Chaque début de nouvelle année est l’occasion de relever les mots marquants de celle qui vient de s’achever et de se demander ce qu’ils nous disent de nous. Certains n’ont fait que traverser nos conversations, d’autres se sont incrustés. Parmi eux, « du coup » figure incontestablement en tête. Il s’est répandu dans toutes les conversations (surtout des moins de trente ans, mais pas que…) tel un un virus sans sanction de confinement. Notons qu’il a pris la place d’un « en même temps », né avec les élections présidentielles de 2017, qui ne pouvait espérer durer. Après l’hésitation du « en même temps », place à un « du coup » qui donne le sentiment d’une action. Ne rien faire en donnant l’illusion d’avoir décidé quelque chose, voilà qui n’est pas pour déplaire à notre époque… Depuis, le « en même temps » s’est rebaptisé « hybride », qu’il s’agisse de rouler ou de se définir.
En 2022, on n’a jamais autant jeté de manière inédite. De la purée et de la soupe sur des tableaux (protégés) ou encore des haches (miniatures) pour s’amuser entre potes, un verre de bière à la main. Jeter, ça défoule et ça assure toujours son petit effet. Une double vertu. Impossible d’évoquer 2022 sans souligner le temps de cerveau disponible désormais consacré à la météo, et pas seulement les veilles de ponts. Les Miss Météo qui finissaient sur les plateaux de cinéma se sont réincarnées en vigies des catastrophes et leurs prévisions, à grand renfort de cartes orange ou rouge, ne contribuent guère à alléger nos esprits. On n’est plus là pour rire.
La météo est devenue le vocabulaire symbolique de nos préoccupations. Ainsi, cet été, dominé par les feux de forêt, savoir si les incendies étaient « fixés » était une façon de nous demander quand nous le serions, nous aussi, sur notre propre avenir. Quant aux actuelles perspectives de moments de délestage, pourquoi ne pas les regarder comme une métaphore de la situation de notre pays ? Après « la France d’en haut et la France d’en bas » qui ne pouvaient donc pas se rencontrer, puis « la France des invisibles » qui revêtait un gilet jaune pour exister, voici « la France délestée » qui regroupe toutes les victimes de l’inflation. Celles qui connaissent des fins de mois difficiles et font le succès des enseignes low-cost, des solderies et des bons plans. Pas de doute, ce sont bien les mots qui parlent le mieux de nous.