L’évolution du commerce est toujours le reflet de son époque. Et l’avenue des Champs-Élysées en est le miroir. Elle a longtemps accueilli les « vitrines » (on ne disait pas encore flagships) de tous les constructeurs auto qui y présentaient leurs nouveautés de façon spectaculaire puis, brièvement, H&M, preuve que la fast-fashion n’a pas sa place sur « la plus belle avenue du monde » (sans doute à cause de ses loyers…) avant de s’offrir au luxe porté par la mondialisation.
Voilà à présent le temps des marques de sport qu’il serait réducteur de voir comme le énième soubresaut d’un « effet JO », fantasme collectif du moment aux contours pourtant incertains. L’installation de Salomon (expert du trail running) en lieu et place du vaisseau amiral Citroën (à l’architecture remarquable conçue en 2002 par Manuelle Gautrand) est le symbole de cette mutation commerciale, qui signe l’explosion des pratiques sportives depuis la crise sanitaire autant que l’importance prise désormais par le bien-être et la santé.
Salomon sera ainsi voisin des déjà-là Lacoste, Lululemon, Foot Locker, Nike et Adidas et des nouveaux-là comme l’enseigne britannique JD sports, et la marque suisse On Running, spécialiste de la course à pied et cotée à la Bourse de New York… Le Marais, autre pouls transactionnel de la capitale, n’est pas en reste avec l’ouverture d’un magasin Courir rue des Francs-Bourgeois (à la place d’un Marionnaud…), non loin de ceux d’Arc’teryx et de Millet (rue des Archives). On annonce aussi l’arrivée de Salomon boulevard de la Madeleine où se trouve déjà Decathlon en attendant JD sports, rue Tronchet, et Hoka, autre challenger du running, boulevard des Capucines. Stop, les rues sont pleines !
Alors que le prêt-à-porter accumule les raisons de se plaindre, entre la pression du net, de la fast-fashion, des arbitrages financiers des ménages et de la tentation du Re (repair, reduce, re-use, recycle), jamais le sport n’a semblé aussi présent et attractif. Les deux univers portent pourtant une même promesse de style et d’expression personnelle. Oui, mais dans le monde du sport, cette promesse se conjugue sur le mode de la performance. Une performance technique au service d’un renforcement de l’image de soi attendue par tous ceux qui s’envisagent en « urban warriors », la figure montante du moment, stylée et dotée d’un mental fort.
Il y a 20 ans, les SUV activaient déjà les mêmes leviers pour laisser derrière eux les berlines…
So What ?
« Be normal » n’est pas toujours ce à quoi aspirent les consommateurs d’aujourd’hui. Au contraire. Le succès actuel des marques de sport l’atteste.