Micro moments

L’info n’a pas fait la Une des journaux, plus occupés par les difficultés de fin de mois des gilets jaunes que par les habitudes alimentaires des autres. Et pourtant, fin février, on apprenait qu’en 2018, pour la première fois, les Français ont moins déjeuné hors de chez eux (au restaurant, au café, en entreprise, à la boulangerie…) au profit d’une « pause snacking » plus copieuse (étude The NPD Group). Voilà qui vient mettre à mal notre réputation de discipline face au respect des trois sacro-saints repas de la journée. Et ce ne sont, ni les biscuits qu’est en train de lancer Nutella pour contrer Prince, ni la pâte à tartiner qu’est en train de nous concocter Milka qui vont nous aider à réfréner ce nouveau penchant.

Certains verront là le signe de difficultés économiques et donc la quête de solutions moins coûteuses pour se nourrir. D’autres y liront la généralisation du télétravail qui a naturellement tendance à déstructurer les habitudes, en particulier celles du petit-déjeuner et du déjeuner en s’affranchissant de l’horloge, de la table et de ses convives. Le développement des livraisons à domicile via des applications et les nouvelles offres imaginées par les enseignes de distribution (Franprix Darwin, Bon App Carrefour et bientôt Picard) pour nous suggérer de nouveaux micro-moments de restauration ne sont bien sûr pas étrangères à la désaffection de la restauration hors foyer traditionnelle au moment du déjeuner. La prise de conscience croissante de la relation existant entre santé et assiette, non plus. Elle conduit de plus en plus de Français à réaliser eux-mêmes, chez eux, des lunch-box qu’ils mangeront sans passer par la case restauration et au moment où ils le souhaitent. Cette pratique, très répandue dans le nord de l’Europe, et encore peu chez nous pour des raisons culturelles, pourrait bien se développer dans les années à venir sous la pression de l’attention croissante portée aux origines des produits, voire de la méfiance vis à vis des discours de marque et de l’adoption de pratiques alimentaires radicales conduisant à ne plus consommer certains types de produits.

Pour le moment, nous apprend la même étude, ceux qui profitent le plus du développement du snacking sont les brownies, donuts, muffins et autres cookies. Espérons qu’il ne s’agisse là que d’un moment d’égarement.

Culture bière

A Paris, dans le quartier de Pigalle s’est récemment ouvert un bar à bières baptisé Le Bar Fondamental (preuve de la volonté de ses propriétaires de proposer un « concept »…), dont l’offre pourrait bien inspirer de nombreux commerces. Le Bar Fondamental se veut artisanal, ludique et participatif. L’ambition est annoncée.

Avec sa végétation au plafond et ses fûts en guise de support au zinc, ce lieu intègre quatre types d’activités. Un bar, bien sûr, proposant des bières « historiques », des bières artisanales éphémères et même une bière « surprise ». Mais également une micro-brasserie dans laquelle cette dernière est confectionnée et qui, chaque mardi soir et samedi après-midi, sert de cadre à des ateliers conçus pour initier les clients du lieu à l’art de la brasserie. L’occasion pour ses participants de repartir avec leurs quinze litres homemade. Pendant que les uns sont en train de consommer de la bière, d’autres en fabriquent juste à coté. Une cave à bières offrant une grande variété de bouteilles et de canettes à l’achat vient, enfin, judicieusement compléter l’offre. Habituellement, lorsqu’un bar ouvre, la convivialité est sa seule préoccupation car elle doit assurer sa réputation et donc son succès. En y ajoutant un espace de vente et un espace pédagogique lui permettant de mettre en scène son savoir-faire, Le Bar Fondamental change de catégorie et affiche une nouvelle ambition : être perçu comme un système.

La convivialité du bar se met ainsi au service du partage et de la diffusion d’une culture qui viendra ensuite alimenter et soutenir l’envie d’acheter. Ce n’est plus seulement l’idée de passer un moment agréable dans un lieu qui prime, mais de ressentir une forme d’appartenance à une communauté. Voilà qui pourrait concerner de nombreux commerces encore trop bloqués sur la seule promesse transactionnelle alors que leurs clients sont en attente de culture et de reconnaissance. Pas tant d’une reconnaissance en tant qu’individu comme l’affirment tous les prophètes de la data qui rêvent d’échanges hyper personnalisés, mais d’une reconnaissance en tant que membre d’une communauté construite autour d’une passion.

