. Certains produits alimentaires n’ont-ils pas, aujourd’hui, acquis le statut de produits « griffés », associés à un « créateur » et à un « design » particulier qui leur permet d’exister loin de leur lieu de naissance ?

Après les magasins multi-marques proposant une offre large issue d’un nombre restreint de marques, puis les concept-stores qui, eux, disposent d’une offre sélective fédérée par un esprit commun, voici donc le magasin « best of » au petit nombre de produits d’une même catégorie, mais tous associés à la désirabilité et à la reconnaissance. C’est un peu comme imaginer une librairie qui ne vendrait que des livres issus des listes des « meilleures ventes » ou un marchand de glaces qui ne proposerait que cinq parfums. Et pourquoi pas ?

Depuis toujours, le commerce est envisagé comme un lieu d’abondance.  On y entre pour acheter quelque chose et on en ressort souvent avec quelque chose d’autre ou quelque chose en plus. Ce modèle est-il vraiment le seul ? Les consommateurs d’aujourd’hui en savent plus que ceux d’hier. Lorsqu’ils font leurs courses, ils ont de plus en plus souvent une idée exacte de ce qu’ils souhaitent, forts ce qu’ils ont vu, lu et partagé sur les réseaux sociaux. Mieux, ils veulent souvent accéder à ce que les autres ont déjà acquis et aimé, histoire de ne pas être en reste et de pouvoir, eux aussi, poster leurs images.

Ne proposer qu’une offre restreinte sous la forme des meilleures ventes d’une catégorie de produits peut donc se révéler être une stratégie marketing pertinente pour séduire à la fois ceux qui savent exactement ce qu’ils veulent… et ceux que « l’hyper choix » effraie… De la vertu de la sélectivité et de la rareté.

Le marketing comme un sport

Ca y est, on y est. Pendant un mois (un mois !), il va être difficile d’échapper au déferlement footballistique avec ses experts de tous poils, leurs commentaires sans fin sur ce qui pourrait se passer, ce qui s’est passé ou n’aurait pas dû se passer…

Quelques marques montent à bord du train. Heineken nous gratifie ainsi de bouteilles aux couleurs des différentes nations. Ricard transforme son jaune en bleu ou rouge parmi lesquels il incarnera le blanc. Normal. Bière et apéritifs anisés sont davantage les boissons officielles du foot que le Spritz ou le champagne.

Que pourraient donc bien faire les marques qui ne sont pas « directement » concernées par le foot ? Attendre que la vague passe. Ou bien essayer de tirer des enseignements de cette « parenthèse enchantée ». Filons la métaphore. Une marque n’est-elle pas comme une équipe de foot ? Elle a, bien sûr, ses supporters, voire ses fans : ses acheteurs les plus fidèles et « habités ». Mais aussi son « équipe » de produits, souvent moins nombreux que des joueurs de foot, certes, mais tout aussi contraints de jouer ensemble sous le même logo. Une marque a ses couleurs et même, parfois, son club dont les membres bénéficient d’avantages et de privilèges particuliers.

Une fois cette analogie acceptée, ne reste plus qu’à puiser dans le lexique de l’Euro pour trouver des pistes d’inspiration. Pourquoi ne pas imaginer des « fan zones » pour les marques ? Des lieux qui leur soient entièrement dédiés, où leurs « fans » pourraient se retrouver, échanger leurs points de vue et leurs expériences produits, partager des moments… Ou encore des « kits supporters » avec force stickers, fanions, écussons, T-shirts et autres gadgets destinés à entretenir la flamme. En ce moment, rien n’est plus branché que de porter un T-shirt jaune siglé DHL. Qui l’eût cru ? Et pourquoi pas, aussi, des figurines et des images à collectionner ? Idéal pour susciter des échanges. La passion pour une marque, cela s’entretient sur le terrain.

Si le sport a toujours été festif, il fut un temps, pas si lointain, où la consommation l’était aussi. Si, si. Et s’il était devenu du devoir des marques de recréer cet état d’esprit un peu malmené par les préoccupations de santé, d’environnement et de baisse du pouvoir d’achat ?

Le magasin parfait

A San Francisco vient d’être inaugurée la dernière génération d’Apple Store, quinze ans après l’ouverture du premier magasin et premier de l’ère de la nouvelle vice-présidente venue de chez Burberry. Une promesse de luxe. Toujours intéressant d’observer comment une marque qui a toujours été un leader culturel imagine ses points de vente.

