Il y a moins de dix ans, celui ou celle (plutôt celle) qui avouait boire du rosé était regardé avec un certain mépris. Il/elle n’y connaissait rien en vin et, pire sans doute, rien au plaisir de la table. C’était un temps où les jeunes cadres fringants aimaient se retrouver autour d’une « bonne » bouteille de rouge qu’ils prenaient le temps de déguster à l’aveugle et de commenter de moult adjectifs. Un « moment de partage » beaucoup moins prisé aujourd’hui.
Un Covid plus tard, c’est l’apéro qui ramasse tout avec ses potes et ses planches au point de menacer le dîner si le beau temps s’installe. Les cartes sont redistribuées. La bière s’affirme comme le signe ultime de la coolitude urbaine pour les Millénials au même titre que la pétanque en tong le long d’un canal. Les vins se parent de nouveaux habits et se veulent moins solennels, plus cool eux-aussi, naturels ou vivants, histoire de nourrir les conversations et de permettre à chaque buveur de produire son petit discours responsable.
Dans ce contexte, le rosé refait surface en mode transclasse : oublié le camping et les pique-niques, tables étoilées me voilà ! Une ambition qui n’a pas échappé à LVMH et à Pernod Ricard qui multiplient les acquisitions de vignoble provençal avec, dans le viseur, l’idée d’augmenter la production de crus classés. Le marché du rosé a clairement changé de statut et lorgne désormais du côté des produits d’exception. Selon les professionnels, il devrait connaître une croissance de 3 à 6% d’ici 2027 dans le monde entier et pourrait même remplacer le champagne auprès d’un public plutôt féminin. Pourquoi seulement féminin ? Les peoples voient, eux aussi, la vie en rosé. Brad Pitt, Georges Lucas, Georges Clooney et Tony Parker ont fait flamber la vigne, provoquant quelques tensions au passage…
Cet engouement ne doit rien au hasard. Il vient souligner la « méditerranéisation » progressive de notre société qui avale tous les imaginaires du sud les uns après les autres : les terrasses, les plages urbaines, le spritz, la vie en short et en lunettes noires, les tapas et les recettes dominées par les légumes, les pâtes et l’huile d’olive. Il suffit d’observer la prolifération des restaurants italiens, grecs et levantins dans la capitale pour finir de s’en convaincre.
Le succès du rosé vient aussi nous rappeler le pouvoir d‘attraction de tout ce qui est associé à un terroir, une tradition ou un savoir-faire. Des synonymes de « vrai » envisagés comme des valeurs sûres qui ne pourront que se bonifier au fil du temps et seront toujours recherchées. Les groupes de luxe et les investisseurs ne s’y sont pas trompés.
So What ?
Chaque produit doit faire référence à ses origines et à son savoir-faire. A défaut, valoriser son ancienneté. Car les signes d’authenticité seront de plus en plus recherchés dans un monde internationalisé et virtualisé.