Mercredi, on fêtera la Libération. La fièvre est palpable. Dans toutes les villes de France, de fringants cafetiers, armés de perceuses et de pinceaux préparent leur terrasse, lavent les façades de leur établissement, astiquent les chaises et les tables pour que tout soit prêt pour le Grand Jour. Ils sont si heureux et impatients à l’idée d’accueillir de nouveau leurs clients. Tous ces urbains qui, depuis plusieurs mois, rongent leur frein et rêvent du moment béni où ils vont (enfin) pouvoir boire un coup avec leurs potes en terrasse. Pas une bière sortie d’un pack de 12 acheté au Monop’ à 18h45 et bue tiède, assis au bord d’un canal ou sur la pelouse d’un jardin public. Non. Une bière, une vraie. Dans un verre. Bien fraîche. Celle que l’on commande d’un geste de la main en interpellant le garçon (ou la fille), de préférence par son prénom pour bien signifier aux autres qu’on est un habitué et qu’on n’hésitera pas à relancer si la commande se fait attendre. Tu m’as oublié ou quoi ? Une terrasse est bien plus qu’un lieu. C’est une utopie, avec ses codes et ses enjeux implicites.
C’est aussi un idéal de vie. Autour de la table, que des amis ou des têtes déjà croisées. L’urgence a disparu. Les conversations fusent et chacun a les répliques du rôle qu’il s’est donné. Les projets naissent, les corps se détendent, les soucis se sont assoupis, les confidences sont au bord des lèvres dès le second verre. Soudain, la vie semble différente. Un sentiment d’ailleurs saisit les esprits. Quel plus bel endroit pour affirmer que « consommer est une fête » ?
Il fut un temps où l’on refaisait le monde autour d’une table. C’est désormais sur une terrasse et autour d’un verre. Plus spontané, plus inclusif, plus festif. Moins cher aussi. Les planches à partager ont pris la relève des couverts et des assiettes, le vin doit rappeler qu’il est bio s’il veut encore attirer l’attention, les nappes et les serviettes n’ont plus cours depuis longtemps. L’attrait des terrasses tient à ce qu’elles véhiculent une certaine vision du vivre ensemble. Pas celle que l’on imaginait il y a quarante ans et que l’on se force à retrouver dès qu’un événement fédérateur apparaît. Celle des réseaux sociaux et de leurs communautés. Comment s’étonner du succès des terrasses auprès des trentenaires ?