Le temps d’un produit

Il fallait que cela finisse par arriver. A force de multiplier les collabs et autres collections capsules, pourquoi ne pas carrément fusionner les produits de deux marques concurrentes ? C’est ainsi que l’on a vu débarquer sur les réseaux sociaux une proposition imaginée pour célébrer la journée internationale de la paix, le 21 septembre : un « Mac Whoper », soit le parfait hybride de deux burgers stars. La proposition faite par Burger King à McDonald’s n’ayant pas eu l’heur de plaire à ce dernier, le projet ne verra jamais le jour. Il n’en a pas moins le mérite de provoquer une agitation de neurones. De là à imaginer une Stan Max (Stan Smith + Air max), il n’y a qu’un pas.

Après tout, qu’auraient à perdre les marques qui se lanceraient dans un pareil numéro d’équilibrisme marketing ? Les ennemis ont parfois intérêt à enterrer momentanément la hache de guerre… Alors, pourquoi pas un produit lancé simultanément par deux marques frontalement concurrentes à partir de deux de leurs produits iconiques ? Un smartphone imaginé conjointement par Apple et Samsung. Un yaourt signé Danone et Yoplait. Une voiture sortie des esprits d’Opel et de Renault.

Il ne s’agirait bien sûr que d’un produit disponible pour une période limitée. Un produit « équilibré » où chacune des marques serait clairement lisible et pourrait exprimer son propre savoir-faire. Un « coup marketing » qui viendrait assurément dérouter les consommateurs, eux qui cherchent toujours à être étonnés… Voilà qui viendrait aussi donner aux marques l’opportunité de faire parler d’elles et de modifier leur perception autant que celle de leur marché. Les qualités et valeurs des unes combinées à celles des autres : quoi de mieux que « mieux que mieux » ? 

Les imaginaires d’opposition sont de moins en moins descriptifs de réalités qui se révèlent de plus en plus complexes. Gauche/droite n’est plus une clé de lecture politique. Moderne et traditionnel ont cessé de s’opposer pour inventer de nouveaux codes esthétiques. Industriel n’est plus le contraire de naturel et l’on pourrait allonger la liste. Alors, qu’attendent les marques pour rencontrer leur « ennemi » le temps d’un produit ?

Hipster business model

L’apparition d’une exposition ou le succès d’un film a toujours à voir avec l’air du temps et nous renseigne, à sa manière, sur l’état de notre société. Il suffit de relire les raisons avancées par les médias pour «  expliquer » le succès de « Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? » ou de constater la fascination actuelle pour l’Egypte et la préhistoire (métaphores d’une « autre » société) pour s’en convaincre.

En ce moment, aucun Parisien ne peut ignorer que le Bon Marché propose une « exposition » sur les hipsters. Ceux que l’on adore détester. Comment ceux qui, hier, n’étaient qu’une petite communauté dont les us et coutumes se réduisaient à porter des chemises à carreaux, à se nourrir bio et à se déplacer à vélo ont-ils réussi à devenir aussi « iconiques » au point d’être désormais présents dans toutes les villes du monde ?

Sans doute parce qu’ils répondent la forte envie actuelle de beaucoup de nos contemporains de changer de vie. Changer de vie, cela peut être changer de métier ou de ville, mais aussi, plus simplement, d’apparence. Ici, le changement est à la portée de toutes les bourses : une chemise, un tatouage sur le bras, une paire de lunettes de soleil, une barbe et chacun peut se croire réincarné. Voilà pour le look.

Mais l’attrait pour les hipsters ne s’arrête pas là. Ils incarnent aussi une nouvelle façon de travailler. Un « hispster business model » caractérisé par l’envie de faire des choses par soi-même (on les appelle aussi les « makers ») et seulement celles que l’on aime, de travailler avec ses « potes », de vivre une expérience partagée (souvent dans un ancien atelier) au sein de laquelle la perspective de gains n’est que secondaire. Qui serait contre ? Un idéal finalement pas si éloigné de celui que certains avaient échafaudé sur les barricades en 1968.

Les hipsters incarnent enfin un nouveau rapport à l’alimentation dominé par les producteurs locaux et les préoccupations bio. Pile poil dans les attentes du moment. Nouvelle esthétique, nouveau rapport au travail et à l’alimentation, les hipsters ramassent la mise. Les voici à présent devenus source de business. Un business forcément cool, mais un business quand même.

