Enseigne service

Depuis peu, Franprix propose aux Parisiens un service de livraison de petits-déjeuners à domicile ou sur leur lieu de travail. En apprenant l’information, on ne peut que se dire que les temps ont bien changé… et que Monoprix a fini par faire des émules… Pour parfaire son nouveau service, baptisé « Matin » (nom déposé), Franprix s’est rapproché du site et de l’application Resto-in qui gère ainsi l’organisation et la logistique de sa nouvelle offre, proposée en trois formules plus ou moins complètes, à des prix Franprix… et livrées par un coursier à vélo de la société Stuart. On ne pourrait mieux faire.

Fort du constat qu’un Français sur trois zapperait ce repas faute de temps, on comprend bien le raisonnement de l’enseigne. Pas cher, composé de produits simples, le petit-déjeuner est sans doute le repas le plus « conservateur » de la journée. Thé, café, pain, viennoiseries, céréales, voire yaourts occupent le terrain depuis des années sans laisser de place durable à toute forme de nouveautés. Importées d’ailleurs, celles-ci restent toujours marginales, preuve que ce moment est fortement lié à des habitudes culturelles. Le petit déjeuner est donc une offre facile à gérer et capable de séduire la quasi totalité de la population. Pour Franprix, il se révèle, en plus, stratégique car tous ses magasins de dernière génération possèdent une machine à presser les oranges dans leur entrée. Orange qui est aussi, au passage, la couleur de son dernier concept commercial. La boucle est bouclée.

Chaque jour un peu plus, la grande distribution chasse ainsi sur le terrain de la restauration. Le rayon traiteur est clairement devenu un enjeu, preuve, qu’après avoir vendu à bas prix, la grande distribution propose désormais de transformer à bas prix. Une manière de préserver ses marges. Il suffisait d’observer les pubs faites par Carrefour lors des fêtes de fin d’année pour finir de s’en convaincre… Les petits-déjeuners pourraient être l’occasion pour les enseignes de participer au combat très challengé des livraisons à domicile. Prochaine étape ? La livraison de plats préparés. Sur le site d’Allo Resto, figure d’ailleurs une offre (discrète) de menus prêts à être livrés en moins d’une heure imaginés par… Franprix… La seule enseigne de distribution à figurer sur le site. Pour combien de temps encore ?

Emojing

C’est la dernière tendance à adopter pour toutes les marques qui veulent se la jouer branchées : avoir son propre vocabulaire en émoticônes, téléchargeables via une application dédiée. Monoprix propose les siens depuis quelques semaines, imaginés par un artiste new yorkais. On n’imaginait pas plus simple… Il faut dire que l’enseigne était prête pour cette nouvelle étape, elle qui, depuis plusieurs années, ne communique avec ses acheteurs qu’à travers des jeux de mots et des clins d’œil sur ses packagings. L’année dernière, l’association WWF avait, elle aussi, imaginé ses emojis personnalisés pour inciter le public à faire des dons. Dans le domaine de la mode, après Versace, c’est la marque Comme des Garçons, au logo en forme de petit cœur rouge malin, qui s’y était aussi mise. Une manière de confirmer sa volonté de devenir plus accessible et de toucher une (nécessaire) population plus jeune. On est loin des vêtements conceptuels qui ont fait la réputation de ses premières heures….

Il y a fort à parier qu’en 2017, les emojis vont continuer à fleurir. L’irruption des marques dans cet univers est-elle d’ailleurs si surprenante ? N’est-elle pas d’abord une manière de venir nous rappeler qu’une marque doit « vivre avec son temps », c’est-à-dire savoir s’immiscer dans les échanges et les nouvelles pratiques de ses cibles. Un signe de vitalité et d’empathie, autant qu’une manière d’afficher sa proximité. Je suis comme vous, leur dit-elle ainsi en substance : moderne, connectée, légère, drôle, voire ironique.. et pas seulement associée à des linéaires, des caisses et des caddies. 

