Le regard de Barbie

Cet été, le film Barbie n’a pas seulement fait exploser le box-office (plus de 5 millions de spectateurs), il a aussi stimulé les prises de paroles. Qui n’a pas publié son post sur LinkedIn pour questionner la prétention féministe du film ou s’inquiéter de la dérive commerciale de la production cinématographique de plus en plus aux mains de marques toujours soupçonnées de pervertir la création avec leur argent ? Le film offre pourtant d’autres grilles de lecture.

Le monde de Barbie, opposé au vrai monde, n’est d’abord qu’une vision actualisée des principes de plaisir et de réalité théorisés par Freud. A Barbie Land, notons toutefois que le principe de plaisir est incarné par une paire d’escarpin alors que celui de réalité l’est par une paire de Birkenstock. Plaisir n’y rime donc pas avec confort, mais d’abord avec séduction. Une idée un peu perdue de vue dans la mode depuis le confinement…

Le film met aussi en scène une manière d’être déjà à l’œuvre dans la série Emily in Paris consistant à moins s’attacher à la réalité qu’à la manière dont on veut que celle-ci apparaisse. Hasard du calendrier ou non, le Manifesting est la nouvelle martingale du moment. Au carrefour de la spiritualité et du développement personnel, il consiste à formuler ses désirs pour les faire advenir. La façon dont vous pensez crée votre réalité est son crédo. Barbie ne pourrait qu’acquiescer, elle qui évolue dans une réalité déniée, à la fois matérielle et immatérielle, entourée d’objets de fiction où le geste vaut l’action. Barbie ne boit pas d’eau, mais manipule un verre, elle ne mange pas de toasts au petit-déjeuner, mais les dispose sur une assiette, elle ne conduit pas mais tient le volant de sa voiture. À Barbie Land, l’exécution d’un geste suffit pour jouir de ce que l’on possède. Le plaisir sans risque et sans effet. Le Metaverse n’est pas loin.

Le film aborde enfin la loi très contemporaine du regard de l’autre que les influenceurs connaissent bien. Chaque Barbie est un miroir pour toutes les autres et le Hi Barbie ! qu’elles se renvoient frénétiquement est autant une manière de se checker que de contrôler que chacune est bien dans son rôle. Je n’existe que par la place que j’occupe dans le regard de l’autreA Barbie Land, tout n’est finalement qu’affaire de regard. Est-ce vraiment différent chez nous ?

Luxe-les-Bains

Cet été, pendant qu’une partie de la population optait pour le glamping ou la van-life, une autre (guère plus importante) se laissait tenter par les plages proposées par les marques de luxe. Puisque Paris Plage et ses déclinaisons régionales sont désormais dénuées de toute désirabilité hype, les plages de marques de luxe ont pris le relai en mode « entre-soi ». Une manière de venir nous rappeler qu’il n’y a pas de plages sans plages privées et pas de mass market sans marchés de niche. Paris Plage est mort, vive Montaigne-sur-Mer sur la French Riviéra ! Définitivement plus chic.

Gucci avait installé son club de plage (coffee shop, restaurant, transats et parasols logotypés) à Ramatuelle pendant que Burberry s’emparait du restaurant et beach club Loulou de la même ville. Dior, Jacquemus et Armani jetaient, eux, leur dévolu sur Saint-Tropez. Fendi (à Marbella) et Missoni (à Portofino) avaient, elles aussi, vue sur mer. Si l’été, t’as pas ta plage, t’as raté ta vie de marque de luxe. Des plages parfois construites de toutes pièces mais qui peuvent aussi être le fruit d’une collaboration avec des établissements déjà installés qui acceptent d’être repeints aux couleurs d’un logo et de se retrouver ainsi sur les réseaux sociaux le temps d’une saison. Malin pour faire parler d’eux.

