Après six ans de bataille, les pratiques sociales et culturelles associées aux bistrots et cafés de France sont désormais incluses à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel. Prochaine étape, l’Unesco. Cette volonté de préserver ce patrimoine a de quoi réjouir, tant le modèle du bistrot à la française, avec son patron haut en couleur, ses serveurs et ses habitués qui assurent l’ambiance, semble menacé.
Un bistrot, c’est d’abord un comptoir où chacun peut s’accouder, c’est un catalyseur de socialité, un espace ouvert où tous les gens de toutes classes sociales se rencontrent, une façon d’être ensemble de manière informelle qui constitue un des attraits de notre pays affirme le président de l’association à l’origine de ce classement, lui-même patron d’un établissement. Le bistrot peut-il encore être un lieu de mixité sociale avec des plats du jour à 18 euros ? Quid de la mixité sociale face à une offre de restauration rapide marketée pour séduire les plus jeunes et à des propositions calibrées pour une clientèle internationale qui carbure aux brunchs à toute heure ? Sans oublier la déferlante des coffee-shops (sûrement moins brassés que ne le voudrait l’Unesco), le dynamisme des boulangeries et la multiplication des dark kitchens qui soustraient aux bistrots une (bonne) part de leur clientèle.
Pour demeurer dans le paysage sans devenir des décors à destination des Emily de passage in Paris, les bistrots doivent valoriser leur ambiance autant que la qualité de leur offre. La chaise de bistrot cannée posée sur les trottoirs et les façades recouvertes de fleurs en plastique comme produits d’appel à instagrammer ne suffiront pas.
Nombre de bistrots, dans les villages comme en centre-ville, le font déjà en s’improvisant lieux d’expositions, de fêtes ou d’animations telle la Course des Garçons de Café, récemment relancée. Certains sont aussi PMU comme nous le rappelle le Fooding avec la parution de son premier guide « PMU, les 100 bars qui font la France ». Après celui des Relais Routiers, il est la preuve que l’authenticité vue par les gentri-foodeurs serait toujours à chercher du côté du populaire. On peut s’interroger. Surtout quand celui-ci est menacé par la seule présence d’acheteurs de guides, animés par l’idée de rendre hype le réputé ringard…
Bistrot ou bar PMU, chacun court après son fantasme d’être perçu comme un lieu de partage et d’authenticité. Mais l’énoncer, n’est-ce pas aussitôt l’empêcher de le devenir ?
So What ?
Toutes les marques sont en quête d’authenticité et convoquent pour cela leur histoire et leur savoir-faire. Mais le premier signe de leur authenticité ne tient-il pas simplement à la vérité de leurs propos ?