Le succès rencontré actuellement par les émoticônes est aussi le reflet d’une attente forte parmi les consommateurs d’aujourd’hui : le ré-enchantement de leur quotidien. Plus personne n’attend, de la part des marques, la révolution des grands soirs, mais chacun espère d’elles les petits changements, les petits gestes, les petites attentions, les petites surprises qui contribueront à alléger son quotidien et à le lui faire percevoir autrement. Les émoticônes ont tout pour y répondre. Quelques grammes de poésie valent parfois mieux que de grandes déclarations.

Style de vie

Bonne nouvelle pour les fêtes de fin d’année, Fauchon a rouvert ses magasins de la Place de la Madeleine après deux ans de travaux. L’enseigne profite de cet « événement » pour annoncer dans la foulée l’ouverture d’un hôtel pour 2018. Un établissement 5 étoiles de 54 chambres dont 22 suites, situé à quelques mètres de la boutique historique, et qui accueillera au rez-de-chaussée un restaurant dénommé Café Fauchon. Fauchon prévoit d’ouvrir 20 hôtels de ce type avant 2030.

Voilà encore un coup de canif donné à la théorie de l’ADN de la marque, qui aurait dû inciter Fauchon à continuer d’explorer toutes les facettes de l’alimentation de luxe, plutôt que de s’échapper vers le secteur hôtelier. A ce rythme-là, on pourrait aussi envisager un hôtel Paul avec une boulangerie intégrée ou bien un Lignac Hôtel avec pâtisserie et restaurant à l’avenant. Pourquoi pas. Il existe bien, déjà, des hôtels Baccarat, Armani, Jaguar et Camper…

On peut s’interroger sur l’engouement que suscite actuellement le secteur de l’hôtellerie, au point d’apparaître comme le fantasme ultime de nombreuses marques. On comprend bien leur volonté d’être ainsi associées à un style de vie, au lieu de rester enfermées dans leur seule offre produit. Et quoi de mieux qu’un hôtel pour décliner sa vision d’un art de vivre ? On peut aussi  y voir la confirmation de l’émergence de nouvelles attentes de la part des consommateurs, toujours plus en quête de nouvelles « expériences » et/ou de nouvelles sensations. Mais ce mouvement n’est-il pas surtout la preuve que chaque forme de consommation doit, désormais, être associée à un mode de vie ?

Dans un tout autre domaine, on apprend que, loin des salles de concerts et des magasins de musique, les people du moment (Kanye West et Justin Bieber en tête) sont de plus en plus tentés d’ouvrir des pop-up stores éphémères au moment du lancement de leurs nouveaux albums, ou au début d’une nouvelle tournée. Casquettes, T-shirts, hoodies et autres accessoires déclinés à leurs couleurs ne viennent pas seulement combler les attentes de leurs fans, ils viennent aussi suggérer le style de vie auquel ces artistes souhaitent être associés. Une démarche destinée à améliorer leur notoriété sur les réseaux sociaux et à recruter de nouveaux fans. Un peu comme Fauchon avec ses hôtels finalement.

La table par le menu

Au Musée des arts décoratifs de Bordeaux se tient actuellement une exposition autour du thème des menus. L’occasion de revivre quelque 200 dîners prestigieux, hantés par les présences de Jacky Kennedy, du Shah d’Iran ou de la Reine Elisabeth. Un pan d’histoire entier à table. Des menus dans un musée, voilà qui en dit long sur le pouvoir fantasmatique acquis aujourd’hui par la nourriture. Dis moi ce que tu manges, je te dirais à quelle époque tu vis. Il est vrai que la table et les menus racontent parfois mieux leur temps que toutes les peintures et sculptures réunies. Ils parlent bien sûr de notre relation à la nourriture, mais communiquent également des dimensions symbolique et esthétique.

