Depuis le 27 janvier et jusqu’au 19 février, le Café Chéri, situé un peu avant Belleville et considéré comme un spot de ralliement pour toute la faune créativo-Gen Z de l’est de la capitale, a été rebaptisé Heattech Café. Pas vraiment la même poésie… Pourquoi ? Parce que Uniqlo a décidé de faire une OPA sur sa terrasse pour promouvoir les matières thermiques de ses vêtements. Résultat : toute la façade du café et son personnel sont aux couleurs de la marque (jaune, orange et rouge) et des plaids en Heattech sont mis à la disposition des clients. De quoi donner vie à l’idée directrice de l’opération : être, pour quelques jours, « la terrasse la plus chaude de Paris ».
Sous la gouverne d’Uniqlo, la carte a même été réorientée vers une offre inédite de boissons et de plats aux notes « caliente » et nipponnes comme des burgers épicés et des cocktails à base de saké ou de litchi… La démonstration que l’alliance d’une enseigne symbole de la mondialisation et des représentants d’une idéologie naturelle de contestation est davantage possible en 2023 qu’à d’autres époques où toute marque était forcément le symbole d’un capitalisme qu’il ne fallait pas encourager. L’accord passé entre le Café Chéri et Uniqlo pourrait être vu comme un pacte avec le diable, mais qui résisterait, en ces temps compliqués, à l’appel de l’argent ?
Notre époque est bien plus pragmatique qu’idéologique. Ceux qui en doutaient en ont ici une preuve supplémentaire. Il n’est pas rare qu’une marque décide d’occuper un lieu sous la forme d’un pop-up ou d’un café éphémère, voire d’une bâche de travaux sur une façade bien placée. L’objectif pour elle est alors d’accroître sa notoriété, de toucher de nouveaux publics ou de faire connaître son ultime lancement. La logique du rapprochement du Café Chéri et de Uniqlo est toute autre puisque le lieu choisi est à la fois confidentiel et fortement communautaire et que la marque à la manœuvre n’est sans doute pas la plus aspirationnelle pour ceux qui vont devoir accorder leurs habitudes à sa présence. L’opération est autant révélatrice de l’agilité (de l’habileté ?) des marques qu’annonciatrice de nouvelles formes de collaborations, plus ciblées, plus inattendues mais aussi plus « violentes » que celles que nous connaissions, en faisant irruption dans des lieux où elles ne sont pas attendues. Après les cafés dans les magasins, voici venir le temps des marques dans les cafés. Une nouvelle facette du Guerilla marketing.