Mini marketing

On apprenait récemment que la marque Louis Vuitton, après avoir sollicité de nombreux artistes et designers pour réinterpréter son logo (jusqu’à, parfois, le faire disparaître sous des traces de peinture blanche…) allait désormais décliner son offre en version mini. Cette nouvelle collection, baptisée « nano », comprendra en taille réduite sept sacs emblématiques de la maison dans le parfait respect de leurs formes, de leurs constructions et de leurs finitions. Assez grands pour contenir le strict nécessaire, assez petits pour se faire remarquer. Juste ce qu’il faut. Voilà qui ne devrait pas manquer d’emballer les fashionistas du monde entier et d’attirer, si tant est qu’elle en ait encore besoin, l’attention sur la marque.

La stratégie est habile et permet à Vuitton, une fois encore, de surprendre sans se dénaturer ou perdre de son statut. Elle vient signifier, à sa manière, la fin d’une forme de bling-bling fait de signes ostensiblement affichés. Elle est aussi l’illustration créative de l’excellence du savoir-faire des artisans de la maison. Un concentré d’expérience. Elle est enfin la confirmation de la pertinence d’une offre « mini » déjà observable dans d’autres secteurs comme ceux de la beauté ou de la cosmétique.

A l’origine, ces formats ont été pensés pour le voyage, conséquence des réglementations de sécurité associées au transport aérien. Plus petits, moins lourds, dosés pour une période limitée, les produits de beauté mini ont vite trouvé le succès. Ils devinrent une manière d’expérimenter la nouveauté sans prendre trop de risques. Frères aînés des échantillons, leur format porte l’attrait de la nouveauté sans le risque d’une dépense excessive ou de devoir abandonner ses habitudes.

Ne viennent-ils pas également nous permettre de renouer, dans notre inconscient le plus profond, avec le temps de l’enfance où l’on jouait avec des produits miniatures ? Entre prise de conscience très «adulte » des réalités de la crise économique et régression très « enfant », les formats mini viennent offrir de nouvelles opportunités marketing. Il suffit parfois de changer de format pour voir le monde différemment

Le goût du bizarre

Personne n’est encore au courant. Vous allez pouvoir briller dans vos dîners en ville. Le nouveau mot à la mode dans le milieu de ceux qui la font et la défont est Goodweird. Ok, encore un mot anglo-saxon. Une petite explication s’impose. Good (bien, sympa) et weird (étrange, bizarre) ne constituent pas à proprement parler un oxymore (un silence assourdissant, une obscure clarté…) mais plutôt un rapprochement où chacun des deux mots vient apporter à l’autre une inflexion de son sens. Le rassurant du « good » mis en danger par l’étrangeté du « weird ». 

Goodweird s’appliquerait aussi bien à un objet qu’à une situation, voire à une personne, et définirait, à en croire les experts, une véritable norme sociale à venir. Selon une étude réalisée à la demande de la marque Lenovo pour explorer la perception de ce néologisme, seraient ainsi qualifiés de « goodweird » Stromae, Les Daft Punk ou encore l’incontournable Lady Gaga. Rien de vraiment neuf. Normal. Quand un mot vient de sortir, il est difficile de s’y projeter et ceux qui peuvent l’incarner n’existent pas toujours. C’est souvent le concept qui crée la réalité en ce domaine. D’où la citation de personnes pas forcément très « nouvelles ».

L’apparition du mot nous en dit cependant beaucoup sur notre époque. On peut y lire la réponse à une attente de « quelque chose d’autre », de différent de ce que l’on connaît, mais pas au point d’être dérangeant. Du bouleversement, mais pas de révolution. On peut y voir une lassitude face à une uniformisation des discours et des apparences qui, par l’amplitude de son développement, n’a pas été sans faire éclore une contre-culture faite de sens critique et de cynisme. Le tout contribuant à rendre l’étonnement de plus en plus difficile à atteindre. On peut, enfin, y déceler l’envie d’une génération d’imprimer sa marque à son époque en rompant avec les codes et les conventions de leurs aînés.

Alors qu’il devient fréquent de croiser des jeunes aux cheveux verts, bleus ou roses, on vient d’apprendre qu’une marque de maquillage appartenant au groupe P&G (pas vraiment une PME) s’apprêtait à lancer une gamme permettant de réaliser des looks inspirés des droïdes et des stormtroopers de Star War… Le Gooweird est bien déjà là. Apprenons à le repérer pour mieux nous en inspirer.