Qu’est-ce que les menus de l’ère fooding raconteront, demain, à ceux qui se pencheront sur les années 2000 ? Leur forme, tout d’abord, les renseignera sur notre penchant pour les mises en scène d’une simplicité étudiée, dont la vertu est de communiquer la complicité et la proximité entre le chef et ses convives. Souvent des feuilles de papier libres, blanches ou couleur kraft, sur lesquelles le menu a été imprimé (voire écrit à la main) le matin pour la journée. Pas de fioritures. Deux entrées, deux plats, deux desserts. Parfois trois. Rarement plus. A peine le nom de l’établissement et une date. Le chef est inspiré comme un auteur.

Le choix des mots, ensuite. Peu de descriptions de plats, encore moins d’envolées lyriques, pas toujours faciles à comprendre, mais des listes d’ingrédients précis, sourcés et porteurs de forts imaginaires. Légumes oubliés, poissons rares, viandes d’exception, fruits aux consonances exotiques. Quelques références géographiques sur les origines, complétées de précisions scientifiques sur les modes et les températures de cuisson. Parfois le cru est préféré au cuit. Une vision du monde. Un état d’esprit.

Le menu est là pour porter la créativité et les talents du chef, mais aussi pour rendre hommage au goût et à la noblesse des « produits » élus. Imagine-t-on un menu fooding proposant une « salade croquante en costume de nos régions », suivie d’un « trésor de l’océan » ou d’un « prince des près à la saveur champêtre », pour terminer avec une « cascade de gourmandises » ? De la sobriété, de la créativité expérientielle et une touche de conscience environnementale : voilà qui décrit plutôt bien les attentes du moment.

Fast beauty

Le phénomène n’échappe à personne. C’est la folie sur le marché du maquillage. A tel point que tous les grands groupes de cosmétiques font la chasse aux petites marques, histoire d’être le plus possible présents sur ce juteux marché (420 millions d’euros de recettes en 2015). Urban Decay, Nyx Professionnal Make Up, Lipstick Queen, Nudestix, Sleek Makeup… les nouvelles marques ne cessent de fleurir. Même H&M et Zara proposent leurs propres lignes de maquillage. Quant à l’italienne Kiko, elle a annoncé avoir ouvert cette année un magasin dans le monde tous les deux jours…

Alors que de nombreux marchés, jusqu’à ceux du luxe, ne cessent de se plaindre de la morosité ambiante et accumulent les replis, celui du maquillage apparaît comme une oasis, qui vient nous rappeler que même en période de grande tempête il existe toujours des abris de prospérité. L’observer de près, c’est en tirer des enseignements pour construire les succès marketing de demain.

Premier point commun à toutes ces marques : elles ne s’adressent qu’à une population homogène, (très) jeune et connectée, qui consacre son premier argent gagné en maquillage plutôt qu’en vêtements, poussée par une urgente envie d’exprimer haut et fort sa personnalité. Face à cette cible pour qui la théatralisation de soi n’est pas une théorie, inutile de dépenser de l’argent en campagnes de pub. Il « suffit » de repérer les bonnes influenceuses sur Youtube et Instagram et de concevoir pour elles le « bon » story-telling, qui permettra à la marque de vivre sa vie en toute autonomie. Le partage, la proximité et le sentiment d’appartenance communautaire valent plus que la visibilité et la notoriété que pourraient apporter les médias traditionnels.

Autre caractéristique de ces marques : leur capacité à renouveler très rapidement leurs offres à coup de séries limitées, de collections éphémères ou événementielles et de partenariats inédits. Un signe ostensible de vitalité. Une manière de maintenir l’attention et de faire la preuve de leur capacité d’innovation. Une forme de proximité aussi, à l’opposé des codes du luxe traditionnel, fondés sur la distance et le glamour intimidant.

Comment s’étonner que la population des digital natives se montre sensible à tout ce qui semble nouveau, elle qui vit dans l’hyper-présent et le zapping permanent ? Après la fast-fashion, place à la fast-beauty.

