Pour comprendre les Millennials (la grande obsession marketing du moment), on ne peut se contenter de mesurer, par toutes sortes d’études, leur rapport aux marques, au temps ou au travail. Il faut aussi aborder leurs goûts et leurs univers esthétiques.
Dans ce domaine, on ne peut qu’être surpris par la manière dont ils ont réinventé la nostalgie. A la moindre réédition de jeux, de téléphones ou reprise musicale, les voilà qui évoquent avec tendresse leur enfance, pourtant pas si éloignée. Quant à leurs références visuelles, elles regardent souvent du côté des années 70 et 80 qu’ils n’ont pourtant pas connues. Une vraie fausse nostalgie qui vient trahir leur inquiétude face à un futur perçu comme incertain et que l’on retrouve aussi dans leur champ lexical.
Est-ce parce que leur monde du travail est peuplé d’écrans que leurs lieux de prédilection convoquent la mémoire ouvrière, celle de l’effort physique et du vrai labeur ? Atelier, Chaufferie, Réserve, Zinc, Usine, Cantine, Réfectoire font florès. Sans parler de leur affection pour les vestes d’ouvriers, les sacoches en cuir vieilli, les casquettes, bleus de chauffe, combinaisons et autres salopettes… Leur manière à eux de célébrer l’ouvrier comme working class hero. Le tout sur fond de prénoms rétros particulièrement appréciés des néo-limonadiers : Odette, Aimé, Jeannette, Dédé, Simone, Marguerite, Louis, Marcel et même Marcelle. Trop cool. On aurait pu avoir Brigitte, mais, là, il va falloir patienter un peu… Comment ne pas être étonné de tous ces restaurants (ou plutôt Maisons) établis à Boboland qui ont pour noms Persillé, Cocotte, Le Bel Ordinaire, Bonhomie, Bienvenue, Bonté, Comice, Epuisette ou Les Résistants ?
Repli franchouillard ? Ultime tocade du moment ? Pourquoi pas. Mais surtout manière pour les Millennials d’affirmer leur présence au monde. Un recours aux signes d’hier pour donner du poids et de la réalité à un quotidien devenu virtuel. Un passé idéalisé comme contrepoint à un présent « désidéalisé », marqué par le pragmatisme et l’efficacité.