Depuis quelques mois, à Paris, les cafés ont de drôles d’airs. Sur leurs façades, au dessus de leurs vitrines, à la manière des très en vogue murs végétalisés, ont poussé des gerbes de fleurs de couleur pastel, parfois éclairées de guirlandes. Poussé n’est d’ailleurs pas le mot puisque lesdites fleurs sont en plastique et, à n’en pas douter, fabriquées en Asie, ce qui les rend assez éloignées de la nature à qui elles sont censées rendre hommage… Sur certaines terrasses, on peut aussi observer d’étranges parasols colorés, de format plus réduit qu’habituellement et que l’on imaginerait plus spontanément sur une plage indienne ou thaïlandaise qu’au pied de Montmartre. Parions qu’ils ne vont pas mettre longtemps à se multiplier sitôt les beaux jours revenus.
On peut raisonnablement imaginer que ces irruptions de kitsch sur le patrimoine local, avec lequel elles tranchent abruptement, se retrouvent dans toutes les grandes villes du monde, mondialisation et instragramabilité des lieux obligent. Car la raison avancée par les cafés est celle-ci : attirer les clients (comprenez : les touristes) en leur offrant l’opportunité d’un selfie ou d’une photo publiable sur les réseaux. C’est ainsi que des ours en peluche géants se sont retrouvés attablés aux terrasses des cafés durant la crise sanitaire… L’économie de l’attention n’est pas seulement une théorie. Elle est même le nouvel enjeu du commerce et tous les moyens sont bons pour assurer sa croissance. Le pire est à craindre. Et tant pis pour l’esthétique des cafés dont les codes incarnent pourtant la culture et l’histoire de chaque ville. Faut-il en appeler l’Unesco pour les protéger ?
A son arrivée en France (en 1992), le parc d’attraction de la plus célèbre des souris se nommait Eurodisney, vite rebaptisé Disneyland Paris afin de profiter pleinement du pouvoir d’attraction de la Tour Eiffel et de gommer toute intention d’internationalisation. Trente ans plus tard, Paris est devenue Paris Disneyland. Si la série Emily in Paris, unanimement raillée, surjoue les codes d’un Paris qui n’existe plus que sur des cartes postales, nos cafetiers, eux, se chargent de faire peu à peu disparaître un Paris encore existant au profit d’une esthétique sans vérité destinée à satisfaire une quête permanente de merveilleux de pacotille. Qui est le plus critiquable ?