Premier constat : la lumière. Une vitrine de 12 mètres de haut, ça ne passe pas inaperçu. Il y a quelques années, la marque Abercrombie & Fitch avait voulu se distinguer en transformant ses magasins en boites de nuit, sombres et assourdissantes. Sa presque disparition et le nouveau flagship d’Apple viennent nous rappeler que la lumière (de préférence naturelle…) est bien le meilleur allié du commerce.

Si les grandes tables en bois clair pour présenter les produits, caractéristiques de la marque, demeurent, c’est la transformation du célèbre « genius bar » qui frappe les esprits dans ce nouveau point de vente. Rebaptisé « Genius Grove » (grove = bosquet), il se trouve désormais sous des arbres. Le meilleur endroit pour recevoir une pomme sur la tête mais aussi une manière de placer la rencontre avec la marque dans un « ailleurs » fantasmé et plus convivial qu’un face à face autour d’un bar.

Pour les créatifs, la cible chouchou des Apple Stores, un espace baptisé « Avenue » a été imaginé comme une vitrine de magasins présentant des produits disponibles en exclusivité et au rythme des saisons. Une vitrine dans un magasin : une logique merchandising directement inspirée par les marques de luxe. Autres nouveautés : la création d’un espace baptisé « Forum »  proposant des témoignages d’artistes (musiciens, photographes) sur un mur vidéo géant et un « Boardroom », un espace réservé aux entrepreneurs. Deux manières de permettre à ses clients de prendre la parole et de délivrer leurs points de vue et expériences sur la marque.

Enfin, l’ambition affichée par la pomme californienne est aussi de reconquérir l’espace extérieur de chacune de ses boutiques dès que c’est possible. A San Francisco, une place avec une fontaine et des espaces verts accueilleront ainsi des groupes de musiciens le week-end. Désormais, un magasin se prolonge hors de ses murs.

Lumineux, convivial, offrant des « ailleurs » et des opportunités d’expression à ses clients et se prolongeant hors de ses murs, le modèle du magasin de demain est déjà là.

Consommateur producteur

Dans les années 50, toute ménagère moderne se devait de posséder une machine à laver et un frigo. Une modernité technique. Dans les années 70, le désir s’est déplacé sur les yaourtières et autres appareils permettant de faire soi-même ce que l’industrie proposait. Les prémices d’une modernité responsable et citoyenne. On peut se demander si, aujourd’hui, le fantasme n’est pas incarné par la mini-serre hydroponique. En résumé, une mini-serre à poser dans sa cuisine, où des plantes, familières mais pas seulement, poussent sans difficultés, racines dans une eau auto-régulée et têtes à la lumière électrique responsable.

A Berlin, un magasin Métro, en collaboration avec la start-up In Farm, propose des plantes aromatiques cultivées directement dans son rayon fruits et légumes. En Angleterre, Ikea vient de lancer « Krydda/Växer » (ça ne pouvait pas être simple), des kits hydroponiques, développés en collaboration avec des scientifiques agronomes en Suède, qui comportent tout le nécessaire pour commencer la germination d’un jardin d’intérieur et le garder en pleine forme durant toute la croissance. Chaque kit est livré avec des petits pains de laine de roche absorbante pour faire germer ses graines, puis des graines et des pierres ponces pour repiquer les jeunes plants.

Le succès actuel de ces systèmes de culture ne doit rien au hasard. Il est tout d’abord le miroir d’une époque où la nature exerce une véritable fascination, source d’enseignements, de vérité et de pureté devenue sacrée. En posséder un morceau chez soi et en prendre soin, c’est avoir le sentiment de participer à cette ode. Avoir une mini-serre dans sa cuisine, c’est aussi être acteur du spectacle de la transformation du vivant. Et, si possible, en famille. Chacun fait pour elle un petit geste, lui accorde une petite attention, lui dédie une petite preuve d’amour. L’émotionnel au service du résultat. Un nouvel imaginaire est en marche. Il existe bien déjà des produits à faire germer chez soi qui poussent dans leur emballage…

Cette nouvelle tendance vient aussi doter les cuisines d’une nouvelle fonction. Jusque là, lieux de conservation et de transformation, elles prennent ici des airs de lieux de production. Mini-serres et yaourtières, même combat quarante ans plus tard, l’enjeu écologique en plus. L’âme d’un producteur sommeille en chaque consommateur.