Certains liront cette transhumance des marques de luxe « hors les murs » comme un signe de leur capacité à apparaître sans cesse sous de nouvelles formes pour mieux tisser leur toile en proposant des expériences inédites capables de toucher de nouvelles populations. Boire un café ou un cocktail griffé, manger une salade logotypée ne constituent-elles pas d’agréables et (relativement) accessibles façons d’entrer en contact avec l’univers du luxe pour la première fois ? D’autres y verront la confirmation de l’état gazeux pris désormais par le luxe, capable de s’infiltrer partout, dans tous les moments et sur tous les marchés: expositions, hôtels, restaurants, cafés et pâtisseries éphémères, plages, sans oublier la production de films et l’occupation des bâches de travaux en attendant, demain, des immeubles et peut-être même des quartiers. La rive droite du Pont-Neuf ne ressemble-t-elle pas déjà à un quartier LVMH ?

C’est par sa capacité à se décliner que l’on évalue la force d’une marque. Le luxe nous en fait chaque jour une inquiétante démonstration.

Crafting expérience

Fin juin, Moët Hennessy (LVMH) ouvrait, au cœur du Saint Germain-des-Prés littéraire (ce qu’il en reste…), Cravan, le bar à cocktails le plus grand de Paris. Quatre étages d’un immeuble parisien conçus pour faire vivre la mission de la marque : « crafting expériences », soit l’idée d’associer ses produits à une expérience artisanale. Entièrement conçu par le designer belge Ramy Fishler, le lieu possède trois bars à cocktails et une bibliothèque ainsi que des espaces accessibles uniquement sur invitation : un atelier privé et un mini kiosque parisien, perché sur le toit, qui proposera une programmation cinématographique exclusive. Voilà qui donne envie.

Au même moment, la marque Valrhona s’installait à Paris, rue des Archives, animée des mêmes intentions de raconter autrement son histoire. Jusqu’à présent distribuée dans des lieux sélectifs, la voici donc en possession d’un véritable showroom où chefs et jeunes talents de la pâtisserie pourront, en début de semaine et sur rendez-vous, disposer d’un moment avec un professionnel de la maison, et où le grand public pourra, quant à lui, déguster et emporter boissons et desserts chocolatés. Une manière pour chacun de découvrir, tester et s’imprégner des produits de la Maison Valrhona. Côté décor, une mappemonde vient expliquer le sourcing produit alors que le cacao est représenté par des fèves disposées dans des silos muraux (« une cave aux fèves ») et qu’une « bibliothèque de chocolats » vient souligner l’étendue de l’offre de la marque… Ici aussi, la « crafting expérience » est dans l’air. Elle pourrait même se révéler être la future grosse tendance du commerce et toucher tous les secteurs.

Rappeler les origines des matières premières et le savoir-faire des hommes permet tout d’abord à une marque de donner de la valeur à ses produits et de souligner son engagement en faveur des filières et de la préservation de la tradition. La démarche lui permet aussi de raconter des histoires capables d’embarquer son public et de créer avec lui des liens à travers des « ateliers » qui, en sollicitant les cinq sens, ne manqueront pas d’être évoqués sur les réseaux. Elle lui donne enfin l’opportunité de créer des lieux singuliers, des espaces de rencontres et d’échanges, qui lui permettent de dépasser l’habituelle figure du flagship dont on ne retient bien souvent que la taille. Dans la logique de la « crafting experience », ce n’est plus la taille qui compte mais la qualité relationnelle.

Le bien public

Personne ne peut l’ignorer. Certains peuvent s’en désoler. Notre époque restera pour l’éternité celle où tout est noté, évalué, estimé. Comme si exister ne pouvait plus désormais s’envisager autrement que par comparaison et par l’approbation d’autrui. Je suis ce que les autres décident de qui je suis.

Cette « notite » aiguë, caractérisée par des fièvres soudaines d’étoiles ou de pouces levés, a commencé sur le site de AirbnB pour appâter les nouveaux clients, puis sur celui des hôtels et restaurants en quête d’image et de notoriété jusqu’à finir dans tous les replis de la vie quotidienne : sitôt une conversation téléphonique terminée avec un « conseiller » ou après un voyage en train, avion ou co-voiturage.