Ce sentiment d’appartenance communautaire n’est à négliger par aucune enseigne car il cumule les avantages : il fidélise, nourrit la curiosité, donne envie de revenir et soutient l’envie d’acheter. La réponse aux difficultés éprouvées actuellement par le commerce du monde réel…

Instinct de reproduction

On savait le penchant (naturel) de l’être humain pour le narcissisme. Miroir, miroir, dis-moi que je suis la plus belle. Qui serait hostile à l’idée ? Nous voilà à présent à l’ère de l’instagrammabilité, une forme de post-narcissisme, soit le narcissisme appliqué à son environnement. Car il ne suffit pas d’être content de soi ou de se trouver beau, encore faut-il que ce constat se fasse dans un « beau cadre ».

Aux dires des experts, près d’un tiers des voyageurs privilégierait des hébergements instagrammables. Le Club Med dispose ainsi, au sein de ses villages, de lieux habilement logotypés où chacun peut se photographier et partager sur les réseaux sociaux… pour que d’autres reproduisent le cliché à leur venue. Le plus important n’est pas d’être allé quelque part, mais de pouvoir prouver qu’on y était. L’entreprise demande même à ses architectes de « penser instagram ». C’est dire. Si Haussman avait dû se plier à cet exercice, son travail aurait-il été différent ? Ses façades sont naturellement instagrammables si l’on en juge par leur présence dans des pubs pour parfums ou voitures.

L’instagrammabilité n’a rien à voir avec l’originalité, mais avec la conformité. C’est comme ça que tous les intérieurs se ressemblent au-delà de leur différence de prix. C’est comme ça que les restaurants récents ont tous des carreaux de ciment au sol, des ampoules à filaments apparents, des tables en bois clair, des chaises en velours et des accessoires en cuivre. C’est comme ça que tous les packagings de crèmes de soin se la jouent pharmacie et que l’on ne croise finalement sur les trottoirs que deux ou trois types de Millennials, habillés des pieds à la tête à la manière de clones. Le phénomène concerne même les produits alimentaires puisque Häagen Dazs a revu ses packagings pour les rendre, eux aussi, plus instragrammables. Décidément…

Au siècle dernier, on aurait dit de produits qu’ils étaient plus désirables, plus modernes, plus séduisants ou encore, plus «appétents », mais ça, c’était avant. Avant que la technologie ne nous aient inféodés. Toutes les marques ont les Millennials dans le viseur. Certaines investissent beaucoup pour les comprendre. Mais en observer les codes est presque aussi essentiel.

Nouveau cycle

Il n’y a pas que la planète qui chauffe. Les esprits aussi. C’est fou le nombre d’initiatives issues du monde de la mode qui sont destinées à installer chez les consommateurs de nouveaux réflexes d’achats. Ici, c’est Camaïeu qui lance un site de vide-dressing où les particuliers sont mis en relation via un outil de géolocalisation pour leur permettre de se rendre dans l’un des magasins pour effectuer leurs échanges. Là, c’est Bocage qui propose, moyennant un abonnement mensuel, de porter une paire de chaussures deux mois avant de l’échanger contre une autre et de la remettre en vente une fois reconditionnée. On pourrait aussi citer la plateforme d’upcycling Takecare imaginée par H&M ou encore tous les tutos du net qui expliquent par le menu comment réparer, transformer, upgrader son vestiaire.

Certes, les enseignes de prêt-à-porter, dérèglement climatique oblige, ont du mal à vendre et doivent trouver des idées pour attirer l’attention. Certes, elles cherchent toutes actuellement à valoriser leur engagement en faveur de l’environnement. La mode n’est-elle pas, d’ailleurs, la seconde industrie la plus polluante du monde ? Mais ces deux (bonnes) raisons n’expliquent pas tout. C’est aussi de notre rapport aux vêtements, et plus généralement aux objets, dont il est ici question.

Ces initiatives sont la réponse à notre envie actuelle d’une consommation ralentie, moins marquée par l’accumulation, mais aussi, plus personnelle, moins copiée-collée avec les offres et les silhouettes du moment, où l’histoire du vêtement, sa charge affective, serait particulièrement valorisée. D’où le succès actuel du vintage et de l’upcycling. La consommation a toujours permis de s’affirmer en se différenciant. Elle devient au fil du temps un moyen de prouver sa maîtrise d’une culture et de ses codes ainsi que sa capacité à en créer de nouveaux.

Si, en plus, une motivation environnementale vient s’y ajouter, personne ne s’en plaindra car les actions en faveur de la planète manquent bien souvent de légèreté créative …

La vie des autres

Aller au cinéma peut offrir l’opportunité de mieux comprendre nos contemporains et leur manière de vivre. Une immersion en milieu inconnu. Une sorte d’étude ethno pour le prix d’une entrée. Prenez ainsi Doubles vies d’Olivier Assayas, actuellement sur les écrans. L’action se passe dans le milieu littéraire parisien. Comprenez, CSP+ d’obédience rive gauche. On y apprend autant sur son rapport à la modernité (le livre électronique va-t-il emporter le morceau ?) qu’à la table.

