Choix émotionnel

A Paris, à la parfumerie Nose, avant de se décider, chaque client est soumis à un questionnaire semblable à ceux que l’on rencontre dans les magazines féminins. Plus question, ici, de se contenter de lui demander de quelle « famille » olfactive il se sent proche (hespéridé, chypré, boisé…), pas toujours claire à identifier et « enfermante », mais de lui poser des questions du genre « Quel est votre passe-temps favori ?», « Etes-vous plutôt sucré ou salé ? » ou encore « Quels sont les trois derniers parfums que vous avez portés par ordre chronologique ? ». La base de données de l’enseigne se charge de récupérer les notes communes, d’établir un « profil » et de recommander cinq jus parmi les 450 du catalogue (une cinquantaine de marques) qu’elle distribue.

Au Royaume-Uni, pour le lancement de son modèle SUV Bentayga, Bentley a imaginé une application baptisée «Bentley Inspirator» permettant de configurer le véhicule à partir de l’analyse des émotions de son futur acheteur. L’application diffuse une vidéo interactive proposant différents scénarios qui évoluent en fonction des émotions ressenties grâce à une technologie permettant la reconnaissance de 34 expressions faciales.

Quant aux clients d’Uniqlo de Melbourne et Sydney, ils peuvent, eux, choisir leur T-shirt parmi les 600 proposés, grâce à un système capable de mesurer leur activité cérébrale à partir de leur réaction à diverses images et vidéos projetées sur un écran… Trois exemples qui viennent illustrer l’idée que la technologie peut servir à autre chose qu’à « spectaculariser » la consommation ou à « faire parler » les datas. Trois exemples qui viennent aussi annoncer, à leur manière, le prochain défi des marques : permettre à leurs clients d’accéder à une offre véritablement individualisée à partir d’une compréhension émotionnelle de leur personnalité. Une nouvelle manière de conduire au choix (moins rationnelle, plus ludique, plus instinctive) autant qu’une nouvelle expérience de marque.

Sans doute l’ultime étape d’une évolution qui, pour les enseignes, est allée de la connaissance de leurs clients à l’empathie en passant par la compréhension de leurs besoins et l’écoute de leurs désirs.

Pot à pot

Lorsque l’on voit certaines innovations imaginées par les enseignes, on ne peut s’empêcher de se demander si les marques sont toujours vivantes… Après les Fruits et Légumes Moches et le Jus le Plus Frais, Intermarché poursuit sa démarche rupturiste en lançant une gamme de produits conçue pour limiter les addictions au sucre, baptisée fort à propos « Sucre Detox ». Une offre calée sur une question de société, c’est déjà un bon point. Construite sur un principe simple, c’est encore mieux.

L’idée est en effet de proposer une gamme de crèmes desserts au chocolat en portions individuelles avec un taux de sucre dégressif. Le tout pour finir par 50% de sucre en moins. Pot à pot, le consommateur peut ainsi habituer son palais. Une démarche inspirée par les méthodes de sevrage tabagique, il fallait y penser. Le benchmarking a encore de beaux jours devant lui.

Jusqu’à présent, les linéaires proposaient, d’un côté des produits « normaux », de l’autre des produits « allégés ». Pourquoi ne pas rapprocher les frontières et proposer un « entre deux » qui n’oblige pas les consommateurs à faire un choix restrictif ? L’autre bonne idée est d’avoir pensé à intégrer le temps dans son offre. Pas si simple. Ici, chaque produit n’est pas seulement associé à un taux de sucre précis (démarche marketing classique), mais à la perspective d’un moindre taux à venir (démarche marketing innovante). La gamme cesse d’être un regroupement de produits pour devenir une suite de promesses, d’états, d’effets, conduisant en douceur vers le résultat annoncé. Une gamme dynamique en quelque sorte.

Le consommateur n’est plus laissé seul face à son « problème ». Il est accompagné par la marque. Il n’est pas « puni » en étant privé de sucre, mais mené le long d’un désapprentissage. Résultat ? Réduire sa consommation de sucre devient plus facile, presque ludique, et ceux qui ont tenté l’aventure peuvent venir témoigner de leur parcours sur le site de la marque. En cas de plébiscite, le système sera étendu à d’autres offres.

C’est ainsi qu’une communauté prend forme… et qu’une marque trouve légitimement sa raison d’être.