Marque-truck

Cet été, outre la caravane du Tour de France, il n’était pas impossible de croiser le « Beautytruck » de Marionnaud aux allures de camion fifties made in USA, ou encore les camionnettes Norauto au look bien plus de chez nous. C’est peu dire qu’il se passait des choses sur les routes.

Le Summer Tour de Marionnaud, débuté à Antibes et achevé à Dieppe, offrait l’occasion de vivre une « expérience beauté unique » dans un « espace détente » où il était possible de bénéficier gracieusement d’une pose de vernis ou d’un modelage des mains. De son côté, Norauto profitait de l’été pour tester son premier atelier mobile, une camionette équipée de tous les outils pour intervenir sur site (vidange, changement de pneus, de batterie ou encore des freins). Un service qui, pour le moment, s’adresse aux entreprises mais qui devrait, à terme, concerner les particuliers.

Après avoir tout mis en œuvre pour attirer les clients dans leurs points de ventes (élargissement des horaires d’ouverture, événements permanents, incitations promotionnellles, pop-up comme nouvelle expérience de consommation…), les enseignes se demandent à présent comment elles pourraient aller à leur rencontre. La route devient leur nouveau terrain d’expérimentation ouvrant ainsi une nouvelle ère marketing, plus « push » que « pull ».

L’occasion de « réinventer » les règles : nouveaux formats de distribution, nouvelles techniques de vente, offres spécifiques, conquête de nouveaux clients comme autant de manières de bouleverser les habitudes et de répondre à leurs attentes d’étonnement.

Une « révolution » au cours de laquelle les nouvelles technologies auront leur rôle à jouer puisqu’elles permettront aux consommateurs de savoir à quel moment la marque qu’ils attendent « passe » près de chez eux, voire de décider de son parcours, suscitant ainsi une relation ludique et interactive avec elle.

Etre là où elles ne sont pas attendues, qu’il s’agissse de secteurs d’activité ou géographiques, ne devient-il pas finalement le nouveau défi marketing des marques ?

Néo-surprise

Il y a peu, Kinder annonçait une petite révolution avec un tout nouveau concept de surprises pour ses célèbres œufs. 5 ans de recherche pour plus de 100 millions d’œufs écoulés chaque année dans le monde. Mieux vaut ne pas se tromper. Infinimix est le nom donné à la trouvaille qui ne devrait pas manquer de changer la vie de nombreux enfants : un ingénieux système de roue à cran, désormais le centre du dispositif, leur permettra de composer à l’infini les formes rencontrées dans les œufs, selon de grandes thématiques compatibles comme « Planet Jungle » ou « Sweet Puppies » pour les premières…

Surfer sur la vague des jeux de construction et des univers à thème est assurément une bonne idée car la façon de jouer des enfants, aussi bien des garçons que des filles, évolue dans ce sens. Kinder a du lorgner du côté de Lego et de PlayMobil… Plus étonnant est d’aller à l’encontre de l’essor des jouets sous licence, notamment de contenus liés à un film, stratégie qui a pourtant assuré la croissance de la marque pendant de nombreuses années. Kinder a sans doute l’intention de développer sa gamme propre et espère ainsi surpasser la popularité d’une Princesse Disney ou d’un Schtroumpf… Pas gagné, mais il n’y a pas de petites ambitions.

Comme souvent avec ce qui semble anecdotique, l’apparition de « surprises à assembler » vient aussi nous parler de nous et de notre époque. Hier, Kinder suggérait à l’enfant de collectionner des figurines, aujourd’hui, elle lui demande de les créer par lui-même. Voilà donc l’enfant devenu « acteur », rejoignant en cela les consommateurs « acteurs », les citoyens « acteurs » ou les habitants « acteurs » de leurs quartiers, sans oublier les seniors « acteurs de leur retraite »…

La nouvelle surprise de Kinder vient enfin nous confirmer que s’amuser doit aussi, désormais, rimer avec apprendre. Collectionner, c’est bien. Confectionner, c’est mieux. Vous voilà prévenus. Vous savez désormais comment envisager vos loisirs de cet été…

Force relationnelle

Lorsque Starbucks a débarqué en France, beaucoup ont pensé qu’il serait difficile pour l’enseigne américaine de s’imposer au pays du petit noir et des comptoirs. Quelques années plus tard, force est de constater que les bars n’ont pas disparu et connaissent même, pour ceux qui ont su s’adapter, un regain d’intérêt auprès des plus jeunes. De son côté, en dépit du coûteux chemin d’implantation qu’elle a choisi d’emprunter, l’enseigne Starbucks semble avoir trouvé aujourd’hui sa place dans les grandes villes, entre point de repère pour touristes esseulés et oasis urbaine pour une grande partie de la génération élevée aux séries télé américaines, sensible à son aspect cool et clean.