Dès les premières scènes, on comprend le pouvoir symbolique de cette dernière. L’éditeur invite un des écrivains de son écurie pour lui annoncer qu’il ne publiera pas son manuscrit. Malaise. Quand le premier commande un steak salade et de l’eau minérale, le second opte pour une « petite entrée », un plat et du vin. Le choc de deux mondes. Ce qui, pour l’un, relève de la seule fonction corporate (le repas comme réunion d’un genre particulier), est pour l’autre (encore) dans le domaine du plaisir et de la convivialité.

L’intuition que les repas étaient en pleine réinvention n’allait pas tarder à se confirmer. Car, dans ce petit monde, on se reçoit volontiers, histoire de se rassurer sur son existence et d’entretenir son cercle relationnel. Et là, que voit-on ? Que plus personne n’est à table, car dîner se résume à être assis près d’une cheminée qui crépite et à grignoter des bricoles achetées chez un traiteur griffé dont les boîtes trônent sur ce que l’on appelait, au siècle dernier, une table de salle à manger. Et lorsque l’on boit du vin, c’est toujours dans de très grands verres que l’on tient par en dessous comme dans les séries américaines. Great. Amazing. Oh my god ! Dans une des dernières scènes du film (chez l’éditeur, à Majorque, avec accès direct à la plage), une des invitées demande d’un air entendu : « les gâteaux, c’est pour aller avec le café ? ». Car bien sûr, chez ces gens là, on ne mange pas de dessert (trop risqué, trop bourgeois), on déguste un café avec des gâteaux. Nuance.

Il y a quinze ans, Thierry Ardisson reconstituait les dîners mondains sur petit écran en recevant chez lui des people de tous poils. Chacun avait sa place désignée, des chandeliers posés sur la table se chargeaient de l’ambiance et des laquais attendaient qu’on leur fasse signe pour servir. Dire que les temps ont changé est un euphémisme…

Les jours sans

Le Dry January (ne pas boire d’alcool au cours du mois) vient à peine de s’achever (il n’est pas interdit de le prolonger…) que s’annonce Février sans supermarché. Comme s’il fallait, à tout prix, commencer l’année par une détox. Avant, il y avait les journées « en faveur » d’une cause ; aujourd’hui, il y a aussi les journées « sans ». Et ce n’est pas le Lundi vert, sans viande et sans poisson, qui viendra dire le contraire…Les premières prônent la prise de conscience, les secondes, l’abstinence comme un défi lancé.

Février sans supermarché est observable en Belgique et en Suisse. En France, il est aussi annoncé, mais il faut admettre qu’il se fait, pour le moment, plus discret… Son principe est pourtant incontestable : éviter de se rendre dans une grande surface afin de privilégier les commerces indépendants, redécouvrir les épiceries de quartier, soutenir les petits producteurs, favoriser la vente en vrac et le commerce local, repeupler les marchés et même réapprendre à n’acheter que l’essentiel. Difficile de ne pas adhérer à un programme d’une telle ampleur dont l’objectif est, finalement, de redonner sa place centrale à la vie locale.

Il ne s’agit toutefois pas d’un boycott affirme ses organisateurs (le collectif suisse « En vert et contre tout »), mais de faire au mieux de ses possibilités et de réapprendre à varier ses sources d’approvisionnement… Pas d’opposition, donc, mais des tentatives de conciliation de différents systèmes. Voilà qui est dit. En 2018, l’opération avait mobilisé près de 20 000 personnes en France et en Suisse. L’essentiel n’est pas tant dans ces chiffres que dans les raisons de l’apparition d’un tel mouvement.

Il vient d’abord témoigner du statut actuel de la consommation. Consommer, ce n’est pas seulement acheter, c’est militer. Consommer, c’est aussi, désormais, innover, inventer de nouvelles manières de faire, modifier ses habitudes. Enfin, consommer, c’est avoir en tête les effets de nos comportements sur notre environnement avec la perspective que nos nouvelles manières de faire deviennent un modèle pour les autres. D’où l’apparition de groupes sur les réseaux sociaux pour que chacun puisse y poster conseils, bons plans et astuces pour changer ses habitudes encourager la volonté d’agir.

Consommer n’a jamais été un acte anodin. Encore moins quand il s’agit d’en modifier les règles.

