Les anglo-saxons, qui ont toujours un nom pour qualifier leurs observations, parlent de « staycation », hybride de Stay et de Vacation, pour décrire une tendance qui consisterait à prendre des vacances pour rester chez soi ou autour de chez soi. Le phénomène toucherait les citadins victimes de la crise, tous les surchargés de travail ainsi que ceux qui considèrent un déplacement en avion comme un crime contre la planète. Plus récemment, sont venus s’ajouter à la liste ceux qui craignent des attentats ou des menaces épidémiques… Résultat : le phénomène toucherait de plus en plus de monde et prendrait diverses formes.
Aller à l’hôtel dans sa propre ville en serait une, plutôt inattendue. Après le tourisme d’ailleurs, vive le tourisme d’ici. De plus en plus d’hôtels offriraient ainsi des prix cassés sur les chambres restant disponibles en fin de journée. Pourquoi pas. Une autre consisterait à s’évader en banlieue où les prix, plus abordables, permettent d’accéder à plus d’espace et à des jardins contribuant largement à l’amélioration de la qualité de la vie. Le rapport au domicile principal se teinterait alors de l’imaginaire habituellement associé aux résidences de vacances. Plus cool, sans doute, plus créatif, parfois. Jardiner, fabriquer ses propres confitures, pratiquer le yoga sur sa terrasse, pour ne reprendre que les fantasmes les plus véhiculés par la presse féminine, deviennent alors possible.
La « staycation » peut aussi avoir pour effet d’inciter les citadins à regarder et à vivre différemment leur ville : explorer ses arrière-cours et anciens ateliers, ses moindres recoins jusqu’aux plus éloignés (à Paris la carte Navigo dézonnée accompagne ce mouvement), parcourir ses différents quartiers en Vélib’, Segway ou skate, installer des poulaillers et des jardins communautaires en sont les expressions les plus visibles.
En poursuivant l’idée d’une échappatoire possible aux contraintes et à la répétition de la vie quotidienne, le phénomène de la « staycation » contribue à l’émergence d’un nouveau rapport à la ville. Et vient nous rappeler que la réalité est surtout une affaire de regard.