Effet Georges III ou non, la tourte, appelée outre-manche pie, serait de nouveau recherchée et appréciée dans le village Fooding, là où rien ni personne ne disparaît à vie. Pour preuve, l’arrivée imminente à Paris du chef britannique Calum Franklin, également connu sous le nom de « the Pie King » avec un établissement près de l’Opéra et, dans ses valises, ses meilleures tourtes. Of course. Ou encore, l’ouverture récente de Groot, restaurant de tourtes, près de la rue Montorgueil.
Le magazine Elle, toujours à l’affût, qualifie même la tourte de « hit » de l’hiver, rappelant pertinemment au passage qu’elle est sans aucun doute le premier plat anti-gaspi de l’histoire. Une sorte de « fourzitou » d’il y a 600 ans où finissaient tous les restes qui, recouverts d’une pâte, feuilletée, permettait de satisfaire l’appétit des voyageurs anglais qui parcouraient la route pendant plusieurs jours. Au fil des siècles, la tourte allait devenir l’écrin des mets les plus raffinés avant de disparaître, sacrifiée sur l’autel de l’industrie agroalimentaire. La voici donc de retour.
Mais de quoi la tourte est-elle le nom ? Son succès est à rapprocher de celui des pâtés en croûte, de plus en plus visibles sur les tables. Et pas seulement celles des bouillons et des bistrots. La tourte, c’est d’abord un jeu de montré-caché très apprécié de nos jours. Je ne dis pas ce que je fais, je ne montre pas ce que je mange…
Vue de loin, la tourte est belle, ce qui n’est pas négligeable en ces temps d’instagrammabilité rampante, mais ne dévoile rien de ce qu’elle promet. Et sa pâte feuilletée a tout pour devenir un support de créativité visuelle comme le fut, en son temps, la mousse de café qui participa ainsi activement au renouveau du petit noir. En cachant pour mieux montrer, la tourte se met au service de l’étonnement et de la surprise, le carburant marketing du moment. Là est peut-être la raison de son engouement actuel.
Mais que cache donc cette belle tourte ? Surprise, surprise. De la viande, certes, beaucoup de viande même, permettant à tous les viandards de satisfaire, à l’abri des regards, des envies pas toujours faciles à assumer publiquement, mais aussi des légumes, du poisson ou du fromage. Un art du vivre ensemble, mais caché. Le témoignage vivant et discret d’un savoir-faire culinaire. Un « quiet savoir-faire » qui sonne comme une promesse, une manière de nous dire que ce que nous voyons n’est rien par rapport à ce qui nous attend. Un art de lé séduction qui vient nous rappeler qu’il n’est pas toujours besoin de tout afficher pour donner envie.