Tout a commencé à la seconde moitié du vingtième siècle. En ce temps-là, l’intelligentsia intellectuelle s’offusqua de voir un des héritiers de la famille Picasso vendre la signature de son auguste parent à un constructeur automobile qui avait décidé de la placer sur la carrosserie d’un de ses monospaces. La Citroën Picasso était née, fruit du premier pacte passé entre la grande consommation et le monde de l’art. L’histoire n’allait pas tarder à se répéter et il est aujourd’hui devenu (presque) banal de voir un artiste se pencher sur une paire de sneakers, une montre ou même un flacon de parfum comme l’a récemment fait l’architecte Franck Gehry pour ré-enchanter ceux de la maison Vuitton. L’art comme un coup de baguette magique donné en direction des marques. La version marketing de Cendrillon : la souillon transfigurée en princesse.
On comprend bien l’intérêt de la manœuvre pour les marques grand public qui trouvent là l’opportunité de se doter d’une épaisseur culturelle, qui ne pourra que contribuer à leur prestige et étonner leurs clients de plus en plus avides d’histoires originales à raconter. Voilà que cette logique se pare aujourd’hui d’un jour nouveau avec l’intérêt soudainement porté par les institutions culturelles (et pas n’importe lesquelles…) aux jeunes entreprises, catégorie Espoirs du futur.
La lecture récente de la presse nous apprenait ainsi que le Château de Versailles venait de lancer une paire de baskets réalisée à partir de métrages de tissu issus de l’exposition Hyacinthe Rigaud présentée en mai dernier en ses murs. Un modèle exclusif réalisé dans une étoffe bleue, rehaussée d’or d’exception, imaginé en collaboration avec la jeune griffe française Le Lissier spécialisée dans la récupération textile. Quant à la vénérable Comédie Française, la voilà qui propose désormais dans sa boutique (jusqu’à présent plutôt orientée bougies, carnets et textile) deux savons, dont les couleurs et le graphisme font référence au costume de l’Arlequin, réalisés en collaboration avec la jeune savonnerie parisienne Ciment.
Le monde d’avant et le monde d’après ont décidément des choses à se dire et à faire ensemble. Imaginons que chaque représentant du patrimoine tende la main à une start-up pour donner vie à un projet commun, tout le monde n’en sortirait-il pas gagnant ?