Esprit Maison

Ici, c’est la Maison Lejaby qui ouvre son premier magasin de lingerie à Lyon. Là, c’est la Maison Plisson qui propose son épicerie choisie et responsable à destination de sa clientèle bobo et de passage. Un peu plus loin, c’est Maison Père, Maison Labiche et Maison Standards, toutes trois spécialisées dans le vêtement urbain contemporain. La mode de la Maison est lancée et il y a fort à parier que la coupe va vite se remplir… Il est loin le temps où seules les « maisons de couture » usaient de cette appellation… Mais pourquoi donc tant de « maisons » en ville ?

Sans doute parce qu’elles « convoquent de nouveaux imaginaires » comme aiment à le répéter les spécialistes du marketing. Dans le monde des entreprises, les start-ups sont venues bouleverser les codes et les habitudes avec leurs babyfoots, leurs cantines bio et leurs coussins de couleur posés à même le sol. Aujourd’hui, elles sont une source d’inspiration pour toutes les entreprises conscientes d’une nécessité de se réinventer pour toucher de nouvelles populations.

Les « Maisons » sont au commerce traditionnel ce que les start-ups furent au monde de l’entreprise. Une manière de réinitialiser l’existant. De montrer que quelque chose se passe. Maison signifie « origine française » et authenticité. Maison appelle le savoir-faire, la tradition, l’artisanat. Le mot renvoie à l’histoire, au métier, au patrimoine. Maison signifie attention. Attention portée à son offre comme à sa relation avec ses clients. Maison induit « l’entre soi ». Des commerçants impliqués personnellement dans leur activité et une clientèle qui s’envisage comme une communauté. La confidentialité n’est pas loin… Maison a tout bon.

Son apparition est la preuve que les relations entre consommateurs et enseignes sont en train d’évoluer. Que le commerce cesse d’être exclusivement envisagé comme la répétition à l’identique d’un modèle. La même offre un peu partout, ici ou ailleurs. Qui pourrait être contre ?

Shop under the shop

L’affaire est passée totalement inaperçue. Elle est pourtant la preuve vivante que le commerce d’aujourd’hui ne se pratique plus comme hier. Le répéter, c’est bien ; le constater, c’est mieux. Vendredi dernier, Uniqlo ouvrait son dixième magasin, à Montparnasse… au niveau -1 de la Fnac… A cette adresse, il faudra donc passer par la culture pour accéder aux pulls en cachemire et aux doudounes… Difficile de faire plus inattendu. Les disques qui, jusque là, s’y trouvaient ont ainsi été rapatriés dans les étages supérieurs afin de laisser leurs 1040 m2 au textile. Sans doute une première dans le monde du commerce en France.

Au Japon, Uniqlo teste depuis 2012 ce principe, baptisé pour l’occasion « Biqlo » (…) avec une enseigne de produits électroniques et ménagers. Imaginez que l’on puisse trouver une boutique Comptoir des Cotonniers au fond d’un magasin Séphora ou encore une enseigne Eveils et Jeux à l’étage d’un Monoprix. Et pourquoi pas un pop-up store Swatch dans une boulangerie Paul ? Ces idées sont-elles d’ailleurs si iconoclastes ?

Elles viennent d’abord nous rappeler que la consommation est de plus en plus une affaire de style de vie et que, dans cette perspective, regrouper des enseignes d’univers différents, mais correspondant à une même vision de la vie, n’est pas absurde. Il y a fort à parier que les clients de la Fnac aient beaucoup de points communs avec ceux d’Uniqlo.

Faire passer ses clients à travers une enseigne pour leur permettre de se rendre dans une autre est aussi une nouvelle manière d’envisager la théorie du « shop in the shop » chère aux grands magasins. Sauf que là, le shop en question n’est pas une reproduction miniature d’un magasin destinée à entretenir une expérience d’achat, mais une vraie surface de vente avec une offre complète. Un véritable « shop under the shop » qui peut permettre à chacune des deux enseignes en présence de profiter du trafic de l’autre. Malin.

De tels rapprochements peuvent aussi être l’occasion rêvée d’imaginer des animations ou des opérations promotionnelles inédites. Deux DVD achetés et hop ! une remise sur un col roulé en mérinos. Place à l’imagination. Une fois encore, la recherche d’un étonnement consommateurs s’affirme comme un moteur marketing.

