Dîner a de plus en plus des allures de dînette. Certes, « déjeunette » ne figure pas dans le dictionnaire mais notons au passage que les déjeuners de la semaine ne sont pas loin, eux non plus, de l’esprit des dînettes avec leur multitude de contenants déposés dans un sac en papier kraft que bon nombre de salariés portent chaque jour à bout de bras, déambulant dans la ville en quête de l’endroit où se poser. Pour finir devant leur ordi…
Au fil du temps, le dîner, déjà de plus en plus simplifié (entre une entrée qui peut jouer le rôle d’un plat, un plat à partager et un café gourmand capable de se substituer à un dessert), se réduit désormais bien souvent à un picorage de portions de divers produits posés sur une planche. En bois, en pierre ou en ardoise, c’est selon. Délaissant les restaurants, les Français ont ainsi pris pour habitude de se nourrir de « planches » de fromages ou de charcuteries (un choix binaire qui n’est pas sans rappeler le fish or chicken ? des compagnies aériennes) assorties d’une bière plus ou moins artisanale ou d’un spritz toujours bien pétard. Une réalité de consommation que leurs grands-parents auraient bien des difficultés à comprendre. Manger une planche ??
Ce goût pour la dïnette peut être vu comme la énième confirmation d’un besoin de partage et de convivialité, d’échanges et d’expériences, ravivé par la crise sanitaire. Ou encore comme une manière de faire des économies sans rogner sur son plaisir, sinon une forme de régression rassurante en ces temps d’incertitudes, car partager une planche n’est jamais bien loin de l’idée de jouer à la marchande ou aux petits soldats. On pourrait aussi évoquer ici les mezzes orientaux et autres zakouskis russes à poser au milieu de la table, les mini-portions qui fleurissent sur les cartes, en entrées ou en desserts, sous couvert de donner la possibilité de « tout » goûter. Ou encore la mode des mini-légumes dont le succès tiendrait autant à leur lisibilité dans l’assiette qu’à leur facilité de préparation et leur extrême tendreté (idéal pour éveiller l’envie des enfants). Après les légumes oubliés (panais, topinambours, rutabagas) ou de toutes les couleurs, place aux mini-légumes.
Tout est mini dans notre vie, chantait Dutronc il y a plus de cinquante ans. Une véritable prédiction.