Il est aussi à noter que Starbucks a su habilement jouer la carte des nouvelles technologies, manière de bien prendre ses distances avec « Le bar des amis » et d’affirmer sa position de pionnier du digital. Hier, vendeur de café, voilà l’enseigne devenue entreprise technologique en pointe dans la relation client. Wi-fi offert, plateforme de d’échange avec les clients, création d’un porte-monnaie électronique pour payer avec son téléphone directement à la caisse, commande et paiement à distance, bornes de rechargement de smartphones… viennent ainsi participer à la qualité de l’expérience client, renforcer le sentiment d’appartenance communautaire…  et nous révéler une nouvelle manière de pratiquer le marketing…

Car ici, chaque innovation technologique est d’abord une réponse à une source potentielle de micro-stress. Voir l’indicateur de recharge de la batterie de son téléphone chuter et ne pas avoir de chargeur sur soi, être pressé et vouloir boire un café sans faire la queue, avoir tout de suite besoin de wifi pour échanger des documents… sont autant de motivations pour se rendre dans un Starbucks, autres que de vouloir passer un bon moment autour d’un café. 

En faisant venir des clients dans ses magasins pour d’autres raisons que l’offre associée à son cœur de métier, Starbucks vient nous rappeler que la force relationelle d’une marque est désormais constitutive de son identité. Et qu’il vaut mieux parfois accorder autant de soin à sa relation client qu’à son offre produit…

Fièvre acheteuse

Symptôme d’une maladie pour les médecins, l‘irruption de boutons touche aujourd’hui le monde du marketing. Ici, c’est le bouton Darty qui permet à ses clients d’appeler au secours à la moindre panne électro-domestique. Là, ce sont les boutons Buy bientôt présents dans les résultats de recherche de Google qui, d’une simple pression, enverront les internautes vers une page dédiée au produit avec options d’achat. Une manière pour le moteur de recherche de prendre des airs de marketplace. Ou encore Pinterest qui fait, depuis peu, ses premiers pas dans le commerce en ligne avec l’introduction d’un bouton « acheter » sur certaines de ses photos épinglées. Un peu plus loin, ce sont les magazines féminins sur tablettes soudain devenus « shopables » grâce à un lien permettant à la plus impatiente de leurs lectrices de devenir instantanément consommatrice. Aux Etats-Unis, le bouton Buy it s’affiche déjà sur des tweets mentionnant des morceaux de musique… Il ne sera bientôt plus possible d’accéder à une information sans être accompagné par un bouton

Que faut-il déduire de cette soudaine fièvre ? Que les consommateurs sont devenus impatients. Sans doute. Habitués à recevoir de l’information en temps réel, à checker en permanence et à exposer leurs moindres faits et gestes sur les réseaux sociaux, le présent s’est densifié et tout ce qui peut venir évoquer le futur est immédiatement considéré comme « trop loin »

Les marques ont bien compris l’intérêt qu’elles pouvaient tirer de cette situation : plus les consommateurs se mettent à réfléchir, à s’interroger, à se renseigner, à consulter les avis des autres, moins ils risquent d’acheter… Mieux vaut donc leur suggérer d’acheter d’abord et de réfléchir ensuite que le contraire… La multiplication de ces boutons ne doit rien au hasard. Elle ne serait finalement que la version électronique du fantasme du « tout de suite » cher aux marketeurs et un temps menacé par l’apparition d’une soi-disant « quête de sens » qui aurait eu pour effet de faire s’interroger les consommateurs sur leurs gestes.

Face à chaque danger potentiel, le marketing sait trouver une solution.

 

Territoire sans limite

Au début, on croyait à un poisson d’avril mal programmé. Un « coup » marketing comme ceux que Carambar ou Mikado nous avaient déjà concocté. Ce n’était pas le cas. La proposition n’en semblait pas moins étrange. Après la ligne de maquillage proposée par Ladurée, voici donc celle de Carlsberg : une gamme de produits de beauté pour les hommes comprenant un shampoing, un conditionneur et une lotion pour le corps mis au point grâce à une collaboration avec Urtegaarden, société hollandaise spécialisée dans les cosmétiques. Le tout confectionné à la bière, of course. Sinon, elle serait où la cohérence de marque ?