Hyper extrême

Observer le marché automobile, c’est autant apprendre sur l’évolution technologique et stylistique des véhicules que sur nos fantasmes et aspirations. Qu’il semble loin le temps où il se structurait en trois catégories : berlines, coupés et breaks. Les monospaces ont ouvert la voie de l’hybridation avec l’accouplement d’une berline et d’un camion. Résultat ? Un véhicule qui a totalement renouvelé la manière de vivre dans sa voiture et avec sa voiture. De quoi séduire les familles recomposées et tous les futurs « slasheurs », dont les besoins varient aussi souvent que leurs centres d’intérêts.

Une dizaine d’années plus tard sont apparus les premiers SUV (Sport Utility Véhicules), déclinaison cool et maline des 4X4 qui n’ont jamais rien réussi d’autre que d’attiser du ressenti négatif. Trop gros, trop bling-bling, trop polluants. Les SUV sont ludiques (pas seulement par leurs formes, dans leurs noms aussi : Mokka, Qashqai, Cactus…) et offrent à leurs propriétaires le sentiment de piloter un véhicule et de dominer la route tout en la ressentant. Une expérience inédite.

Voilà qu’aujourd’hui, la presse annonce le débarquement du Pick-up, un véhicule star aux Etats Unis, plus Trump que Clinton (fallait-il y voir un signe avant-coureur ?). Son marché est encore marginal, mais il connaît une belle croissance en Europe, et vient séduire tous ceux qui recherchent un véhicule baroudeur, hors des sentiers du consensus… Renault, Volkswagen, Toyota et Ford sont déjà sur les rangs. En attendant Peugeot et Mercedes. Comment s’étonner de ce succès ? N’est-il pas, finalement, qu’une déclinaison motorisée des boot camps et autres crossfit, exercices collectifs aux valeurs viriles revendiquées, entre stages de survie en forêt et défis de force en tous genres ? N’est-il pas la conséquence de l’adoration avec laquelle nous vénérons aujourd’hui la nature sauvage et intacte, ou la forêt profonde et mystérieuse ? Vraies, authentiques, pures et surtout à l’abri des excès de notre monde.

Après les chemises à carreaux épaisses, assorties de chaussures montantes tous terrains, les parkas techniques et les barbes de druides, place aux Pick-ups. Et peu importe que ceux-ci offrent le confort des grandes berlines – puisqu’il s’agit surtout de modèles à quatre portes – l’important c’est l’apparence et les sensations : viriles, rustiques, solides, brutes, à l’opposé des formes fluides et du tout technologique. La preuve que les propositions extrêmisées ont toujours leurs fans… surtout dans un moment où tout semble un peu morose et sans grandes perspectives…

Oxymores

Le marketing, c’est un peu l’art des oxymores. Chercher à rapprocher ce qui paraît éloigné peut même être le fondement de l’innovation : pour créer des ruptures sur son marché, pour susciter l’étonnement et le buzz, ou encore pour installer de nouvelles habitudes et attitudes.

Le naturel et l’industriel sont ainsi réconciliés depuis bien longtemps. L’urbain et le rural ont cessé de se disputer pour faire place à la « urbanité », désormais entrée dans les mœurs. Il suffit aujourd’hui de jeter un œil aux terrasses et aux jardins pour finir de se convaincre que l’intérieur et l’extérieur ne s’opposent plus. Il en est de même pour santé et plaisir, deux idées qui, il y a vingt ans, n’auraient pas pu se croiser. Voilà que c’est à présent au tour du rationnel d’être challengé sur son territoire par l’irrationnel, histoire de le « décoincer » un peu et d’ouvrir de nouvelles brèches dans les esprits.