Couleurs de goût

Après trois ans de travaux, le musée Rodin vient de rouvrir. Outre la collection permanente enrichie d’œuvres inédites du sculpteur, la décoration d’intérieur mérite l’attention. C’est la maison Farrow & Ball qui a repeint les murs et a créé pour l’occasion une nouvelle teinte : le gris-brun « Biron » Gray, du nom l’hôtel dans lequel l’artiste résida dans les années 1900.

Il n’aura pas échappé aux amateurs de culture que certains murs de musées sont désormais accompagnés d’une référence au fabricant de peinture Farrow & Ball (au Musée Européen de la Photographie à Paris ou au musée Malraux au Havre, par exemple). Un partenariat aussi malin qu’inattendu. Malin car les évocations culturelles viennent donner une nouvelle dimension aux couleurs qui ne sont généralement identifiées que par des codes ou des appellations dont les subtilités ne sont pas toujours faciles à saisir (« douceur de miel » « flamenco », «cèpe », « daim », « fleur de houblon »…).

Un partenariat qui est aussi la preuve, s’il en était encore besoin, que les rapprochements d’univers sont bien la clé du marketing d’aujourd’hui. Encore une manière d’étonner le consommateur. Il y a quelques années un fabricant de T-shirts proposait déjà des teintes scientifiquement mises au point. Il était ainsi possible d’acquérir un T-shirt « vert 2CV » ou « brun Mona Lisa ». La démarche entreprise par Farrow & Ball relève de la même logique : donner à son produit une épaisseur culturelle.

L’univers alimentaire pourrait utilement s’inspirer de cette démarche. Les yaourts La Laitière ont joué cette carte à leur origine. Directement du tableau de Vermeer au pot en verre. Pourquoi l’initiative est-elle restée isolée ? Serait-elle arrivée trop tôt ? Pourtant, à voir le développement des épiceries fines où chaque produit rivalise d’imagination pour proposer de nouvelles appellations et tenter d’acquérir le statut d’objet culturel, il semble évident que cette logique de rapprochement consommation/culture pourrait être davantage explorée… 

Patrimoine branding

Il y a quelques semaines, la maison Chanel annonçait qu’elle venait d’acquérir l’ancienne villa de sa fondatrice du côté du Cap Martin, là où Coco recevait Jean Cocteau et Salvador Dali… Le story-telling est en marche et on peut déjà imaginer que ce lieu accueillera, sous peu, défilés et expositions dédiées à la marque. Même si celle ci se défend de vouloir l’utiliser à des fins marketing… Lancel, marque fondée en 1876, est, elle aussi, en pleine réappropriation de son identité. L’entreprise juge son image trop cantonnée à l’univers des sacs. Elle entreprend donc actuellement le rachat d’objets issus de ses collections historiques pour explorer son passé et redéfinir son positionnement.

On comprend ce qui peut motiver une marque de luxe, dont l’attrait repose sur l’imaginaire qu’elle est capable de susciter, à se réapproprier tout ce qui peut préserver ou nourrir le lien qui l’unit à son histoire. La construction d’une identité forte est fondamentale dans cet univers car elle assure une spécificité et permet d’affirmer ses valeurs. Sauf quelques exceptions qui relèvent d’une volonté de se tourner davantage vers le futur (Saint Laurent, Prada), la majorité des acteurs du luxe poursuivent ce même objectif de réappropriation du passé au point d’avoir imaginé un nouveau métier, « brand heritage manager » situé au carrefour des directions artistique et marketing et dont la mission est de valoriser l’histoire et l’identité de l’entreprise. Pour preuve : la multiplication des exposition dédiées à la mode et à leurs créateurs (Jean Paul Gaultier, Lanvin, Karl Lagerfeld pour ne nommer que les trois plus récentes) et la création récente d’un master d’histoire publique des entreprises et des institutions à l’université Paris-Est Créteil Val-de-Marne pour former ces historiens d’un nouveau genre.

Pourquoi cette démarche se limiterait-elle au seul secteur du luxe ? Certaines marques de grande consommation peuvent d’autant plus légitimement entreprendre cette remontée du temps qu’elles ont accompagné le quotidien de plusieurs générations et ainsi, plus encore que les marques de luxe, marqué les esprits de millions de gens.

