Si le confinement a modifié notre rapport à l’espace (limité à notre lieu de vie), à notre assiette (faute de cantines et de restaurants) et, de façon générale, au temps (des lundis comme des mardis comme des mercredis), il aussi impacté notre rapport aux magasins. Les voici soudainement comme des Cendrillons qui auraient raté leur carrosse de minuit. Hier, synonymes d’expériences prétendument inoubliables, ils sont redevenus de simples pourvoyeurs de biens que l’on est bien content de trouver au bout de sa rue et dans lesquels on se rend sans l’envie d’y traîner, des fois que le virus se serait caché derrière une boite de conserve.
Hier, synonyme de fluidité, de rapidité et d’efficacité, à coups de bornes et de « sans contact » (jamais autant dans l’air du temps), le parcours que les magasins proposent est désormais jonché d’obstacles. Dans les superettes, il faut compter avec le temps d’attente pour entrer et le mètre de distanciation sociale à la caisse. Les boulangeries qui vendent sur leur pas de porte ont pris des allures de drive. Chacun attend son tour sur le trottoir. Vous faites la queue ? demandent, incrédules, ceux qui pensaient que ce genre de situation était réservé aux soldes de presse. Il nous faut aussi programmer nos courses. Pas simplement faire la liste de ce qui nous est nécessaire, mais en organiser l’achat en fonction de la proximité des magasins qui les détiennent, pour pouvoir tout acheter dans le cadre de l’heure qui nous est allouée. Une nouvelle géographie est à l’œuvre où la proximité d’un magasin s’enrichit de sa proximité avec d’autres.
Le temps des courses est aussi devenu un des rares moments où nous pouvons avoir un échange humain avec quelqu’un d’autre que nos co-confineurs. Alors que nous ne voyons plus nos voisins que sur leur balcon ou à leur fenêtre, c’est avec la caissière de notre superette que nous échangeons régulièrement quelques mots. Ca va ? Vous allez bien ? Dans le magazine Elle, on nous propose de nous habiller pour aller faire nos courses comme si nous « sortions ». Car, oui, nous sortons bien. Hier nous faisions les courses, aujourd’hui, ce sont les courses qui nous font. Ce n’est pas un changement de paradigme, ça ?