Engagement consommateur

Tesla, le fabricant américain de voitures électriques de luxe, a enregistré 325.000 pré-commandes en quelques heures pour un modèle qui ne sortira qu’en 2017 et au prix de 35 000 dollars. Soit deux fois moins que son équivalent actuel, mais pas encore vraiment ce que l’on pourrait appeler un « premier prix »… Pour réserver sa voiture, chacun a dû quand même débourser 1000 dollars. Ceux qui pensaient que les véhicules électriques ne rencontreraient le succès que si le prix du pétrole explosait en sont pour leurs frais. Celui-ci n’a jamais été aussi bas…

C’est autant la rapidité et le nombre de pré-commandes que la mécanique mise en place par Tesla qui est intéressante. Un nouveau modèle marketing est à l’œuvre. Il consiste tout d’abord pour une marque à impliquer ses acheteurs potentiels très en amont. Avant même que le produit soit sorti, pour leur donner le sentiment de faire partie d’une aventure. L’opportunité pour elle de « faire vivre ce temps d’attente » : informations régulières, avis recueillis sur des orientations possibles, invitations à des avant-premières…

Demander à des consommateurs d’engager une somme très longtemps avant de posséder le produit est sans doute le signe le plus fort de la confiance mise dans une marque. Ce n’est plus la possession qui prime, mais la perspective de la possession. Posséder quelque chose avant les autres comme expression d’une appartenance à une communauté, voire à une élite. Pas à une élite financière (il ne s’agit, après tout, que de s’engager à hauteur de 1000 dollars…), mais à une élite de consommation qui a décidé de mettre celle-ci au service d’un changement de société. Ici, favoriser le passage de l’essence à l’électricité dans les modes de déplacement. La consommation au service de quelque chose de plus grand que la consommation. 

Tesla suggère aussi un nouveau modèle économique en faisant d’un acte d’achat l’objet d’une opération de crowd-funding. Si lancer la production d’un nouveau véhicule coûte cher, l’opération devient nettement plus facile après avoir récolté 325 000 fois 1000 dollars… Ce système de pré-vente cumule tellement d’avantages que l’on ne peut pas imaginer qu’il n’inspire pas d’autres secteurs. Quel sera le prochain ? 

Color Block

Toutes les fashionistas du monde le savent bien : la tendance du moment est au Color Block. Color Block ? Une manière de s’habiller en faisant co-exister des couleurs fortes et tranchées qui donne un air de tableau de Mondrian à toute silhouette qui l’arbore. Le phénomène dépasse l’univers du prêt-à-porter et des accessoires pour atteindre, entre autres, les marques de parfum lorsque celles-ci déclinent leurs flacons en couleurs intenses (Hermès, Guerlain) ou les constructeurs automobiles qui osent de plus en plus souvent des véhicules aux carrosseries peintes par tranches.

Comment ne pas imaginer que ce phénomène ne finisse pas, un jour, par toucher le monde alimentaire ? Lui qui épouse chaque jour un peu plus les codes de la mode avec ses collections de saison, ses « capsules », ses pop-up stores et ses créateurs… ? Le voilà donc qui commence à apparaître avec, ici des dim sums verts et jaunes (vus chez Dim Sum Cantine, Paris IX), là, un burger blanc (vu chez Siseng, qui de Jemmapes) ou encore des tacos à pâte bleue comme chez Distrito Francès, près de la Porte St Martin à Paris. A New York, on peut même manger des « rainbow bagels »… Place à l’imagination.

Il fut un temps où les experts du packaging soutenaient que le bleu et le noir n’étaient pas des couleurs alimentaires, affirmation largement infirmée depuis par Barilla, Carte Noire, Gü et les autres. Certains secteurs restent bloqués pour la vie dans les mêmes codes couleurs. Les biscuits oscillent ainsi depuis toujours entre le jaune et le orange, les produits laitiers ne connaissent que la route qui mène du blanc au bleu… L’explosion des couleurs n’est pourtant pas réservée aux macarons et aux éclairs !

En dehors d’une vague de vert censée signifier une conscience écolo-bio, que s’est-il passé de nouveau et de « rupturiste » du côté de la couleur dans le monde alimentaire ? Au moment où tous les consommateurs sont en attente d’étonnement, la question mérite d’être posée. Car la couleur est d’abord au service de la débanalisation. Des offres comme des linéaires. Une manière simple d’émerger. Quand elle est en rupture, la couleur fait parler, suscite le buzz. Elle permet aux marques comme à leurs clients de porter un nouveau regard sur l’existant. Elle est style de vie et peut même conduire vers les pentes de la régression. Elle est la vie.

Ne mérite-t-elle de figurer au centre des réflexions lorsque sont abordées les questions d’innovation marketing ?