Club de marques

Pour les amateurs de foot, l’affaire est entendue : les clubs qu’ils soutiennent disposent tous d’une boutique. Le PSG n’échappe pas à la règle avec une impressionnante proposition de lampes, peignoirs, porte-clés, cartables d’écoliers, cosmétiques pour hommes (avec Nivéa), tasses… Jusqu’ici, à part quelques chips et autres biscuits apéritifs (le marketing des « moments-circonstances » mis en œuvre…) les produits alimentaires n’étaient pas très présents. Voilà qui est en train de changer puisque le club propose désormais une eau de source, disponible à la fois en bouteilles verre destinée à la restauration et en bouteilles PET (50 et 100cl), pour la grande distribution. Et pourquoi pas, demain, une gamme de produits laitiers (laits et fromage blanc) comme le propose déjà L’Olympique de Marseille ? Voilà qui vient ouvrir de nouvelles perspectives de partenariats

Associer sa marque à un club sportif, c’est d’abord répondre aux attentes d’étonnement des consommateurs actuels. Des produits « sains » comme l’eau ou le lait ne sont qu’un début. Pourquoi pas, demain, du chocolat, des biscuits ou des plats cuisinés ? C’est aussi tenter de bénéficier de l’énergie des supporters. Chaque marque ne rêve-t-elle pas de susciter de l’engouement et de l’adhésion ? Un nouveau modèle économique prend ici forme où ce ne sont plus les qualités des produits achetés qui constituent la motivation d’achat, mais la «cause» qui leur est associée. 

L’enjeu devient alors pour les marques de réussir à « dériver » à leur avantage l’énergie des « fans ». De foot, mais aussi de musique ou de n’importe quel autre centre d’intérêt situé dans les sphères sportives ou culturelles. L’objectif n’est plus pour elles de chercher à « dominer » leurs consommateurs, mais de tenter de créer et d’entretenir avec eux des relations passionnelles. L’énergie des fans au service des marques ou comment faire de chaque consommateur un fan de sa marque.

Voici venu le temps des «fans de marque» pour qui l’important n’est pas tant d’acheter un produit que d’affirmer leur fierté d’appartenance à un groupe. Prochaine étape : les clubs de marque.

Icônification

Elles sont à tous les pieds. Ceux des collégiennes, sur-représentées, ceux des branchés, qui se demandent quand même si elles ne sont pas devenues un peu trop mainstream pour eux, sans oublier ceux des bourgeoises qui les portent avec leur manteau camel, so chic, so young. Les Stan Smith. Un cas marketing.

On reviendra un jour sur cette paire de chaussures à qui Roland Barthes aurait sûrement accordé une place dans ses Mythologies. Une paire de chaussures de sport « sur-banale », blanche, sans aucune affèteries, ni promesses de performance affichées, à peine une légende (qui connaît M. Stan Smith ?), vendues à un prix « acceptable » et positionnées comme « la touche de modernité cool » indispensable à toute silhouette. Voila de quoi plaire à toutes les populations, toutes classes, tous âges, toutes conditions, tous horizons, toutes ambitions.

On apprend aujourd’hui qu’une tannerie américaine, Horween Chicago Leather, s’est mise en tête de revisiter la « mythique » Stan Smith en lui offrant une nouvelle robe : avec des cuirs à tannage végétal de très grande qualité travaillés à la main. La chose est mise en vente depuis le 9 octobre dans les magasins Adidas. Le cuir provient d’une seule et même pièce et le logo est cousu en fil doré sur la languette et le talon. Des détails de conception précis et méticuleux. L’idée est audacieuse.

Pourquoi n’inspirerait-elle pas d’autres secteurs ? Imaginez des produits icôniques issus de la production industrielle reproduits par des artisans, le temps d’une collection éphémère. Un polo Lacoste tissé à la main, une Swatch assemblée manuellement par des horlogers suisses, mais aussi, pourquoi pas, un Petit beurre, un Toblerone ou un « simple » Panier de Yoplait reproduit par un chef et inscrit à sa carte. Une manière pour les produits concernés, d’attirer l’attention sur l’originalité de leurs formes et de leurs recettes, leur histoire, leur provenance et, finalement, sur leur désidérabilité.

Il ne s’agit pas de sous entendre que la version industrielle est de moindre qualité que la version artisanale (forcément), mais de souligner qu’elle est un modèle et donc, à sa façon, une « œuvre » unique. Là, réside sa valeur.

Un parfum d’inattendu

Désireux d’affirmer leur envie de faire découvrir toutes les richesses de leur univers, les cafés Malongo ont imaginé des accords café/fromage inspirés des accords mets/vins. Il fallait y penser. C’est ainsi que roqueforts, chèvres, fromages des Pyrénées ou basques et même camemberts et maroilles ont appris à rester à table jusqu’au café.

