En cette période éco-responsable qui voit progressivement disparaitre du paysage toutes formes de sacs et d’emballages, on peut s’étonner de la résistance des boites en carton, pourtant menacées par leurs équivalents durables conçus pour accueillir le vrac ou les préparations maison qui constitueront les déjeuners en entreprises.
Le monde de la pizza figure en tête de la résistance. Difficile en effet d’imaginer en consommer une sans son carton tant l’imaginaire de celui-ci y est associé. Commander sa pizza puis la porter fièrement encore chaude dans sa boite où elle sera découpée et achevée fait assurément partie de sa mythologie personnelle. La boite en carton fait aussi de la résistance à l’heure du déjeuner sous la forme d’une boite-repas (avec son couvercle transparent) portée telle une offrande par des salariés privés de sacs et en quête d’un endroit pour se poser, coiffée d’un morceau de pain calibré (pas deux) et d’une autre petite boite, ronde et en plastique cette fois, contenant la sauce sans laquelle la proposition serait incomplète. Ultime avatar de la gamelle, la boite-repas peut aussi bien accueillir une sélection de sushis qu’une salade de pâtes à la promesse d’équilibre affirmée.
Au-delà de ces deux moments de consommation bien ritualisés, la boîte en carton se retrouve aussi, et de façon plus inattendue, dans le monde des donoughts. Si ceux-ci ont été conçus pour se consommer à l’envie et avec les doigts, il n’est pas rare de les voir proposés dans des boites de six ou douze. Moins chers à l’unité, certes, mais là n’est pas l’essentiel car ainsi mis en boites, les donoughts acquièrent un nouveau statut. D’objets d’un désir égoïste, ils deviennent plaisirs à offrir pour être partagés, réunis dans une « boite découverte ». Rangés les uns à côté des autres, leurs harmonies de couleurs et de matières se font décor, signe supplémentaire de la mutation du quotidien en « beautidien ».
De gourmandises un peu trash, les voilà qui se rêvent en gâteaux du dimanche, portés par leur statut d’icônes et prêts à rejoindre le clan des éclairs et des millefeuilles. Une forme d’anoblissement. Ici, la mise en boite est au service de la réinvention de soi. Une promesse pleine d’avenir. Surtout quand on sait que les mots coffret ou écrin sont déjà en embuscade pour venir premiumiser la proposition. Qui pourrait résister à un coffret de donougts ?
So What ?
Quand le carton devient écrin, il cesse de n’être qu’un véhicule fonctionnel pour devenir véhicule émotionnel. Il ne sert plus à porter mais à signifier. Son identité visuelle (couleur, typo, logo) prend alors tout son sens.