Jusqu’en janvier prochain, le Musée des Arts Décoratifs et du Design de Bordeaux propose la première grande rétrospective consacrée à l’histoire des baskets en Europe, mise en scène par le designer Mathieu Lehanneur. Plus de 600 paires y sont présentées, choisies de 1900 à nos jours, entre les modèles portés par les stars du sport, les rappeurs et les skateurs du moment et ceux revisités à coup de logos de luxe. Le choix a du être difficile… Les baskets au musée, il fallait bien que cela arrive un jour car cela fait longtemps qu’elles racontent autant leur époque que les attentes de ceux qui les portent. C’est cette force qui justifie leur présence dans un musée.
A l’origine simplement fonctionnelles et conçues pour une pratique sportive, elles ont progressivement migré vers le continent de la mode, ouvrant le segment du streetwear qui est au début du siècle ce que le prêt-à-porter fut aux années 50. Une autre façon de se présenter au monde, plus spontanée, plus libre et plus proche de ses envies. Montre-moi tes baskets et je te dirai d’où tu viens et même où tu vas. Car, les baskets n’ont rien d’universel et ne transcendent pas les catégories sociologiques. Bien au contraire. L’âge, la classe sociale et même la région d’appartenance sont lisibles pour l’œil averti sur chacune d’entre elles.
D’objets de consommation, elles sont devenues objets d’expression personnelle, puis objets de désir et de collection au point de se retrouver parfois dans des ventes aux enchères où elles atteignent des cotes que le néophyte peine à croire… Le fantasme absolu. Certes, tous les produits ne peuvent pas prétendre accéder aux marchés spéculatifs, mais l’exemple des baskets permet de rappeler les qualités que tout produit doit contenir pour être désirable. Etre associé à une innovation. Pour se différencier comme pour permettre à ceux qui les achètent d’accéder à une histoire qu’ils pourront raconter à leurs amis et sur les réseaux. Etre le plus personnalisable possible, pour répondre aux forts désirs actuels d’affirmation de soi. Et être associé à une communauté, sportive ou créative, pour s’assurer un capital culturel fort. Prochain enjeu : l’éco-responsabilité. Entre recyclabilité, respect des conditions de travail et production locale. Indispensable pour continuer à séduire la génération Thunberg.