Regardez notamment du côté de la cosmétique pharmaceutique ! Assurément le gros boom du moment, au vu du nombre de produits qui sont lancés et d’articles qui y sont consacrés. La « beauté sans ordonnance », comme le titrait récemment un magazine. Entre sécurité, assurée par des armées de dermatologues qui veillent à ce qu’aucun ingrédient ne soit nuisible, et packagings d’une grande sobriété, qui savent garder à distance toute dérive bling-bling, on pourrait croire que la cosmétique pharmaceutique est la chasse gardée des arguments rationnels. Et pourtant, à bien scruter les rayons des parapharmacies, on ne tarde pas à découvrir des offres qui ont su s’en éloigner sans perdre de leur capacité de séduction.

Elles portent tantôt le mot « prodigieux », tantôt le mot « divin», quand ce n’est pas « enchanteur » ou « enchanté ». Finalement, c’est un peu comme si les arguments sérieux, les voix graves, les schémas et les blouses blanches ne pouvaient pas totalement suffire pour séduire ; un peu comme si les consommateurs (jamais aussi rationnels qu’on les imagine) étaient aujourd’hui en attente d’un petit supplément d’imaginaire à la Harry Potter ; un peu comme si une dose de magie venait donner plus de force aux arguments rationnels. Cette fois-ci, le marketing n’aura pas beaucoup d’efforts à faire pour créer de nouveaux oxymores. Les consommateurs le souhaitent.

Intensification

Le 6 novembre dernier, à l’occasion du salon EquipHotel, a été lancée l’opération (un peu confidentielle, il est vrai…) « Tous les Parisiens à l’hôtel », qui offrait la possibilité de bénéficier de 50% de réduction sur les bars et restaurants d’hôtels. Une manière de provoquer des rencontres et de mettre de la vie dans un parc hôtelier qui souffre de désaffection depuis les différents événements qui se sont produits à Paris. Des évènements qui, en particulier, n’ont pas manqué de susciter des craintes parmi certains (beaucoup) de ses riches clients.

Se rendre dans un hôtel pour dîner ou boire un verre est ici présenté comme un divertissement et une destination comme les autres, entendez comme aller au cinéma ou au théâtre. Pourquoi pas. Un divertissement pour tous aussi. Pas besoin d’être millionnaire. Les experts, toujours à l’affût de nouvelles tendances, ont aussitôt trouvé ce qu’ils cherchaient. La Staycation, rencontre de « Stay » et de « Vacation », était née. Un phénomène qui consiste à chercher à se dépayser sans quitter son quartier ou sa ville. Pour preuve, l’existence d’un site proposant des tarifs réduits à ceux qui voudraient dormir le soir même dans un hôtel de la capitale. Une escapade sans décalage horaire qui pourrait relancer l’économie locale. Pas mal !

C’est aussi une nouvelle forme de tourisme qui prend ici forme, plus verticale, moins horizontale, qui cherche à  approfondir, mieux connaître, s’étonner de ce qui est proche plutôt que de partir à l’autre bout du monde, d’aller partout comme s’il fallait cocher une liste de lieux à avoir vus… mais toujours de manière superficielle. Le phénomène de Staycation décrit ainsi une forme de maturité de la part de certains consommateurs, lassés de dépenser de l’énergie pour aller chercher très loin ce qui peut, finalement, se trouver à côté.

Passer un moment dans un hôtel de sa ville (et pourquoi pas, aussi, une nuit ?), c’est vivre une expérience nouvelle, s’étonner de ce que l’on croyait connaître, découvrir de nouvelles sensations, donner de la densité à son temps plutôt que s’agiter à le perdre. Une autre manière de voir le monde et peut-être même une nouvelle aventure contemporaine.

Cool conso

Bon, d’accord, l’évènement a surtout fait du bruit sur les réseaux sociaux. Voilà qu’il y a peu, la rumeur annonçait la présence de Scarlett Johansson dans un magasin de popcorn « gourmet » du Haut Marais… non comme cliente, mais comme vendeuse. Du jamais vu. Imagine-t-on Catherine Deneuve derrière un comptoir de la Grande Epicerie ? Il s’agissait en fait du magasin ouvert par la sœur de son mari. Une affaire de famille en quelque sorte. Les mauvais coucheurs ne manqueront pas de souligner qu’elle est arrivée une heure avant la fermeture. D’autres, qu’elle ferait mieux de vendre des légumes bio. Ok. Mais l’intérêt demeure tout de même de voir se rapprocher continents alimentaires et people.

