Un encas gourmand

Même s’il n’est pas toujours le moment convivial imaginé par Ricoré et rêvé par toutes les marques du matin, le petit-déjeuner jouit toujours en France d’une excellente image. 80 % des Français prendrait ainsi ce repas régulièrement, souvent avec des produits comme le pain, les céréales ou les produits laitiers. L’identité d’un pays tient aussi à ses habitudes alimentaires. 

La nouveauté vient de ce que le petit-déjeuner est de plus en plus souvent pris hors de chez soi, dans un de ces (très) nombreux coffee-shops… quand ce n’est pas en marchant, ultime signe de la modernité urbaine… Le coffee-to-go tente ainsi de s’infiltrer dans nos habitudes, éloignant de plus en plus le petit noir du comptoir en zinc qui l’a vu naître et auquel on le pensait associé pour toujours. Les « latte signature » et autres « flat white » à emporter, accompagnés d’une part de cake, ont fait leur apparition sur toutes les cartes jusqu’aux plus étoilées, preuve que la mondialisation, c’est d’abord l’uniformisation des goûts et des habitudes.

Face à la montée de ces nouvelles pratiques, les boulangeries n’ont d’ailleurs pas mis longtemps à envisager le café à emporter comme le relais de croissance parfait pour stimuler la vente de leurs viennoiseries. Voilà le petit-déjeuner devenu stratégique et à fort potentiel, tant l’accélération des modes de vie et la quête de simplicité génèrent la recherche de petits plaisirs au quotidien.

Le petit-déjeuner permet d’accéder à la restauration pour un prix accessible, bénéficie d’une image santé, pour peu que l’on renonce aux viennoiseries et que l’on opte pour une proposition salée en mode œuf-avocat-saumon, et incarne un moment de convivialité décalée, comme une version courte et allégée du brunch du week-end. Il peut aussi accueillir toutes les nouveautés du moment : croissants hybridés en tous genres, cafés déclinés à coups de toppings et d’arômes et boissons aux promesses sans cesse renouvelées. Là réside son attractivité, bien loin des tartines beurrées et des tasses de café en céramique blanche. A quand un petit-déjeuner inspiré par l’ailleurs, d’inspiration orientale ou asiatique ? 

Il fut un temps où le petit-déjeuner semblait n’appartenir qu’aux fabricants de céréales industrielles. Bientôt, il figurera sur les cartes des restaurants comme un « encas gourmand » ou une « planche réinterprétée ». Notre époque n’aime rien tant que d’inventer de nouveaux rites. 

Normcore

Plus le monde semble aller vite, plus chacun ressent le besoin de ralentir le jeu. Option slow ou pause. De même, plus un marché se sophistique, dans ses promesses comme dans ses offres, plus une envie de « normalité » peut se ressentir. Le normal comme une pause dans la course aux concepts. Mais qu’est-ce que la « normalité » dans un espace où tout est regardé, commenté, analysé et mis en scène ? Quelqu’un peut-il d’ailleurs encore se revendiquer comme « normal » ? 

Pour preuve, le mot semble tellement peu assumable qu’il a été rapidement rebaptisé normcore, histoire de le doter du capital d’attractivité nécessaire pour que les bureaux de style et la presse fashion y prête attention. Résultat : tout le monde est soulagé. Ceux qui ne s’intéressaient pas à la mode ou à la déco se sentent tout à coup réintégrés au jeu de la modernité, voire de la branchitude. Et tous ceux qui s’envisagent comme « early adopters » en jetant leur dévolu sur des esthétiques douteuses se sentent ragaillardis dans leurs audaces. Le pire est donc à venir. 

C’est ainsi qu’après avoir été honnies et associées à une faute de goût impardonnable, les chaussettes blanches et les écharpes de supporters de clubs de foot se retrouvent en haut de la pile, à condition, pour les secondes, d’être portées sur la tête comme un fichu de paysanne du monde d’avant. Les chaussettes blanches, elles, restent (pour le moment) au pied à condition de ne pas chercher à les cacher. 