Dans la région bordelaise, la célèbre marque de champagne Krug avait, elle aussi, mis au point sa petite « expérience » subtilement décalée et dénommée « Krug and Potatoe ». Un peu comme si les paysans se mettaient à prendre goût à la vie de château… L’opération consistait à révéler les saveurs et les arômes de sa Grande Cuvée à travers une déclinaison de pommes de terre conduite par l’inspiration de différents grands chefs participants. Une façon pour la marque d’illustrer son esprit anti-conformiste.

Quant à la Maison du Chocolat, elle propose désormais des rencontres avec des légumes, manière d’explorer la face salée du chocolat. La rondeur d’un poivron, le caractère d’un cèpe, un oignon aigre-doux, un piment d’Espelette viennent ainsi donner une note inattendue au chocolat et « ouvrir des instants de liberté où rien n’est jamais de trop » selon les dires de la marque.

Voilà venu le temps des associations incongrues. Pour faire parler de soi, bien sûr. Dans la presse, sur les réseaux sociaux et autour des tables. Mais aussi pour élargir son territoire de consommation car les produits sont souvent enclavés dans des habitudes, des conventions sociales, voire des stéréotypes. Ici, l’ambition poursuivie n’est pas d’anoblir la consommation de son produit en le poussant vers des moments rares ou des ingrédients de luxe, mais de l’associer à des produits réputés « ordinaires ». Légumes pour la Maison du Chocolat, pommes de terre chez Krug (même « digérées » par des chefs) ou encore fromages de tous les jours pour Malongo.

Aujourd’hui, affirmer son appartenance à un registre gastronomique, ce n’est pas toujours chercher à faire « monter » son produit, mais, plus simplement, à le déplacer horizontalement pour le diriger vers des univers familiers. Plus ce territoire est familier et semble populaire, plus grand sera l’étonnement.

Une nouvelle géographie de l’innovation est a l’oeuvre.

Rétro-alimentaire

Ceux qui l’ont connu ont forcément plus de trente ans. Avant qu’elle ne s’appelle Twix, la barre chocolatée vendue en deux morceaux s’appelait Raider. « Deux doigts coupe faim ». A l’époque, les diktats du bien manger n’existaient que modérément et seul le plaisir immédiat comptait… 25 ans après l’avoir condamné, Mars vient d’annoncer la résurrection de Raider aux Pays-Bas et au nord de la Belgique, en édition limitée et avec le packaging de l’époque… Une bonne nouvelle pour les nostalgiques de cette époque où les disquettes, les cassettes audio et VHS, Banga, Treets et les transistors régnaient en maîtres.

Puisque le vintage est à la mode, il n’y a pas de raison pour que le marketing y échappe. Sur ce terrain, on avait déjà croisé, il y a un peu plus d’un an, Burger King et son célèbre Whooper… Jouer sur la corde sensible des souvenirs et de la nostalgie n’est pas une mauvaise idée pour les marques. Une manière pour elles de s’inscrire dans la grande histoire de la consommation autant que dans les petites histoires. Une forme de légitmité et une preuve de proximité donc, car il n’est pas rare que les souvenirs les plus personnels de chacun soient associés à des moment de consommation.

Réediter un de ses produits, c’est aussi s’adresser explicitement à une cible sans avoir à beaucoup dépenser pour communiquer. Malin. Inutile, en effet, pour Twix, de ressortir ses vieilles pubs car tout le monde a encore l’air en tête. Voilà qui vient souligner la force de la pub dans les médias traditionnels face aux réseaux sociaux nourris de brand content… Les spots de pub restent quand les opérations de buzz les plus malines imaginées par les marques pour occuper les réseaux sociaux disparaissent. Qui a pu oublier « Fruité, c’est plus musclé » ou « Cham, cham, cham, Chamois d’or » ? Les images et les sons ont plus de pouvoir que les idées…

Cette semaine, on apprenait aussi, qu’après 13 ans d’absence, Mulder et Scully reprendront du service pour 6 épisodes d’X-Files dès le 24 janvier prochain et qu’il était fortement question du retour de MacGyver … A quand une soirée télé rétro avec des pubs de l’époque ?

La quête du parfait.

On ne compte plus les restaurants qui inscrivent à leur carte « l’oeuf parfait », le nouveau tic de langage des toques. Cuit à basse température, autour de 65°C, l’oeuf parfait est plus tendre et plus onctueux qu’un oeuf dur, plus ferme qu’un oeuf mollet. Son blanc est tremblant et soyeux tandis que son jaune affiche un crémeux coulant. Argument de poids pour les restaurateurs, cette recette est très bon marché et s’accommode de nombreux ingrédients. La marge est assurée sans renoncer à la créativité. Pas si fréquent.