L’étape d’après ne pouvait être que celle des scores. Même principe, une note en plus. Nutri-Score pour les produits alimentaires, Etiquette énergie pour les produits électroménagers, Diagnostic de performance énergétique pour les biens immobiliers, sans oublier le célèbre Eco-score de Yuka, dégainé devant un linéaire sitôt les premiers signes de désir pour un produit émis… Au moment où l’UFC-Que Choisir nous apprenait que le Nutri-Score avait eu pour effet d’inciter les industriels à modifier leurs recettes pour en améliorer la valeur nutritionnelle, voilà que débarque le Resto-Score.

Initié par Ecotable, le label de la gastronomie écoresponsable, le Resto-Score (non obligatoire) permet d’identifier les restaurants aussi bons pour la santé que pour la planète. Il est le résultat d’un audit réalisé à partir de 150 critères permettant d’appréhender l’interdépendance entre la santé humaine, la santé animale et la santé planétaire. Il donne lieu à une note sur cent points, convertie en une lettre allant d’un A vert à un E rouge. Jusqu’à présent, les tables n’étaient évaluées que par des étoiles attribuées par des guides ou les avis de leurs clients. Elles vont désormais l’être à l’aune de leur responsabilité environnementale. Les constructeurs automobiles et immobiliers connaissent déjà…

Demain viendra sans doute le tour du commerce, des grands magasins aux supermarchés en passant par les réseaux d’enseignes. Peu à peu, la figure du consommateur se superpose à celle du citoyen pour donner naissance à un nouvel imaginaire : je consomme, donc je prends soin des autres. Qui aurait pu imaginer que la consommation ait, un jour, ce pouvoir ?

Merveilles du marketing

Le chocolat Merveilles du Monde est de retour. Rares sont ceux qui l’ignorent. Repris par de jeunes entrepreneurs en mode start-up, la marque, qui vendait plus de 10 millions de tablettes par an avec une seule recette (!), connaît de nouveau le succès : 300.000 tablettes se seraient ainsi écoulées en moins de 3 semaines après le lancement, ce qui n’a pas manqué d’entraîner des ruptures de stock. La nostalgie est dans l’air du temps

Notons au passage un penchant actuel pour la reprise de marques disparues qui pourrait s’analyser comme le signe d’une envie de prouver qu’une singularité est encore possible dans un environnement aux mains de multinationales uniformisantes, autant que d’un désir de ne pas laisser disparaître ce qui a contribué à transformer une enfance en souvenirs. 

Lancées en 1978, les tablettes Merveilles du Monde (« sorties » du marché en 2006) devaient leur succès à trois petites choses simples, mais fondamentales, que tout marketeur ne devrait jamais oublier quel que soit son projet. Une recette unique (chocolat au lait + noisettes + amandes pillées). Une forme immédiatement identifiable (de très grands carrés de chocolat avec des animaux en relief) associée à un rituel de consommation (commencer par manger les bords pour préserver l’animal…). Et une collection d’images ludo-éducatives à conserver : une tradition dans le monde du chocolat en plaques. Le tout constituant ce que l’on appelle désormais une expérience de marque. 

Pour actualiser la proposition, les repreneurs de la marque ont accordé une attention toute particulière aux ingrédients (responsables, équitables et sans arômes artificiels) et aux différentes manières de mobiliser sa communauté de nostalgiques. Une nécessité sachant que ses membres, devenus quarantenaires, devraient avoir à cœur d’initier leurs enfants à ce qu’ils ont connu dans les années 80-90.

Résumons : une recette, un rite de consommation et un esprit communautaire qui a démarré dès la reprise de la marque sur Ullule et qui, depuis, s’incarne aussi par une présence sur les réseaux : combien de marques peuvent prétendre posséder les trois ?

Sacré sucré

Après les années salées, voici le temps du sucré. Pour preuve, l’intérêt que suscitent actuellement les boulangeries-pâtisseries et ce, en dépit de la flambée du prix des matières premières, de l’énergie et des difficultés de recrutement. L’année dernière, plus de cent nouvelles boulangerie-pâtisseries ont vu le jour dans la capitale. En cinq ans, le nombre de ces commerces a augmenté de 20% en Île-de-France. Les ouvertures de commerce ne sont pourtant pas si fréquentes en ce moment.

Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer cet engouement. Côté pâtisserie, un gâteau individuel de chef, aussi cher soit-il, est toujours plus accessible qu’un menu étoilé. Moins cher, mais aussi moins intimidant. Et il saura plaire aux petits comme aux grands. Faciles à déguster, prêts à être jetés en pâture sur les réseaux sociaux, créatifs, voire surprenants, les gâteaux ont tout pour être aimés et bénéficient d’un alignement favorable des planètes Prix, Etonnement et Esthétique, les trois moteurs actuels du désir. Et puis, la pâtisserie bénéficie de toute la machinerie à buzz disponible, entre les émissions de téléculinarité aux stars éphémères et les multiples concours et autres battles qui, sur les réseaux, permettent toujours de se distinguer.

Du côté du pain, la situation est assez proche. Certes, nous en consommons de moins en moins, mais nous nous montrons toujours plus en quête de « pains spéciaux », de variétés disparues et de « bon pain », notion très subjective où se croisent ingrédients de qualité, volonté de réinventer une tradition et story-telling porté par une personnalité affirmée. Les néo-boulangeries sont faciles à repérer grâce à leurs noms bobo-disruptifs : The French Bastards, Urban Bakery, Mamiche, Sain, Union, Utopie, Tranché, P’1, Panade…

Notons aussi que ceux qui sont à la tête de boulangeries-pâtisseries sont animés par l’ambition de proposer un produit exclusif qui incarne leur savoir-faire et qu’ils espèrent, un jour, voir accéder au statut de « produit signature ». Le Graal. Ici, c’est le Pain des amis, là c’est l’Ispahan ou le Merveilleux, mais il peut aussi s’agir d’un simple éclair ou d’un baba, pour peu qu’ils soient associés à une belle histoire de création. On peut même se demander si cette ambition ne constitue pas la principale motivation de ceux qui se lancent dans l’aventure.

N’est-ce pas, finalement, parce qu’il réunit régression (ego-rassurante) et ambition (ego-satisfaisante) que le sucré aimante autant en ces temps menacés ?

Dupes, pas dupes

Le phénomène est bien connu des fidèles de TikTok et sa simple évocation suffirait à esquisser le portrait des représentants de la Gen Z : dupe. Les dupes sont des imitations, moins chères, et même parfois carrément low-cost, des produits qui font fantasmer les réseaux. Vêtements, accessoires, sacs de luxe, bien sûr, mais aussi chaussures, produits de beauté et, parfois, paquets de chips ( !). Il suffit de constater la quantité de vidéos abritées derrière le hashtag #dupe pour finir de se convaincre de l’étendue du phénomène.

Le succès des dupes est d’abord, pour une génération, une manière de duper les « vraies » marques qui sont à l’origine de leurs envies. Et de faire la preuve qu’elle n’est pas dupe. Qu’elle possède une culture mode, qu’elle connaît les ficelles et les excès de l’industrie qui lui est associée et est consciente que ses rêves nourrissent le CAC 40. Une génération qui veut ainsi nous montrer qu’elle garde le contrôle de ce qui la concerne. Le phénomène des dupes a toujours existé tant ceux qui s’intéressent à la mode ont toujours cherché à acheter des imitations ou à s’inspirer de ce qu’ils désiraient et ne pouvaient s’offrir. Mais il connait là une nouvelle ampleur et vient nous rappeler que la vitalité de la mode tient autant à la quantité d’achats qu’elle engendre qu’à la force des fantasmes qu’elle suscite et à la diversité des chemins empruntés par les envies pour devenir des réalités.

