Quelle marque, quelle enseigne ne rêve pas de voir ses clients devenir autres ? Plus sportifs, plus responsables, plus engagés ou plus experts. N’est-ce pas la preuve irréfutable que leur « mission » de conversion a réussi ? Le monde des marques n’est jamais très loin de celui des sectes dans leur intention de modifier nos attitudes et nos comportements.
La région Bretagne n’y échappe pas et va encore plus loin en nous demandant de changer d’identité. « Partez touriste. Revenez Breton ». Qui pourrait hésiter devant une si belle promesse ? Cesser d’être celui qui passe pour devenir celui qui épouse. Découvrir une région et la quitter en ayant adopté ses valeurs. La Bretagne ne nous propose pas une destination, mais une transformation de nous-mêmes.
Pendant la crise sanitaire, tout le monde s’imaginait ailleurs. A la campagne, dans une petite ville, au bord de la mer. L’idée était alors de transposer sa vie dans un autre environnement. Pas suffisant, nous dit la Bretagne qui nous recommande, elle, une vraie rencontre, capable de nous transformer comme seules les vraies rencontres le permettent. L’enjeu n’est plus de nous suggérer de partir nous installer en Bretagne pour fuir les métropoles, adopter un autre rythme et, peut-être, donner un autre sens à notre vie, mais d’épouser le mode de vie et les valeurs des Bretons.
Un voyage en nous-mêmes que la communication décline méthodiquement en un « Partir urbain, revenir marin », « Partir rincé, revenir ressourcé » et même en un amusant « Partir sceptique, revenir celtique » qui garantissent tous une perspective de retour pas exactement à l’identique. Il ne s’agit, ici, ni de déménager, ni d’oublier sa vie actuelle mais de s’enrichir émotionnellement grâce à l’expérience proposée par la Bretagne. L’envie de changer mute ainsi, au fil du temps, en une envie de devenir un autre, qu’il s’agisse pour y parvenir de se lancer dans une formation, de monter sa boite… ou de partir en Bretagne.
Certains y verront le signe d’une éternelle insatisfaction qu’une exposition permanente à la vie des autres ne fait qu’amplifier. Se comparer, c’est se réévaluer. D’autres, la confirmation d’un désir d’affirmation de soi qu’incarnerait un désir de changement. La volonté de changer comme signe de caractère. Au même titre que rouler en SUV, faire un marathon ou se mettre au MMA.
A moins qu’il ne s’agisse d’une énième crainte, aussi inexplicable que contemporaine, de passer à côté de soi-même. Une ultime déclinaison du FOMO.
So What ?
Un produit ou un service, quel qu’il soit, ne peut-il pas s’envisager lui aussi comme un voyage au sein d’une marque qui finit par transformer celui qui l’acquiert ? La consommation comme un voyage transformationnel.