La vie en bol

Réinventer la cuisine, c’est parfois réinventer la relation à la cuisine. Manger dans une assiette peut sembler à certains trop banal. La finger-foood a eu son heure de gloire, la cuisine en mugs n’a fait que traverser les pages des magazines féminins. Pourquoi ne pas se laisser tenter aujourd’hui par le bol ? Ce récipient creux longtemps associé au petit-déjeuner ou à la soupe semble être devenu LE truc du moment. Il domine Instagram (rice bowl, burrito bowl…), suscite des collections de livres de recettes et vient même donner vie à de nouveaux concepts de restauration comme les Bars à salade ou, plus récemment, Les bols de Jean (un ancien de Top chef) : une enseigne qui ne sert ses plats que dans des bols en pain… Contenus et contenants sont ainsi simultanément avalés…

A la différence de l’assiette, le bol ne se la joue pas grand train. Il ne se présente pas vêtu de fine porcelaine dorée et peinte à la main. Il revendique ses origines modestes. Massif, solide, rustique, voire rugueux, le bol vient de la campagne. Il est aussi synonyme de régression. La part d’enfance chocolatée ou «nesquikée » qui reste associée aux souvenirs du petit déjeuner avant que les mugs et autres gobelets à couvercles imaginés par Starbucks et consorts n’occupent le terrain des habitudes. Le bol est mélange, désordre, chaos, non hiérarchie quand les assiettes veillent à ce que chaque ingrédient en présence ait une place sans avoir à se compromettre physiquement.

Dans une assiette, tout est lisible et bien souvent théâtralisé. Dans le bol, tout est sans dessus-dessous et appelle à l’exploration. Le bol c’est encore l’Asie et son exotisme de proximité. Nouveaux rites, nouveaux gestes. Un mélange de saveurs pour de nouvelles expériences. Le bol, c’est enfin, autant un lieu de préparation qu’un lieu de dégustation. On y fait ses petits mélanges, ses dosages de sauce et d’ingrédients soi-même avant de déguster le tout. Chacun son bol, chacun son plat. Un espace de liberté individuelle. Le bol c’est l’anti-partage. Un bol à partager, ça porte d’ailleurs un autre nom : un saladier…

Authentique, rassurant, transgressif, individualiste, innovant, le bol ne nous raconte-t-il pas, à sa manière, la façon dont notre société évolue ?

Fnacathlon

Il y a quelques semaines, le magasin Fnac de la rue de Rennes accueillait en son sein un magasin Uniqlo, déroutant certainement ceux qui avaient l’habitude de fréquenter son sous-sol pour y trouver des disques. Aujourd’hui, l’enseigne culturelle frappe à nouveau fort en annonçant qu’elle allait entrer sur le terrain du sport. Pour présenter la lecture comme un sport culturel ? Non. L’ambition est bien plus terrestre puisque la Fnac vient d’ouvrir son site internet aux marques de matériel sportif.

Des produits techniques haut de gamme urbains comme des trottinettes électriques, des gyroroues et des longboards. Mais aussi, des snowboards, des skis, des raquettes de tennis, des vélos de toutes sortes. Ou encore du matériel de fitness et de musculation. Pas moins de 120.000 références sont annoncées. Pas de vêtements, mais pour combien de temps ? Une offre qui s’inscrit dans la continuité de ses bracelets connectés, aspirateurs et autres machines à café de luxe… Voilà donc la Fnac en concurrence frontale avec Decathlon. C’est peu dire que le commerce est, en ce début de siècle, en pleine réinvention…

Pendant longtemps, les libraires et autres vendeurs d’articles culturels se disaient qu’il fallait sortir leur offre de leur magasin pour maintenir leur attractivité. Autrement dit, mettre des livres à côté du matériel de camping et des produits alimentaires, ou bien être présent lors d’événements culturels. Avec son initiative, la Fnac vient nous prouver que prendre le chemin inverse est aussi possible : faire venir les loisirs de toutes sortes aux produits culturels. C’est la question de la définition de la culture que pose ici l’enseigne. Ne plus la limiter aux seuls livres et disques, mais l’ouvrir à tout ce qui peut susciter un intérêt. Ne plus raisonner en silos d’émetteurs, mais leur préférer les organisations mentales des consommateurs.

Qu’ont-ils envie de faire durant leur temps libre ? Lire, écouter de la musique ou faire du skate ou du yoga ? L’important n’est pas l’activité, mais l’envie. Cette extension d’offre de la Fnac vient finalement nous renseigner sur la véritable force d’une enseigne : pas seulement une offre et des clients fidèles, mais aussi une puissance d’attractivité dans le monde virtuel. Sans le trafic de son site, comment la Fnac pourrait-elle faire de celui-ci une place de marché attractive pour des marques pour qui elle se contente d’être un intermédiaire ?