Conséquence de la vague normcore, il devient de plus en plus difficile de faire la différence entre « bon goût » et « mauvais goût » ou entre un prof d’histoire-géo donnant l’impression d’être toujours sur le point de partir en rando et un urbain branché équipé des même attributs « techniques » en gore-tex déperlant ou heat-tech régulant. Seul le ticket de caisse peut permettre de les différencier. Decathlon, Vieux Camper ou Arc’Teryx ? 

Sous-famile du « normcore », le « gorpcore » (de « good old raisin and peanuts », encas des randonneurs à base de fruits secs), qui capte l’esthétique technique et profilée des sports de montagne, est aujourd’hui particulièrement dans l’air du temps, pour le plus grand bonheur des enseignes d’outwear. Sans doute un effet diffus du Covid, entre désir d’afficher sa formeenvie de grands espaces et penchant pour la performance stylée. Dans chaque salarié sommeille désormais un aventurier. Surtout s’il se déplace en vélo. 

GenZult

Une dépêche de l’AFP nous apprenait le mois dernier que si le marché du jouet subissait la baisse de la natalité (170 000 naissances en moins par an), il résistait mieux que prévu grâce à la contribution… des adolescents et des jeunes adultes… En France, « au cours des douze derniers mois, les achats destinés à des consommateurs âgés de 12 ans et plus ont représenté 29 % du chiffre d’affaires total des jeux et jouets, du jamais-vu pour ce marché » et « à elles seules, les ventes de peluches ont bondi de 14 % sur la même période, pour atteindre 50 millions d’euros » nous précise la dépêche. 

Il n’en fallait pas plus pour que les tendanceurs de tous poils y voient le signe d’une société « du repli », conséquence d’un environnement incertain comme jamais et donc peu porteur de futur positif. La peluche comme antidépresseur. Pourquoi pas. On peut tout aussi y voir un coming-out en mode peluche consistant à assumer publiquement un goût longtemps tu… 

Mais ces explications tiennent-elles vraiment la route pour une génération qui, ayant grandi dans le monde des jeux vidéo et des réseaux sociaux, assume le droit à la régression au point d’en faire même un élément de leur identité ? Surtout que les peluches ont, depuis quelque temps, quitté la peau de l’ours sans parfois l’avoir jamais vue. Car la tendance du moment puise son inspiration du côté du monde alimentaire qui, après influencé la case déco (gros retour des barbotines et autres allusions légumières en céramique), n’en finit pas de se réinventer. 

En formes de croissant, de doughnut, de fruit ou de légume, voire de burger, de baguette, de macaron ou de pâtisserie colorée, les néo peluches ne connaissent pas de limites. Elles cartonnent auprès des « GenZult » (Gen Z + Adult), portés par une envie de plaisir régressif autant que par la perspective de petites mises en scène kawaï qui ne manqueront pas de produire du buzz sur les réseaux. Les ventes de la marque britannique Jellycat, leader de cette nouvelle catégorie de doudous (présentés et vendus comme des pâtisseries) ont été multipliées par quatre depuis 2019. Qui aurait pu le prévoir ? 

On savait que les Gen Z, habitués aux messages et vocaux, avaient du mal à envisager des conversations téléphoniques, voilà que l’on découvre à présent, qu’à être trop longtemps restés sur les réseaux, ils pourraient avoir besoin d’un doudou pour aborder le réel. Pas facile de quitter le digital…

Returnuary

On pensait avoir cerné janvier, mois paradoxal puisqu’il s’agit à la fois de se lâcher (les soldes en tous genre et ce qu’il reste de la période du Blanc du monde d’avant) et de se restreindre, bonnes résolutions oblige. 

Pour ce qui concerne les bonnes résolutions, on ne présente plus le Dry January (lancé en 2013), le plus récent Veganuary (comme son nom l’indique) ou encore, plus rare, le Januhairy (jeu de mots) consistant à ne plus s’épiler durant un mois comme un défi aux injonctions faites aux femmes. Qui sait si, demain, on n’aura pas droit à un salutaire Deconnectuary, voire à un tonifiant Runuary, histoire d’éliminer les toxines des fêtes ? L’avantage avec la terminaison « -uary » est qu’elle permet de transformer toute intention de début d’année (janvier, février seulement) en phénomène de société. 

