La presse nous apprenait récemment, qu’après une collaboration remarquée avec son ami Pharrell Williams pour la prochaine collection homme Louis Vuitton, Nigo, le designer japonais de Kenzo, DJ et producteur de musique à ses heures, était devenu le directeur artistique de FamilyMart, une chaîne de magasins de proximité japonaise particulièrement appréciée pour ses sandwichs aux œufs…
L’enseigne, fondée en 1978, dispose aujourd’hui de plus de 16 000 magasins au Japon et plus de 8 000 à l’étranger. On est donc loin, ici, d’une collab’ hors sol entre branchés du moment. Nigo participera à la conception des futurs magasins, des « catégories de produits stratégiques » ainsi qu’à l’élaboration des campagnes marketing a annoncé la firme qui souhaite ainsi incarner le mieux la culture et le style de vie japonais. Notons au passage que, contre toute attente, il ne sera pas sollicité pour imaginer des vêtements et des accessoires… L’initiative n’en est que plus originale.
Certains ne manqueront pas de rappeler que le Japon n’est vraiment pas un pays comme les autres et que l’attention portée au détail au quotidien est, là-bas, loin d’être anecdotique. Ils auront raison. D’autres verront dans ce rapprochement inédit, l’ultime confirmation, s’il en fallait encore une, de la disparition des frontières entre les catégories et, plus particulièrement le signe d’une « fashionisation » de tous les marchés qui contribue à installer l’affirmation de soi comme principale attente associée à la consommation.
Le futur apparaît souvent sous les traits du bizarre à travers des offres pensées pour la Gen Z, celle qui, née sur les réseaux sociaux, maîtrise comme jamais les codes esthétiques et est naturellement appelée à devenir la population mainstream de demain. Comment s’étonner alors de voir des créateurs de mode se rapprocher de la grande distribution ?
Certes, le prix continuera de dominer les prises de décision et les enseignes ne lâcheront pas leur rôle de cost-killer, mais pourquoi ne pas envisager, ici ou là, quelques modèles de grande distribution alternatifs, construits sur l’idée d’un rapport style/prix ou expérience/prix, qui viendrait rompre avec cinquante années de rationalité nourrie de guerre des prix et de multiplication des promotions pour mieux servir l’immuable rapport qualité/prix ?
Un peu partout émerge l’envie (qui pourrait vite tourner au besoin) d’un rapport plus émotionnel au monde : pourquoi le retail y échapperait-il ?