La campagne à la ville

Le salon de l’Agriculture vient de fermer ses portes et le public (beaucoup moins nombreux que les autres années…) n’aura retenu que des agriculteurs en colère. Il n’y avait pourtant pas que ça. Le salon de l’agriculture est aussi le lieu du dialogue entre la ville et la campagne. Sur le stand de La Ruche qui dit Oui, ce qui n’est pas un hasard, la start-up Agricool (un nom formidable) présentait ainsi son innovation « food-tech » : une fraise « écolo, non saisonnière et pleine de saveur » cultivée… en container… Une installation peu gourmande en eau et facile à installer en ville.

La fraise est le fruit préféré des Français, mais elle est aussi massivement importée, principalement d’Espagne. Le signe d’un certain malaise car, pour fournir des produits de qualité capables de supporter le transport, il est nécessaire d’utiliser des pesticides qui nuisent à la saveur, à la santé et à l’environnement… Le secret pour retrouver des fruits et légumes de qualité est donc de supprimer le transport en faisant pousser les plantes sur les lieux de consommation. D’où l’idée d’un container qui va permettre d’être beaucoup plus productif qu’une culture en terre en réunissant les conditions les plus favorables à la culture de fraises. 

Température contrôlée, hygrométrie stable, air filtré pour empêcher la pollution des villes et l’intrusion de bactéries, spectre de lumière adapté grâce à des LEDs basse consommation, tout a été pensé pour optimiser les conditions de culture. Pour compléter cette installation qui veut reproduire ce que la nature avait initialement prévu, des insectes pollinisateurs sont même introduits, comme les bourdons et les coccinelles. Le container permet de récolter 7 tonnes de fraises sur un an et 60 barquettes de 250 grammes par jour, au prix consommateur de 3 euros les 250g.

L’objectif d’Agricool est d’installer 10 containers à Paris fin 2016 et une centaine en 2017. Des tests sont menés actuellement sur des salades et des tomates. La semaine dernière, la presse annonçait que le BHV allait installer un jardin de 1400 mètres carrés sur son toit pour produire fleurs, fruits, légumes et aromates. Le mythe de la campagne à la ville n’est pas prêt de disparaître. Voilà le Printemps !

Transgenre

L’affaire est entendue, c’est le règne de la confusion des genres. Et pas seulement des genres sexuels. Aussi des genres alimentaires. Sucré et salé, orient et occident ont été les premiers à faire bouger les lignes et à s’inspirer les uns des autres pour imaginer de nouvelles propositions toujours d’actualité. Aujourd’hui, plus subtile encore, c’est la frontière entre liquide et solide qui s’entrouvre.

Ici, ce sont des cocktails qui se présentent comme des recettes liquides. Car « Ispahan », tarte au citron meringuée, macaron caramel ou cupcake peuvent désormais, aussi, se boire. Bienvenue dans le monde des « foodtails ». Là, ce sont des boissons qui se prennent pour des repas liquides. Certaines, même, avec des promesses cosmétiques. Des repas liquides de beauté et de santé. Dire « détox » et non « régime » ou « diète » car on ne se prive de rien : on fait le plein de vitamines et de nutriments.

Cette vague de jus pressés à froid vient des Etats-Unis (pourrait-elle venir d’ailleurs ?) où le chou agrémenté de gingembre serait sur le point de détrôner le café latte  à en croire les gazettes féminines qui se font le relais du mouvement. Ces jus, qui permettraient à chacun d’assurer sa ration quotidienne de fruits et de légumes en quelques gorgées portent souvent des numéros ou des codes… Un gage de « scientificité »

Certains ne manqueront pas de s’inquiéter de cette société qui ne mâche plus que des mots et finit par tout avaler sans efforts. Un peu comme dans les hôpitaux ou les maisons de retraite. Ou encore de cette course épuisante et permanente à la nouveauté qui a parfois des accents de fuite en avant. Mais si cette nouvelle génération de jus rencontre aujourd’hui le succès, n’est-ce pas parce qu’elle incarne la parfaite équation marketing du moment ? Une technologie (extraction à froid), un rite (une consommation sous forme de cure) et une promesse de transformation de soi (teint, ventre plat, énergie retrouvée, pouvoir drainant…). La religion revisitée par la technologie.

Marque-people

Une fois n’est pas coutume, abordons ici un livre qui vient de sortir. Pas un livre de philo ou de psychanalyse. Bien trop éloigné de nos préoccupations hebdomadaires (encore que…), mais un livre sur les people. Comment pourrait-on aujourd’hui prétendre raconter le marketing sans aborder la question des people ? Un sociologue/chroniqueur d’une radio de service public vient de produire un essai sur la question en inventoriant leurs différentes facettes, et donc leurs différentes fonctions. «La Souveraineté des people », tel est son titre.

