Qu’il soit posé au milieu de la table, le dimanche, lors des déjeuners familiaux, ou évalué à l’aune de la manière dont il a été élevé, aux hormones ou aux grains, en batterie ou en plein air, le poulet a toujours été un symbole avant d’être un animal.
Un symbole de la malbouffe (époque L’aile ou la cuisse) devenu au fil du temps, celui d’une tradition « d’éleveurs de père en fils ». Et même, désormais, un porte-parole de la conscience verte grâce à son empreinte carbone quatre fois plus faible que celle du bœuf. Parle-moi du poulet et je te dirais à quelle période tu vis. Que dire alors du succès actuel du poulet frit, grand gagnant de toutes les cartes, de la street food aux tables estampillées Fooding ?
Que la cote d’amour du poulet ne faiblit pas (et tant pis s’il est de moins en moins d’origine française) et qu’il a su, pour y parvenir, sans cesse se réinventer. Etre toujours là sans être vraiment le même à chaque fois : la recette de la longévité recherchée par toutes les marques. Passé en mode US, frit et accompagné d’une sauce qui fait voyager les papilles jusqu’en Louisiane, ou en mode asiatique, pour séduire les amateurs de mangas, de K-pop et de cosmétiques coréennes, le poulet nous prouve qu’il en a encore sous l’aile. Il est autant capable de séduire les plus jeunes, sous les bannières KFC (près de 400 restaurants), Popeyes (une trentaine d’ouvertures par an) ou Out Fry (Korean Fried Chicken, enseigne du groupe Taster dédié à la livraison) que leurs parents, quand il est servi dans une assiette posée sur une nappe blanche comme chez le chef étoilé Mory Sacko… Un pied dans le connu, un autre dans la nouveauté : la seule voie à emprunter pour innover.
Agile, créatif et inclusif, le poulet coche donc toutes les cases de la modernité et suit ainsi l’itinéraire fléché déjà emprunté par les pizzas, les burgers, les kebabs, voire les donuts, menant de la finger food (trash food) au lèche doigts (trash good) sans aucune considération pour les injonctions à l’équilibre alimentaire qui hantent tous les discours bien-pensants du moment. Un poulet frit bien mariné dans des épices cajuns et baigné dans diverses sauces, quoi de plus attrayant dans un monde qui voudrait tout contrôler ?
Les orthorexiques peuvent toujours se contenter d’ingurgiter des blancs de poulet, riches en protéines, avant de se rendre « à la salle » faire gonfler leurs muscles