Pour ce qui concerne le lâchage, outre les soldes, on découvre aujourd’hui un « rush » d’un genre nouveau, preuve ultime, s’il en fallait une, que le démon de la consommation ne dort jamais. Ce soubresaut a pour nom Returnuary et décrit le fait que les consommateurs se ruent à nouveau en magasins mais, cette fois, non pour traquer la bonne affaire, mais pour effectuer les retours d’articles qui ne vont pas ou ne leur plaisent plus. 

Certains verront là un effet collatéral des excès de Black Friday, manière de rappeler qu’un poison est toujours capable de générer son antidote. Sans excès d’achats, point de retours. D’autres, le signe de l’apparition de nouveaux comportements. Acheter le même article en plusieurs tailles, par exemple, afin d’être certain de bénéficier de la promotion en cours. Ou encore, plus contestable, être tenté d’utiliser le produit ou le vêtement acheté un bref moment avec moult précautions, en prenant soin de ne pas enlever les étiquettes… afin de pouvoir se le faire rembourser ni vu ni connu. 

Après la quête de dupes (ressemblant), l’achat de leurres chinois (imitant) et même de contrefaçons « homemade », le consommateur Gen Z s’envisage comme un petit être malin, capable d’évaluer toutes les opportunités offertes par le marché comme de hacker un système qu’il considère comme ayant beaucoup (trop) profité de lui. 

Aux États-Unis, les retours en magasins augmentent ainsi d’année en année et connaissent leur apogée en février. En France, le phénomène n’est encore qu’émergent…

Les bûches de la vanité

Chaque année, Noël offre à tous les pâtissiers de France l’opportunité de faire la démonstration de leur savoir-faire à travers la réalisation de leur bûche. Le seul moment de l’année puisque ce ne sont ni la galette des rois, ni les œufs de Pâques qui peuvent venir sur ce terrain. Car la bûche touche autant à l’esthétique qu’à sa composition pâtissière tant elle doit aujourd’hui être étonnante pour s’assurer une belle vie sur les réseaux. L’œuvre d’art n’est pas loin et c’est le sentiment d’y accéder qui déclenche autant la fierté que l’achat. 

Premier constat : les bûches ont désormais de moins en moins envie de continuer à ressembler à une bûche. Elles sont devenues un exercice conceptuel où leur forme initiale est réduite à une citation voire totalement absente. Cette année, on a ainsi pu découvrir de nombreuses bûches architecturales aux airs de maquette du château de Versailles ou de façades haussmanniennes. En forme de bougeoirs, aussi, imaginés par l’incontournable papesse du bon goût parfait Sarah Lavoine pour le compte du salon de thé Angélina… Une bûche Mont Blanc aurait été trop facile… 

Après les pâtisseries signées Vuitton, une preuve supplémentaire que la fashion-pâtisserie n’est pas loin. Nous voilà désormais prêts à nous confronter à une bûche Guerlain, Gucci ou Louboutin. L’exercice de translation d’un univers à un autre (comme dans les rêves) constitue même un signe de distinction : moins une bûche ressemble à une bûche, plus elle affirme son appartenance élitaire. Les prix sont là pour témoigner. Et, plus elle a une apparence sophistiquée, plus les attentes de goûts étonnants sont fortes. 

Second constat : la bûche est associée à des story-tellings toujours plus élaborés qu’elle ne pouvait produire lorsqu’elle n’était qu’un tronc d’arbre agrémenté de facétieux lutins et d’arrondis bonhommes de neigeC’est tout l’imaginaire du sur-mesure, de la valeur perçue et de l’artisanat d’art qui est ici convoqué, mixé à celui des nouvelles technologies et, en particulier, de l’impression 3D… L’imagination et l’exécution priment, la performance devient une expression du savoir-faire et la stylisation domine l’esthétique.  Toutes ces néo-bûches, produites en éditions ultra limitées font même désormais l’objet d’un prix spécial lors des Trophées Fou de pâtisserie, l’équivalent des Césars pour la profession. Il fallait bien que cela arrive. La reconnaissance de la profession comme condition de la reconnaissance des consommateurs. 