Et voilà la bière soudainement parée de toutes les vertus cosmétiques imaginables : vitamines B, protéines, hydratation, silicium, brillance sans oublier l’incontournable « truc » de grand mère pour se laver les cheveux qui vient donner au propos une patine de crédibilité et déclencher la machine à « story-teller ». La gamme des « Laboratoires Carlsberg » est commercialisée sous l’appellation Beer Beauty sur le site de la marque, dans ses magasins ainsi que lors des différents événements qu’elle compte organiser pour faire mousser son innovation…

Le passage de l’univers de la bière à celui de la beauté n’aurait pas semblé évident il y a encore cinq ans. Il l’est désormais totalement. Ce grand écart, cette volonté d’aller chercher les partenariats les plus éloignés possibles de son « cœur de métier » est même devenu la marotte marketing du moment.

Sans doute parce qu’il y a nécessité pour les marques de se singulariser fortement dans un univers, non pas forcément plus concurrentiel qu’hier mais où elles doivent parler plus fort pour se faire remarquer. Sans doute aussi parce que les consommateurs attendent aujourd’hui des marques plus que les produits et les services qu’elles proposent « naturellement ».

A l’origine, la consommation était associée à une classe sociale, puis à un style de vie. La voici désormais envisagée comme un loisir, entre culture et entertainment. Apprendre quelque chose et s’étonner sont devenus les deux grandes exigences du consommateur contemporain. La pyramide de Maslow en est soudainement toute bouleversée…

Les héros de quartier

Beaucoup continuent de regarder Paris comme une somme d’arrondissements alors qu’il est aujourd’hui devenu plus juste d’envisager la capitale comme une succession de quartiers. Il suffit de suivre les événements ayant lieu à « So-Pi » (South Pigalle), dans le « Haut-Marais » dans le « village des Batignolles », ou de compter le nombre de T-shirts croisés jouant sur cette fierté d’appartenance pour finir de s’en convaincre. Les plus pointus n’auront pas manqué de remarquer le « Belleville Hills » arboré par la réalisatrice Maïwenn au dernier Festival de Cannes…

Certaines marques l’ont bien compris. A commencer par Adidas qui, en 2014, inspirée par le Palio de Sienne, cette course hippique datant du XVIIème siècle consistant à opposer chacun des 17 quartiers de la ville, avait imaginé des compétitions entre coureurs parisiens de différents quartiers emblématiques dotés, pour l’occasion, d’un blason…

Cette année, la marque aux trois bandes propose des Boost Battle Run (les noms ont leur importance), des marathons entre teams de différents quartiers. Et, du 6 au 14 juin dernier eut lieu la deuxième édition du « tournoi jaune » (en raison de la couleur d’un sponsor alcoolisé…), une compétition de baby-foot, organisée par le journal gratuit et crypto-branché Le Bonbon, entre six « villages » parisiens (Batignolles, Pigalle, Canal Saint-Martin, Montorgueil, rue de Bretagne et rue du Faubourg-Saint-Denis) dans des bars reconnus comme des points de ralliement.

Que retenir de cette évolution ? Tout d’abord, qu’il ne suffit plus, aujourd’hui, d’habiter à Paris pour être parisien. D’un point de vue marketing et socio-culturel, être parisien, c’est habiter certains quartiers de Paris. Ceux qui portent un esprit, une manière d’être et de paraître, un style de vie. Tous les quartiers n’accèdent donc pas au statut de « villages » tels que les bobos et les marques les apprécient. On ne voit pas encore poindre de Ha-Cha (« Haut Champs-Elysées ») ou de So-Su (« South Suffren »)…

Ensuite, que la fierté d’appartenance, dont tous les marketeurs raffolent depuis qu’ils ont rencontré la pyramide de Maslow, n’est pas morte. Loin de là. Reflet d’une attente de singularisation faite de codes, de rites, de gestes et de mises en scène de soi, la fierté d’appartenance se pratique désormais « micro-localement » et s’exacerbe par des compétitions fun et bon enfant. Un contexte idéal pour toutes les marques en quête de proximité et de complicité.