Surprise, surprise

Dans un monde où tout est balisé, calculable et programmable, où l’important n’est plus de découvrir mais de retrouver ce qui a préalablement été repéré sur les réseaux sociaux, comment s’étonner que la surprise tente de s’infiltrer dans nos vies pour venir bouleverser toute cette belle organisation ?

A Noël dernier, les calendriers de l’Avent ont confirmé leur place sur les linéaires, talonnés cette année pour la première fois par les crackers, ces papillotes surprises nées en Angleterre, conçues, à l’origine, pour contenir diverses friandises et petites attentions que l’on découvrait en tirant sur ses deux extrémités. Un geste ludique associé à un esprit bon enfant et convivial… Les crackers accueillent aujourd’hui des produits cosmétiques miniatures. Des produits griffés à prix abordable, doublés d’un effet de surprise : comment résister ?

On pourrait aussi évoquer ces sites de voyage où la destination n’est révélée que le jour du départ, les box-surprises (300 000 français abonnés à l’une des 300 offres disponibles) ou encore la tradition japonaise du Fukubukuro consistant à proposer, chaque début d’année, de grands sacs surprises contenant divers articles, dont on sait seulement que la valeur totale est supérieure au prix payé.

Dans une vie si balisée, quelle est la place accordée à la poésie et à la « sérendipité », cette « errance fructueuse » ? Où sont passées les pochettes surprises, les tirettes à un franc et les cadeaux Bonux du siècle dernier ? Il n’y a pas que la méditation et la détox pour sortir de ses habitudes et se retrouver… Quelques marques de grande consommation l’ont bien compris comme Burger King et ses burgers mystère, servis de façon aléatoire pour un prix unique (une opération promotionnelle transformée en expérience clients) ou Pom’pot Crazy qui masque le parfum de ses gourdes de compote. On pourrait aussi citer les restaurants qui proposent des repas sans carte où les propositions sont guidées par la seule inspiration du chef.

Le marketing de la surprise n’en est qu’à ses débuts. Une de ses vertus est que sa dimension émotionnelle est si forte, qu’elle finit par gommer toute déception ou esprit critique. Pas négligeable…

Le message de la couleur

Il n’y a pas que la presse qui ait droit à ses marronniers. Le monde de la tendance n’échappe pas, lui non plus, à cette habitude qui balise les années comme les platanes, les bords de routes. Quand les uns classent par ordre de mérite les hôpitaux, les lycées et les villes où il fait bon vivre, les autres sortent chaque début janvier la couleur de l’année. Un timing irréprochable. Qui se souvient de celle de l’année dernière ? Vert ? Peut être bien. A moins que ce ne soit rouge bordeaux ? Ou rose poudré ? Il s’agissait du violet… Ce serait exagéré d’affirmer que la couleur de l’année marque les esprits et notre quotidien…

Cette année, selon les experts du Color Institute de Pantone, ce sera saumon. Enfin, pas exactement car le mot rappelle trop les ambiances des restaurants des années 80, mais « Living Coral », soit une teinte oscillant entre corail et teint de pêche. Ca fait tout de suite plus pro. Tout comme il vaut mieux dire « dos de souris » ou « ficelle » que beige si l’on veut passer pour un pro de la déco… Le choix des mots est le premier déclencheur d’imaginaires. Alors pourquoi le corail ? Parce qu’il s’agit d’une couleur « vivifiante et effervescente qui capte le regard, hypnotise l’esprit et évoque le kaléidoscope de couleurs qu’abritent les récifs coralliens ». Pourquoi pas. Il fallait y penser.

Retenons surtout qu’il s’agit d’une couleur douce et apaisante, mais aussi positive, facile à combiner et qui va à tout le monde. Douce et apaisante dans un monde actuellement très jaune fluo, c’est une bonne résolution. Facile à combiner : là réside assurément sa force. Alors que chacun est aujourd’hui tenté de penser qu’un autre veut prendre sa place ou l’a déjà prise, prôner l’union, l’idée de pouvoir faire ami-ami avec chacun est une promesse de paix et de réconciliation. Une couleur située à la croisée de plusieurs coloris (le rose et le jaune), qui flatte celui qui l’adopte est ainsi une incitation à la combinaison, au mélange et à la diversité.

