Dans le Figaro du 30 octobre dernier, Philippe Gloaguen, le fondateur du Guide du Routard que l’on ne présente plus, nous incitait à « oser le pas de côté » à l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage : un « beau livre » au délicat titre de « Voyages France », richement illustré et fleurant bon le patrimoine façon « Des Racines et des ailes ». Châteaux, cathédrales, îles de rêve, terroir et plats canailles. 2,64 kg, 384 pages, 690 photos, plus de 400 illustrations, le tout pour 35 euros, soit un peu plus de 13 euros le kilo. Une affaire qui sent tout de suite le sapin… de Noël.
On apprend ainsi que 75% de la population touristique va sur 15% des lieux. D’où l’idée du « pas de côté ». Certains esprits malins ne pourront s’empêcher de penser que le premier pas de côté est sans doute de racheter un Guide du Routard pour partir en voyage alors que les sites et applis de tous poils pullulent.
Faire un pas de côté, c’est aussi savoir s’éloigner des réseaux sociaux et de leur obligation de selfies à des endroits pré-déterminés. Le raisonnement est-il d’ailleurs limité au seul secteur du tourisme ? N’avons-nous pas, nous aussi, dans notre quotidien, tendance à répéter les mêmes gestes, à fréquenter les mêmes marques et les mêmes enseignes et à suivre les suggestions faites sur les réseaux sociaux par nos « amis » dont nous ignorons souvent beaucoup ? Historiquement reflet d’une appartenance sociale, la consommation est devenue, au fil du temps, un signe identitaire. « Je consomme ce que je suis » a ainsi progressivement laissé la place à « Je suis ce que je consomme » qui, face au développement des réseaux sociaux, finit par devenir « Je suis ce que les autres me suggèrent de devenir ».
Les réseaux sociaux qui auraient pu être des véhicules inédits pour accéder à de la différence et à de l’originalité agissent in fine comme des boussoles permettant à chacun de se convaincre qu’il évolue bien dans le sens qu’il croit être le bon. Conséquence : l’effet miroir rôde sans relâche engendrant une conformité de consommation comparable à celle observable dans le secteur du tourisme.
Heureusement que depuis quelques années, les consommateurs se montrent de plus en plus curieux des « petites marques » locales, de producteurs indépendants ou importées de très loin. Une bonne nouvelle pour la démocratie consommatoire et une manière de souligner la nécessité du pas de côté en toutes circonstances.