On apprend par la presse pointue que l’ultime tendance du moment se nomme Cluttercore et qu’elle consiste à entasser des objets de toutes sortes de façon assez maîtrisée pour donner au tout un air de bazar. Une tendance qui pourrait être à la déco ce que le gel « effet décoiffé » est à la coiffure. Nous voilà bien loin de la névrose obsessionnelle de Marie Kondo et de la prédiction des gourous de la crise sanitaire qui nous voyaient délaisser le superflu pour embarquer à destination du pays de la frugalité. Faut-il y voir le signe d’un changement de paradigme ? Plus certainement le résultat d’un mouvement de balancier qu’affectionne tout particulièrement notre société de consommation. Le vide après le plein. Le plein après le vide.
Certains y liront la quête d’un environnement chaleureux nécessaire quand l’époque n’incite pas à l’euphorie. D’autres, le signe d’une envie d’exprimer sa créativité sans trop de contraintes, à partir de tout ce qui nous tombe sous la main. Plantes (Ficus, Sanseveria), livres, cadres, peluches, statuettes, toiles, animaux empaillés, bougies, instruments de musique, chapeaux, fleurs en plastiques et autres assiettes décoratives peuvent ainsi s’agglutiner, se serrer les uns contre les autres pour un rendu chargé, à la limite du kitsch, mais tellement rassurant. Ils viennent du Bon Coin, d’un vide-grenier du quartier, de Maisons du Monde ou d’un voyage, de sa propre enfance ou de chez une vieille tante. Le vrai vieux y côtoie le faux vieux, le banal, le précieux. Qu’importe les origines. L’important est que chaque objet raconte une histoire. Pas forcément son histoire, mais celle de notre rencontre avec eux et entre eux. Ajoutez à cela des tapis anciens, du papier peint et des murs de toutes les couleurs et vous voilà au cœur de la tendance du moment.
Le Cluttercore donne ainsi le sentiment de s’extraire des diktats des enseignes et de la décoration de bon goût, peuplés d’objets iconiques devenus clichés. Vaste illusion, mais le principe même de la décoration n’est-il pas fondé sur la conviction de s’éloigner de ce que font les autres ? Le Cluttercore, c’est beaucoup de travail. C’est aussi, potentiellement, une source d’inspiration pour le commerce. Après les concepts store où les vendeurs passaient leur journée à réaligner au cordeau des objets présentés sur des tables impeccables, place au bazar. Un retour aux origines.