Transformation de soi

Quelle marque, quelle enseigne ne rêve pas de voir ses clients devenir autres ? Plus sportifs, plus responsables, plus engagés ou plus experts. N’est-ce pas la preuve irréfutable que leur « mission » de conversion a réussi ? Le monde des marques n’est jamais très loin de celui des sectes dans leur intention de modifier nos attitudes et nos comportements. 

La région Bretagne n’y échappe pas et va encore plus loin en nous demandant de changer d’identité. « Partez touriste. Revenez Breton ». Qui pourrait hésiter devant une si belle promesse ? Cesser d’être celui qui passe pour devenir celui qui épouse. Découvrir une région et la quitter en ayant adopté ses valeurs. La Bretagne ne nous propose pas une destination, mais une transformation de nous-mêmes. 

Pendant la crise sanitaire, tout le monde s’imaginait ailleurs. A la campagne, dans une petite ville, au bord de la mer. L’idée était alors de transposer sa vie dans un autre environnement. Pas suffisant, nous dit la Bretagne qui nous recommande, elle, une vraie rencontre, capable de nous transformer comme seules les vraies rencontres le permettent. L’enjeu n’est plus de nous suggérer de partir nous installer en Bretagne pour fuir les métropoles, adopter un autre rythme et, peut-être, donner un autre sens à notre vie, mais d’épouser le mode de vie et les valeurs des Bretons. 

Un voyage en nous-mêmes que la communication décline méthodiquement en un « Partir urbain, revenir marin », « Partir rincé, revenir ressourcé » et même en un amusant « Partir sceptique, revenir celtique » qui garantissent tous une perspective de retour pas exactement à l’identique. Il ne s’agit, ici, ni de déménager, ni d’oublier sa vie actuelle mais de s’enrichir émotionnellement grâce à l’expérience proposée par la Bretagne. L’envie de changer mute ainsi, au fil du temps, en une envie de devenir un autre, qu’il s’agisse pour y parvenir de se lancer dans une formation, de monter sa boite… ou de partir en Bretagne. 

Certains y verront le signe d’une éternelle insatisfaction qu’une exposition permanente à la vie des autres ne fait qu’amplifier. Se comparer, c’est se réévaluer. D’autres, la confirmation d’un désir d’affirmation de soi qu’incarnerait un désir de changement. La volonté de changer comme signe de caractère. Au même titre que rouler en SUV, faire un marathon ou se mettre au MMA. 

A moins qu’il ne s’agisse d’une énième crainte, aussi inexplicable que contemporaine, de passer à côté de soi-même. Une ultime déclinaison du FOMO.

La fête nationale de la consommation

Novembre n’est pas resté longtemps un mois sous-employé, salle d’attente coincée entre les impôts d’octobre (dont il faut se remettre) et les fêtes de Noël (dont il faut se réjouir). Il est désormais le mois des calendriers de l’Avent et du Black Friday. Deux manières de se faire plaisir. En régressant et en se lâchant. 

On peut se demander pourquoi le Black Friday suscite autant d’agressivité alors qu’il suffirait de le voir comme une nouvelle période de soldes pour calmer les esprits. L’envie de consommer a toujours eu besoin d’un déclencheur. Aujourd’hui, plus que jamais. Y a-t-il d’ailleurs encore un consommateur qui achète aujourd’hui quelque chose au prix affiché ? 

Le Black Friday ne serait-il pas, finalement, le remplaçant 2.0 de cette bonne vieille Saison du blanc qui, en dérivant du linge de maison vers les pentes neigeuses, a fini par fondre ? Elle s’était installée après les fêtes, le Black Friday a choisi, lui, l’avant-fêtes, manière d’exprimer sa vocation : être l’antichambre de Noël. Noël en mode ventes privées. Pourquoi pas. Car, que font majoritairement les consommateurs durant cette période de Black Friday si ce n’est acheter ce qu’ils destinent à figurer au pied du sapin ? Ce qui est acheté aujourd’hui ne le sera pas demain. Un jeu davantage à somme nulle qu’il n’y parait dans un contexte de course aux bons plans. 