Ailleurs, c’est la promesse de réussir une « grillade parfaite » qui est faite à tous ceux qui se sont inscrits à la «Grill Academy » imaginée par les barbecues Weber. Deux niveaux sont proposés : Débutants ou Experts. C’est peu dire que la grillade, c’est du sérieux et ce ne sont pas les lecteurs de Beef qui viendront dire le contraire… Ceux qui ont l’habitude  de se balader sur les sites de mode seront forcément tombés sur des conseils en tous genres pour acquérir le pull, le Chino ou le sac 48h « parfaits »…

Il n’aura pas échappé aux observateurs les plus attentifs que cette réjouissante perspective d’accéder au « parfait » s’adresse majoritairement aux hommes. Cela ne doit rien au hasard. Tout d’abord, parce que les hommes ont souvent un regard d’ingénieur sur ce qui leur est proposé. Comment est ce fabriqué ? Dans quelles conditions ? Avec quel type de machine ? Peut-on encore améliorer les performances ? Le parfait vient mettre fin à toutes ces interrogations. Ensuite, parce que, pour les hommes, consommer est un acte souvent perçu comme « pas vraiment indispensable », synonyme d’accumulation inutile, de questionnements futiles, voire de perte de temps. Leur faire miroiter la perspective du « parfait » est une manière d’induire que ce qu’ils vont acheter a du sens et mérite que l’on s’y intéresse.

L’objet parfait (ici, on n’ose plus parler de « produit »…) est durable. Il va traverser le temps, s’anoblir, se patiner et pourra même, un jour être transmis. Bien loin, donc, de toutes les éphémères tentations bling-bling et autres modes qui ne font que passer. Le produit parfait est à l’abri de la concurrence. Il règne sur son marché comme la référence absolue. Il est flatteur pour celui qui l’acquiert et donne aux marques qui le proposent une forme de noblesse. D’où leur tentation de vouloir donner ce statut à leurs produits. Quitte à en inventer les origines…

L’épicerie, le nouveau prêt à porter

A en croire la presse spécialisée, le petit grand magasin Franck et Fils de la rue de Passy va bientôt fermer ses portes pour devenir dès 2017, la seconde adresse de la Grande Epicerie du Bon Marché. Et voilà 2 700 m2 de plus consacrés à l’épicerie fine dans la capitale. Il bruisse aussi que les Galeries Lafayette auraient pour projet d’ouvrir un second Lafayette Gourmet à deux pas du BHV…

L’intérêt des investisseurs pour l’épicerie fine n’est plus à prouver. Pour les consommateurs non plus. On peut quand même se demander pourquoi notre société de consommation, traditionnellement animée par l’acquisition d’objets « signes » se tourne aujourd’hui avec tant d’âpreté vers l’épicerie fine qui, par essence, ne permet pas l’accumulation. Sans doute le signe que les consommateurs sont, désormais, davantage portés sur « l’être » que sur « l’avoir ». 

L’alimentation ne serait-elle pas aussi en train de prendre la place tenue traditionnellement par le prêt-à-porter ? A bien y regarder, les deux secteurs ne sont pas aussi éloignés qu’ils le paraissent. Ils ont d’abord pour point commun d’être tous deux animés par des « créateurs ». Les traditionnels chefs sont loin derrière nous, remplacés par des « créatifs » plus jeunes, plus modernes, voire, pour certains, carrément « hipsters ». Comme dans la mode, ils occupent les médias, portent un style de vie, une vision, qu’ils déclinent dans différents domaines.

Le monde alimentaire est également de plus en plus rythmé par des « collections » (de macarons, de glaces, de chocolats….) présentées chaque « saison » sur les linéaires sous forme de séries limitées ou de propositions éphémères… Comme les marques de prêt-à-porter, l’alimentaire est porteur d’une histoire. Celle d’une personne, mais aussi d’une origine ou d’un territoire géographique. Enfin, et ce point est loin d’être négligeable, alimentaire et mode sont deux secteurs de la consommation qui partagent (avec l’automobile) ce même penchant à devenir des sujets de conversation naturels qui peuvent aller du simple échange à la passion.

Avant l’été, ouvrait à deux pas du concept store Merci, La Maison Plisson, une épicerie fine chic aux allures de « food-court ». Sa fondatrice dirigeait auparavant une marque de prêt à porter haut de gamme pour bobos. Comment s’en étonner ?