Certaines enseignes comme Zara n’ont-elles pas construit leur réputation sur l’idée qu’elles proposaient des vêtements « inspirés » par les collections que les « grands noms » de la mode venaient juste de faire défiler ? Les voilà aujourd’hui cernées par les dupes… Le challenge Zara vs Shein aurait fait 60 millions de vues sur TikTok… La nouveauté des dupes vient du mode de fonctionnement des réseaux sociaux car, ici, ce ne sont pas tant les dupes eux-mêmes qui importent que le rôle acquis et la fierté ressentie par celles et ceux qui les font découvrir aux autres après les avoir dénichés. Ce qui, hier, pouvait engendrer de la honte ou de la gêne est devenu une fierté.

Trouver le bon plan, dénicher la bonne copie, traquer le ressemblant moins cher… et se réjouir d’avoir pu accéder à ses rêves en ayant dépensé deux ou trois fois moins… Un refrain déjà entendu du côté des enseignes low-cost et des déstockeurs…

Une indispensable singularité

L’information n’a, certes, pas fait la Une des journaux. Peut-être seulement celle de la presse locale. Le magasin Le Printemps de Deauville est de nouveau ouvert, après cinq mois de travaux pour faire « peau neuve ». Un grand magasin qui rouvre, ce n’est pourtant si banal en ces temps où l’on ne parle que de fermetures, de faillites et de rachats d’enseignes…

Relevons tout d’abord qu’avec ses 1200 mètres carrés, il s’agit du plus petit des magasins Le Printemps, ce qui pourrait venir confirmer une hypothèse développée ici, il y a peu, selon laquelle les petits grands magasins auraient de l’avenir. Le plus petit, d’accord, mais aussi celui qui affiche le panier le plus élevé… 250 euros contre 150 en moyenne dans le reste du parc. Voilà qui vient remettre en cause quelques certitudes sur les vertus attribuées à la surface…

Ce magasin a aussi fait des choix qui donnent à réfléchir. Exit les corners de marques, leur personnel et leurs cabines d’essayage attitrées. Exit aussi, toutes les marques que l’on peut retrouver ailleurs dans la ville. Résultat ? 85 % de produits exclusifs et 85% de nouvelles marques par rapport à avant les travaux. L’ambition est affichée et devrait permettre au magasin de se doter d’une indispensable singularité. Les articles et les univers sont mélangés et disposés dans des pièces en enfilade au milieu desquelles trônent des tables pour donner au lieu un air de maison.

Le prêt-à-porter a même quitté le premier étage pour s’installer au rez-de-chaussée. Une révolution culturelle dans l’univers des grands magasins qui en dit long sur le comportement d’achat des nouvelles générations, aussi impulsives que versatiles, qu’il ne faudrait surtout pas perdre en leur demandant de prendre un escalier… Enfin, un rayon « seconde main/vintage », ici joliment baptisé Second Printemps, vient apporter la conscience environnementale attendue en 2023… Selon la direction, tous ces partis pris devraient assurer une augmentation du chiffre d’affaires de 25%…

Avec une promesse de « mood », portée par des pièces en enfilade qui se substituent au principe de l’allée centrale et une offre faite d’exclusivités, seules capables d’étonner et de stimuler le désir face à une offre pléthorique, interchangeable et omnicanale, le nouvel ADN du Printemps se teste à Deauville… avant de se retrouver dans le futur magasin de New York…

La folie vinaigre

Il fallait bien que cela arrive. Après l’huile d’olive, les épices, le poivre et, dans une moindre mesure, le sel (grâce à l’île de Ré et à la Camargue), c’est au tour du vinaigre d’occuper les pages tendance des magazines. Pas le vinaigre balsamique, désormais parfaitement intégré dans nos placards de cuisine, mais ce bon vieux vinaigre de vin ou de cidre, issu d’une fermentation plus ou moins longue. Et la seule manière d’élaborer de nouveaux discours sur le vinaigre, c’est de commencer par l’envoyer faire un stage à Brooklyn. Forcément. Tout produit passé par là bénéficie d’une poussée de branchitude proportionnelle à son ancienneté. Les céréales, les bières, les biscuits y ont trouvé une nouvelle jeunesse, alors pourquoi pas le vinaigre ?