Rien d’étonnant finalement, mais notons que bien peu de people, hors du secteur culinaro-gastronomique, se sont jusqu’à présent risqués sur cette terre inconnue. Certains ont mis leur nom sur du vin, mais le vignoble, c’est noble. Personne du côté des biscuits, des pâtes ou des yaourts, hormis quelques présences tarifées dans des spots de pub « événementiels ». Scarlett Johansson associée au popcorn, c’est donc forcément l’évènement. Pourquoi pas ailleurs, et plus souvent ?

D’un côté, des people qui sont devenus plus efficaces que les médias. De l’autre, le fantasme, très présent parmi les consommateurs, de la « petite production artisanale de qualité », quand ce n’est pas carrément du « home made », qu’un seul individu peut incarner. Les people d’aujourd’hui tombent à pic. Contrairement à ceux d’hier, plus « mass market », ils touchent fortement leur communauté de fans, au point que leur existence peut parfois échapper à une bonne part de la population. Idéal pour un ciblage efficace ! Ils sont aussi plus accessibles que leurs aînés, et favorisent l’identification, indispensable pour assurer les ventes et le succès. Enfin, ils portent tous des valeurs ou des discours, souvent légers, certes, mais suffisants pour nourrir une image de marque et leur conférer un air « cool » et « hors système », qui colle bien à l’air du temps. Personne ne les imagine associés à une multinationale anonyme…

Culture lol

Au commencement, il y eut Carambar et ses blagues. Normal, la marque avait surtout pour ambition d’envahir les cours de récré. Puis vinrent Michel et Augustin, inspirés par Ben & Jerry’s, avec leurs petites phrases, leurs petites illustrations et leur ton complice. La culture « lol » triompha lorsque Monoprix décida de repenser ses packagings. Fini les belles images de plans-produits qui font rêver, place aux clins d’œil et aux jeux de mots premier niveau. Place aux haricots « qui ne sont pas des fayots », au lait « qui peut être beau », et au beurre « goûté et approuvé par le petit Chaperon Rouge ». Et ce ne sont ni le Slip Français, ni Bagelstein, ni même Big Fernand et ses burgers qui viendront contredire la tendance. Vive le marketing cool !

A une extrémité du marché, l’alimentaire se raffine, se sophistique, « s’élitise » avec ses beaux discours sur les origines, les savoir-faire et ses packagings à la typo ultra léchée. De l’autre, il fait dans le popu, entre ambiance PMU des jours de marché et vannes d’atferwork. Les deux coexistent. Comme le luxe et le low-cost ou le local et le global. Les deux approches ne sont d’ailleurs pas aussi contradictoires qu’elles n’y paraissent, puisqu’il s’agit toujours pour une marque de chercher à se doter d’un supplément d’âme et de surprendre les consommateurs.

Se « contenter » de proposer des produits ne suffit plus. Il faut aussi être capable de tisser des liens émotionnels et une connivence avec ses acheteurs. Etre sérieuse, rassurante et « responsable » n’est pas toujours nécessaire. Parfois, le fun et le cool suffisent pour l’emporter. Peut-être parce qu’il devient de plus en plus difficile pour les marques de se différencier de leurs concurrents et de renouveler les arguments traditionnels. Peut-être aussi parce qu’il leur faut séduire une nouvelle génération de consommateurs, pas toujours 100% rationnelle, qui adore jouer avec les codes, les identités et les valeurs, et qui n’attend plus nécessairement d’une marque qu’elle leur fasse un numéro de danse du ventre pour les convaincre.

Puisque certains d’entre eux ont décidé de travailler en s’amusant, pourquoi ne chercheraient-ils pas, aussi, à s’amuser en consommant ?