Le Black Friday, c’est aussi le moment où la consommation devient LE sujet du moment. Une sorte de fête nationale de la consommation, qui, par ses excès de promesses de bonnes affaires, conduit paradoxalement chacun à s’interroger sur ses besoins et certaines enseignes à afficher leur volonté de ne pas participer à la débauche… tout en s’assurant une présence… Car le Black Friday est capable d’accueillir tous les discours pour peu que la communion se fasse sur l’autel de la consommation

Certains lui donnent une couleur verte et le rebaptisent Green Friday, d’autres parlent de Repair Friday et en profitent pour valoriser leur service de remise en état et de conseil d’entretien. Ici, c’est un Black Friday dédié au Made in France renommé Les jours tricolores, là, un Black Friday valorisant les achats éthiques et écologiques pour mieux faire prendre conscience des effets de nos achats sur la planète et les travailleurs. 

C’est peu dire que le moment stimule la créativité et les réflexions sur la consommation. N’est-ce pas finalement le caractère œcuménique du Black Friday qui serait à l’origine de son succès ?

En Avent toute

Entre les « tables de fêtes » et les pages « d’idées cadeaux », le calendrier de l’Avent a trouvé sa place dans la catégorie des marronniers de fin d’année. Certains auraient pu penser qu’un tel « concept », aussi coûteux que symbole d’une hyperconsommation assez peu responsable, se serait brisé sur les murs de la tension budgétaire et de la conscience verte, mais il n’en est rien. Au contraire. 

Le calendrier de l’Avent, que l’on croisait historiquement en tête de gondole, s’est installé avec aisance dans le monde du luxe de la beauté où il représenterait un quart des ventes de sa catégorie, derrière les chocolats. De quoi ce succès est-il donc le nom ? 

Tout l’abord, de l’envie des marques qui les proposent de construire des liens durables avec leurs consommateurs. Et, question lien durable, le calendrier de l’Avent se pose en champion puisque chaque jour, pendant plusieurs semaines, par un effet de « surprise attendue », son acheteur est amené à penser à la marque qui en est à l’origine. Le calendrier de l’Avent devient ainsi le lieu d’une routine nouvelle avec ses gestes à répéter chaque jour jusqu’à la révélation finale. Comment s’étonner qu’il soit si présent dans le monde de la beauté ? 

Le succès du calendrier de l’Avent vient aussi révéler un désir de rare, recherché pour sa capacité à virer rapidement au collector et, ainsi, devenir une source de profit sonnant et trébuchant. L’accès à la consommation de masse ne suffit plus. C’est désormais la rareté qui stimule l’envie car celle-ci prolonge la vie des produits quand une présence excessive les fait tomber dans l’indifférence. Qu’est-ce qui se cache réellement derrière chacune des cases du calendrier ? Des produits phares ou des seconds couteaux ? Des miniatures, des échantillons ou des doses d’essai ? Le monde des petits formats n’échappe pas à la segmentation de l’offre. Voilà le calendrier de l’Avent évalué par des beauty experts à l’aune de sa valeur marchande. La victoire des marchands du temple. 

Le succès des calendriers de l’Avent tient enfin à leur capacité à ressusciter de manière frénétique des émotions de l’enfance enfouies. Sur les réseaux, tout est montré, tout est ouvert, sans aucun respect de la chronologie, dans un exercice excessif oscillant entre « unboxing » sage et « haul » hystérique, tous deux générateurs d’émotions de courte durée.

Apprendre la patience n’était-elle pas pourtant la principale vertu du calendrier de l’Avent ? 

Ambiance Bistrot

Après six ans de bataille, les pratiques sociales et culturelles associées aux bistrots et cafés de France sont désormais incluses à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel. Prochaine étape, l’Unesco. Cette volonté de préserver ce patrimoine a de quoi réjouir, tant le modèle du bistrot à la française, avec son patron haut en couleur, ses serveurs et ses habitués qui assurent l’ambiance, semble menacé. 