Le magazine Elle se demandait récemment « s’il fallait succomber à la folie vinaigre ? » (une vraie question que bien peu de médias se posent…) en soulignant que «les producteurs rivalisent de créativité pour réenchanter le savoir-faire millénaire associé au vinaigre, tandis que les papes du wellness en vantent les bienfaits ». Le fantasme absolu de toutes les marques qui se sentent vieilles dans leurs packs. On y découvre la marque Tart Vinegar et ses vinaigres, artisanaux et totalement naturels, de rose, de cèleri, d’algues kombu (très riche en iode) ou de gingembre hawaïen que « tout New York s’arrache » et dont la double fermentation peut durer jusqu’à deux ans. Patience. On y apprend aussi, qu’en France, une nouvelle marque de vinaigre ne devrait pas tarder à faire son apparition sur les linéaires. Baptisée Lento, elle proposera une petite production de vinaigres au géranium, à l’ail noir et au citron noir conçue avec un chef étoilé. Place à l’imagination.

Et voilà tout l’imaginaire du vinaigre soudainement projeté dans une nouvelle dimension. Le filon vinaigré a de l’avenir car le condiment ne manque pas de vertus. Pour la cuisine, pour relever un plat, certes, mais aussi pour la santé, grâce à ses propriétés probiotiques (entre autres) et même, désormais, pour agir en faveur de l’environnement puisque le vinaigre permet de limiter le gaspillage en exploitant jusqu’au bout les fruits, légumes et aromates dont les surplus peuvent ainsi finir dans des vinaigriers.

Depuis une dizaine d’années, on ne cesse de nous vanter les mérites (écologiques et économiques) du vinaigre blanc pour l’entretien de la maison. Ce n’était que le premier chapitre.

Réduction

Il y a peu, la rubrique « confidentiel » d’un hebdo nous apprenait que le grand magasin du Printemps avait l’intention d’ouvrir des petits magasins en centre-ville. Au Royaume-Uni, l’enseigne de bricolage B&Q envisage le même mode de développement alors qu’elle était historiquement implantée dans des zones commerciales périurbaines. L’entreprise pourrait ouvrir jusqu’à 50 magasins en centre-ville, d’une superficie allant de 300 à 800 mètres carrés (contre 12 000 pour ses surfaces habituelles).

A Paris, nous sommes déjà habitués à croiser des Carrefour, des Intermarché et des Auchan en version réduite, des drive piétons Leclerc ou encore des Ikea en petit format, à la Madeleine (qui va déménager place d’Italie) et rue de Rivoli. Le mois dernier, l’enseigne suédoise ouvrait son premier Atelier de conception, avenue Daumesnil, un espace de 750 mètres carrés seulement où il est possible, sur rendez-vous (et moyennant une participation financière), de bénéficier de conseils pour ses projets d’aménagement de cuisine ou la conception de ses rangements. Si tu ne vas pas à la grande distribution, la grande distribution viendra à toi.

Les avantages d’une telle stratégie se laissent aisément deviner. Se rapprocher de ses clients qui n’ont plus ni l’envie, ni le temps de partir en « expédition » faire leurs courses, est assurément la motivation qui déclenche de pareils investissements. Le vieillissement de la population n’est pas non plus étranger à la décision. Pour cette population, riche en temps libre, en argent ou en désir de faire par elle-même, se rendre dans une réduction de grande enseigne est rassurant à plus d’un titre il est plus facile de s’y repérer, on peut y bénéficier de conseils sur rendez-vous tout en bénéficiant des mêmes promotions attractives qu’ailleurs.

Pour l’enseigne qui entame sa transition vers des petits formats, le voyage vaut aussi le coup puisqu’elle peut ainsi toucher de nouvelles populationsapparaître être plus à l’écoute et même plus responsable puisqu’elle limite ses productions de CO2. Toutes les occasions sont bonnes pour venir rappeler ses engagements… Ces mini-points de vente constituent enfin le meilleur allié du développement du click & collect, un service stratégique pour nombre d’enseignes.

Il fut un temps où la puissance d’une enseigne se mesurait à la taille de ses magasins.