Chaque année, Noël offre à tous les pâtissiers de France l’opportunité de faire la démonstration de leur savoir-faire à travers la réalisation de leur bûche. Le seul moment de l’année puisque ce ne sont ni la galette des rois, ni les œufs de Pâques qui peuvent venir sur ce terrain. Car la bûche touche autant à l’esthétique qu’à sa composition pâtissière tant elle doit aujourd’hui être étonnante pour s’assurer une belle vie sur les réseaux. L’œuvre d’art n’est pas loin et c’est le sentiment d’y accéder qui déclenche autant la fierté que l’achat.
Premier constat : les bûches ont désormais de moins en moins envie de continuer à ressembler à une bûche. Elles sont devenues un exercice conceptuel où leur forme initiale est réduite à une citation voire totalement absente. Cette année, on a ainsi pu découvrir de nombreuses bûches architecturales aux airs de maquette du château de Versailles ou de façades haussmanniennes. En forme de bougeoirs, aussi, imaginés par l’incontournable papesse du bon goût parfait Sarah Lavoine pour le compte du salon de thé Angélina… Une bûche Mont Blanc aurait été trop facile…
Après les pâtisseries signées Vuitton, une preuve supplémentaire que la fashion-pâtisserie n’est pas loin. Nous voilà désormais prêts à nous confronter à une bûche Guerlain, Gucci ou Louboutin. L’exercice de translation d’un univers à un autre (comme dans les rêves) constitue même un signe de distinction : moins une bûche ressemble à une bûche, plus elle affirme son appartenance élitaire. Les prix sont là pour témoigner. Et, plus elle a une apparence sophistiquée, plus les attentes de goûts étonnants sont fortes.
Second constat : la bûche est associée à des story-tellings toujours plus élaborés qu’elle ne pouvait produire lorsqu’elle n’était qu’un tronc d’arbre agrémenté de facétieux lutins et d’arrondis bonhommes de neige. C’est tout l’imaginaire du sur-mesure, de la valeur perçue et de l’artisanat d’art qui est ici convoqué, mixé à celui des nouvelles technologies et, en particulier, de l’impression 3D… L’imagination et l’exécution priment, la performance devient une expression du savoir-faire et la stylisation domine l’esthétique. Toutes ces néo-bûches, produites en éditions ultra limitées font même désormais l’objet d’un prix spécial lors des Trophées Fou de pâtisserie, l’équivalent des Césars pour la profession. Il fallait bien que cela arrive. La reconnaissance de la profession comme condition de la reconnaissance des consommateurs.
So What ?
Tout le secteur alimentaire se réinvente face à l’attente croissante d’esthétique et d’étonnement de la part des générations nées avec les réseaux. Audace, détails et sophistication sont devenus les nouveaux moteurs de l’innovation.