Un bistrot, c’est d’abord un comptoir où chacun peut s’accouder, c’est un catalyseur de socialité, un espace ouvert où tous les gens de toutes classes sociales se rencontrent, une façon d’être ensemble de manière informelle qui constitue un des attraits de notre pays affirme le président de l’association à l’origine de ce classement, lui-même patron d’un établissement. Le bistrot peut-il encore être un lieu de mixité sociale avec des plats du jour à 18 euros ? Quid de la mixité sociale face à une offre de restauration rapide marketée pour séduire les plus jeunes et à des propositions calibrées pour une clientèle internationale qui carbure aux brunchs à toute heure ? Sans oublier la déferlante des coffee-shops (sûrement moins brassés que ne le voudrait l’Unesco), le dynamisme des boulangeries et la multiplication des dark kitchens qui soustraient aux bistrots une (bonne) part de leur clientèle. 

Pour demeurer dans le paysage sans devenir des décors à destination des Emily de passage in Paris, les bistrots doivent valoriser leur ambiance autant que la qualité de leur offre. La chaise de bistrot cannée posée sur les trottoirs et les façades recouvertes de fleurs en plastique comme produits d’appel à instagrammer ne suffiront pas. 

Nombre de bistrots, dans les villages comme en centre-ville, le font déjà en s’improvisant lieux d’expositions, de fêtes ou d’animations telle la Course des Garçons de Café, récemment relancée. Certains sont aussi PMU comme nous le rappelle le Fooding avec la parution de son premier guide « PMU, les 100 bars qui font la France ». Après celui des Relais Routiers, il est la preuve que l’authenticité vue par les gentri-foodeurs serait toujours à chercher du côté du populaire. On peut s’interroger. Surtout quand celui-ci est menacé par la seule présence d’acheteurs de guides, animés par l’idée de rendre hype le réputé ringard… 

Bistrot ou bar PMU, chacun court après son fantasme d’être perçu comme un lieu de partage et d’authenticité. Mais l’énoncer, n’est-ce pas aussitôt l’empêcher de le devenir ? 

Viva Italia !

Si le nombre de restaurants asiatiques a augmenté de 20% au cours des cinq dernières années, ils sont encore loin de détrôner la cuisine italienne qui, au fil du temps, ne cesse de se régénérer pour maintenir son attrait au plus haut

Même si elles restent les plus vendues, les pizzas Margherita, Regina et Calzone d’aujourd’hui n’ont plus grand chose à voir avec celles d’hier. Et pas seulement en raison de leur prix, désormais jamais inférieur à quinze euros… Les voici déclinées en version sans gluten, blanche ou rouge, avec une pâte plus fine et plus croustillante, plus facile à digérer (gros enjeu) ou vendues al taglio, à la part, voire de forme ovale avec une pâte faite de trois farines, blé, riz et soja fermentés, riche en protéines et pauvre en gluten : la pinsa romana dont l’existence remonterait à l’Antiquité et qui fait le buzz en ce moment. La restauration italienne, c’est aussi l’art de produire du nouveau à partir du connu. Une stratégie payante. 

Depuis l’arrivée tonitruante sur le marché de Big Mamma, il y a dix ans, qui compte désormais 24 établissements en France, la cuisine italienne n’est plus seulement affaire de recettes, mais aussi d’origines, d’équipements et d’ambiance. Les huiles d’olive sont regardées comme des cuvées, la quête d’une burrata ou d’une mozzarella exceptionnelle vire à l’obsession chez certains, légumes et charcuteries ne sont plus acceptés que sourcés et les desserts traditionnels ne cessent de se décliner pour tenir la lassitude à distance. Les menus sont régulièrement renouvelés pour mieux étonner car, si la restauration italienne a toujours le vent en poupe, c’est aussi parce que les Français y voyagent davantage et découvrent de nouvelles régions. En ce moment, les Pouilles ont leur faveur. 

Côté équipement, c’est le four à dôme napolitain en mosaïque qui tient la vedette. Devenu l’acteur principal de l’expérience attendue, il trône souvent au cœur de la salle pour assurer le spectacle. Il est le signe de l’authenticité et de la maîtrise. Question ambiance, la cuisine italienne n’est pas en reste avec ses spritz désormais déclinés en plusieurs couleurs et ses apéritivos, de plus en plus présents sur les cartes, qui assurent une offre disponible toute la journée. 

Variété des recettes, expérience toujours renouvelée, bonne humeur et accent chantant, déco soignée : aucune autre cuisine ne peut afficher autant de promesses que la cuisine italienne.