Sa thèse est que lorsque nous nous passionnons pour eux, nous ne faisons pas que satisfaire un voyeurisme malsain (bonne nouvelle), nous communions tous ensemble dans une valeur devenue centrale, la célébrité, dont la principale vertu est de nous faire oublier le travail, l’altruisme ou la spiritualité. La célébrité serait ainsi devenue la seule vraie religion de notre temps.

En tant que modèle, le people peut nous montrer la voie de la perfection (par son obsession de l’esthétique et de la mise en scène de lui-même), nous aider à prendre conscience de certains travers de notre société (c’est sa fonction « Robin des bois ») ou nous coacher (par des conseils en tous genres puisés dans sa propre expérience). Voilà pour l’essentiel de ses missions. Certains accèdent à la position très enviable d’être « de droit divin » (auréolés d’une gloire quasi-mythologique, il leur suffit d’être) alors que d’autres n’existent que pour susciter polémiques, scandales et divisions (leur fonction est de provoquer le débat). Dans les deux cas, une belle manière d’exister sur les réseaux sociaux….

Faire un parallèle avec les marques est évidemment très tentant… Elles aussi ont pour ambition de nous faire oublier le quotidien, de nous faire rêver, de nous donner l’illusion d’accéder à un autre monde ou encore de modifier l’image que nous avons de nous-mêmes. Elles sont également capables de nous rendre perfectionnistes, de nous aider à dénoncer ce qui ne va pas dans notre société et de nous coacher. Elles ne s’en privent d’ailleurs pas. Certaines accèdent, elles aussi, au statut de droit divin alors que d’autres n’existent que pour diviser…

Si peu de marques exercent la même fascination que les people, chacune d’elles ne devrait-elle pas se donner pour objectif de construire avec ses clients une relation semblable à celle que ceux-ci entretiennent avec les people ?

La tyrannie du cool

C’est la cible qui fait rêver les marques autant qu’elle leur fait peur. Les Millennials. Ceux qui sont nés autour du début du siècle. Les plus jeunes ont une quinzaine d’années, les plus âgés, vingt cinq ans. Si loin et si proches des plus de 35 ans. Chacun sent bien que leurs comportements, leurs gouts, leurs points de vue ne sont pas comme ceux des autres. Les séduire, c’est l’assurance pour une marque de ne pas passer pour ringarde. Ne pas les prendre en compte, c’est se préparer à entrer dans le musée du marketing. Hier, Culture G rimait avec Générale. Aujourd’hui, avec Générationnelle. Affaire d’époque.

Conséquence ? Tout le monde fait un effort pour ne pas être largué. Le prêt-à-porter invente de nouvelles silhouettes, urbaines et cool, en puisant dans les codes du sport et en tentant de s’affranchir des conventions. Les entreprises tiennent toutes à avoir en leurs murs, un baby-foot, des canapés et des coussins de couleur. Les hôtels s’inspirent des nouveaux « youth hostels » et multiplient les espaces de co-working, le mélange de meubles, les murs en bois clair, les ampoules à filaments et les clins d’oeil sous forme de citations aux murs. C’est le prix à payer pour répondre à la tyrannie du cool.

Dernièrement, on apprenait que la chaîne d’hôtels Hilton (Hilton !) se lançait à son tour à la conquête des Millennials avec une nouvelle enseigne : Tru by Hilton. Les brainstormings ont encore de beaux jours devant eux… Moins haut de gamme (on pouvait s’en douter…), les Tru by Hilton devraient voir le jour fin 2016… Leur point de différence ? Ni le petit déjeuner, ni la qualité du sommier, ni le restaurant, ni la taille de la chambre, mais leur design et leur état d’esprit. Comprenez : moderne, collaboratif et connecté.

Des espaces dédiés au co-working seront bien sûr prévus et les clients pourront réserver leur chambre via leur smartphone et se détendre dans des « play zones » avec babyfoot intégré… Encore lui. Selon Hilton qui semble avoir étudié l’affaire de près, les Millennials rechercheraient, lorsqu’ils sont en voyage, « des interactions humaines, une personnalisation et un environnement qui leur permettent de créer des expériences ». Quant à la com’, elle sera toute « en photos pleines d’esprit, en couleurs vives et vibrantes, en illustrations fun, en formes rondes »… et portée sur les réseaux sociaux jusqu’aux halls qui proposeront tous un « mur social »…

Un peu comme au bureau, finalement.