N’oublions pas, au passage, la référence à la planète qui est devenue notre (bonne) conscience universelle, puisque le corail est menacé dans son existence. Quelle que que soit la couleur retenue, le vert n’est, finalement, jamais très loin…

Tout le monde drope

Drop. C’est le mot qui, actuellement, compte triple au Fashion Scrabble. Depuis que Supreme doit son succès à la mise en vente de produits édités en très petite quantité, donc rares, leur garantissant une forte valeur de revente et de désirabilité, chaque marque de luxe (Moncler, Tods’s, Gucci, Balenciaga, Vuitton) tente la martingale en lâchant elle aussi son drop (en français, un « parachutage »). Il faut dire que la technique coche toutes les cases pour reprendre l’expression consacrée.

Proposer un drop, c’est aussitôt faire naître chez celui qui l’acquiert un sentiment rare d’exclusivité et d’appartenance au monde où il faut être… que seuls ceux qui en connaissent l’existence peuvent ressentir… Imagine-t-on des drops chez Celio ou Pimkie ? Le drop permet aussi à la marque qui en est à l’origine de provoquer un effet de surprise bienfaisant dans son calendrier : la petite dose d’adrénaline que tout consommateur d’aujourd’hui attend pour donner un peu d’aspérité à sa vie et s’exprimer sur les réseaux sociaux. De quoi nourrir, enrichir ou rafraîchir le story-telling d’une marque, ce qui n’est jamais à négliger. Le drop permet encore de mieux cerner les goûts et les attentes de ses clients. Pourquoi toujours vouloir produire en grande quantité et prendre des risques alors que quelques produits lâchés sur le marché peuvent suffire pour prendre la température ? Idéal pour corriger le tir et s’éviter la chute. Le drop a enfin pour vertu de faire se déplacer les foules de Millennials dans les magasins du monde réel dont ils pourraient, un jour, oublier l’existence. Une bonne manière pour les marques d’afficher leur santé en montrant qu’elles sont encore « dans le coup ».

Le drop incarnerait donc une sorte de course en avant destinée à mythifier un produit, donner du corps à une marque en créant une légende autour d’elle tout en venant nourrir sa notoriété et sa désirabilité. Qui pourrait être contre ? Il n’est, finalement, pas très loin de ce que l’on appelait au siècle dernier les ventes « flash », à ceci près que, si tout ce qui est rare est convoité (l’affaire est entendue), tout ce qui est rare donne aujourd’hui une raison d’exister à une communauté. Une autre facette du « Je consomme, donc nous sommes »…

Etre là sans être là

Tout a commencé avec le mouvement de Staycation, concept hybride (comme l’aime notre époque) né du rapprochement de Stay et de Vacation, soit l’idée, pour le moins étrange, de rester chez soi pendant les vacances. Ceux qui chaque année s’évertuent à vanter les mérites de Paris au mois d’Août ont trouvé là un argument supplémentaire. Puis vint le temps du Workation, construit sur le même principe, mais adopté au travail. Comprenez : travailler dans des lieux qui pourraient être associés aux vacances. Yoga, méditation, surf, oui, mais entre deux rendez-vous avec les actionnaires et deux réunions de bouclage de levée de fonds. Workation ou comment ne jamais vraiment partir pour pouvoir mieux revenir. Un mouvement né en Californie qui se décline, par exemple, dans le Perche, à la Mutinerie où coworking et coliving se conjuguent sur fond de permaculture.

Et voilà que, maintenant, c’est l’idée de partir à la campagne qui démange les branchés urbains. Plus les villes se remplissent de touristes, plus leurs habitants réfléchissent à des plans B pour s’en éloigner. Ainsi, l’hôtel Le Barn, qui se présente comme un fantasme de maison de campagne à 45 minutes du Périph’ : au milieu de 200 hectares de bois, une ferme et ses granges agricoles revues par une agence éco-responsable de designers/éditeurs où il est possible de jouer au coin du feu et de pratiquer, entre potes ou en famille, la pêche à la mouche, l’équitation, la rando, le yoga et même de s’adonner au plaisir de barbecues éco-responsables locavores. Des activités instagrammables à souhait, certes, mais sans épate. On pourrait aussi citer (toujours dans le Perche…) le lieu « D’une île », récemment repris par Fanny et Valentin, deux anciens des très estimés restaurants parisiens Septime et Clamato avec le soutien de leur chef étoilé, qui propose huit chambres et un restaurant déclinés dans le même esprit cool-créatif qui a fait la réputation de ces établissements.

Staycation, workation ou échappées vertes, on ne peut s’empêcher de penser qu’il flotte actuellement dans les esprits comme une envie d’être ailleurs… sans trop perdre ses repères. En vacances, mais chez soi ou au bureau. Avec ses potes et sa communauté parisienne, mais hors de Paris. Après les City-breaks, voici venu le temps des Life-breaks comme solution pour les évasions de proximité. Pourquoi vouloir toujours aller loin ?