Home Chamanisme

Il paraît qu’à New York, l’ultime tendance du moment (du mois ?) consiste à faire brûler chez soi des fagotins de sauge (de cèdre, de romarin, d’armoise et d’autres encore) entortillés de ficelle de coton. De nombreux concept-stores déco en proposent et des sites de do-it-yourself se chargent d’indiquer la voie à suivre pour les réaliser. Il ne s’agit pas là de parfumer des tiroirs ou des armoires, mais plutôt d’effectuer un « rituel ancestral de purification » couramment pratiqué par les tribus Amérindiennes. Une fois le fagotin allumé, ne reste plus qu’à le promener dans les différentes pièces pour en disperser la fumée. Comme un enfant de chœur le ferait dans une église… Ne pas oublier d’ouvrir les fenêtres pour que les mauvaises vibrations puissent s’échapper.

Les experts marketing parlent de « smudge sticks » (bâtons de fumigation). Le smudging est recommandé au moment des emménagements, mais aussi en cas de crise d’angoisse ou de toute autre contrariété. Que faut-il retenir de cette nouvelle tocade « new-age » ? Tout d’abord que la maison tend à devenir un temple. Le temple de la famille et de la solidarité émotionnelle, le temple de la protection contre le monde et ses cruautés, le temple de la beauté que l’on organise et que l’on maîtrise. Un sanctuaire.

Emerge aussi l’idée que son environnement le plus proche a une influence sur son humeur. En prendre soin, c’est prendre soin de soi. Le purifier, c’est se purifier. Ce marché, que l’on pourrait qualifier de « cosmétique de la maison », encore très peu exploité, à l’exception notable de la marque Rituals, offre pourtant de nombreuses nouvelles opportunités de discours. Tout d’abord, d’aller au-delà de la seule promesse de senteur dont toutes les facettes ont été déjà exploitées. Mais aussi, d’imaginer de nouveaux rituels associés à des gestes qui pourront permettre d’augmenter la promesse de leurs produits. Une nouvelle manière de donner aux consommateurs le sentiment d’être acteur de sa consommation. De son comportement dépend ainsi l’efficacité du produit.

Il suffit de constater la prolifération des tutoriels de beauté sur les réseaux sociaux pour finir de se convaincre du potentiel des rituels dédiés à la maison

En résidence

En ce moment, au pays du Fooding, la mode consiste à inviter des chefs « en résidence ». L’inspiration vient du milieu de la nuit et de sa peuplade de DJ. Faire venir dans son restaurant, le temps d’une soirée, de quelques jours ou d’une carte, un chef et de lui demander d’interpréter sa propre offre, voilà l’idée. La Maison Burger a ainsi accueilli dans ses établissements deux chefs plutôt habitués à travailler la blanquette ou les poissons et leur a demandé d’imaginer trois recettes inédites de burgers. D’autres posent leurs casseroles dans des chambres d’hôtes ou des hôtels comme Guy Savoy qui s’incruste pour une saison dans tous les hôtels Mama Shelter. A la pizzeria Faggio, dans le 9ème arrondissement, un dimanche par mois, un chef prend les manettes du four à bois. L’information est communiquée sur la page Facebook de l’établissement et sur Instagram.

Original et légèrement décalé, le principe de la « résidence » pourrait facilement être envisagé comme une piste d’inspiration pour les marques. Il n’est, tout d’abord, pas exactement comparable à celui du « partenariat ». Ici « la puissance invitante » ne se soumet pas aux désirs de celui qu’elle sollicite, mais « l’oblige » à s’installer dans son éco-système. Le créateur est mis au service d’un établissement qui, ce faisant, répond autant au désir d’étonnement de ses clients (nouvelle exigence marketing) qu’à son impératif d’apparaitre sans cesse sous de nouvelles facettes. Un peu comme si, désormais, une identité devait s’envisager comme quelque chose de vivant qui s’enrichit de la valeur des autres et non plus comme quelque chose d’unique et de précieux à protéger des influences extérieures.

Inviter des talents à sa table est aussi une manière de créer de la rareté et donc, de la désirabilité. C’est ici et maintenant et pas ailleurs, demain ou la semaine prochaine. Tant pis pour ceux qui n’y seront pas. Ils pourront toujours le regretter en regardant l’événement sur les réseaux sociaux… Proposer une expérience inédite n’est-ce pas finalement provoquer la rencontre de deux mondes ? Aller chercher de l’inspiration ailleurs pour enrichir ici et, ainsi, réveiller ce qui est devenu invisible à force d’être familier. La nouvelle géographie de l’innovation marketing.