Dans les années 50, toute ménagère moderne se devait de posséder une machine à laver et un frigo. Une modernité technique. Dans les années 70, le désir s’est déplacé sur les yaourtières et autres appareils permettant de faire soi-même ce que l’industrie proposait. Les prémices d’une modernité responsable et citoyenne. On peut se demander si, aujourd’hui, le fantasme n’est pas incarné par la mini-serre hydroponique. En résumé, une mini-serre à poser dans sa cuisine, où des plantes, familières mais pas seulement, poussent sans difficultés, racines dans une eau auto-régulée et têtes à la lumière électrique responsable.
A Berlin, un magasin Métro, en collaboration avec la start-up In Farm, propose des plantes aromatiques cultivées directement dans son rayon fruits et légumes. En Angleterre, Ikea vient de lancer « Krydda/Växer » (ça ne pouvait pas être simple), des kits hydroponiques, développés en collaboration avec des scientifiques agronomes en Suède, qui comportent tout le nécessaire pour commencer la germination d’un jardin d’intérieur et le garder en pleine forme durant toute la croissance. Chaque kit est livré avec des petits pains de laine de roche absorbante pour faire germer ses graines, puis des graines et des pierres ponces pour repiquer les jeunes plants.
Le succès actuel de ces systèmes de culture ne doit rien au hasard. Il est tout d’abord le miroir d’une époque où la nature exerce une véritable fascination, source d’enseignements, de vérité et de pureté devenue sacrée. En posséder un morceau chez soi et en prendre soin, c’est avoir le sentiment de participer à cette ode. Avoir une mini-serre dans sa cuisine, c’est aussi être acteur du spectacle de la transformation du vivant. Et, si possible, en famille. Chacun fait pour elle un petit geste, lui accorde une petite attention, lui dédie une petite preuve d’amour. L’émotionnel au service du résultat. Un nouvel imaginaire est en marche. Il existe bien déjà des produits à faire germer chez soi qui poussent dans leur emballage…
Cette nouvelle tendance vient aussi doter les cuisines d’une nouvelle fonction. Jusque là, lieux de conservation et de transformation, elles prennent ici des airs de lieux de production. Mini-serres et yaourtières, même combat quarante ans plus tard, l’enjeu écologique en plus. L’âme d’un producteur sommeille en chaque consommateur.